Un médecin interdit d'exercice après le suicide de sa patiente sous baclofène
11 septembre 2014. En consultation, Madame D. confie à son dermatologue souffrir de boulimie hyperphagique et de phases dépressives. "Contre l'angoisse et l'anxieté", la praticienne lui prescrit alors du baclofène, médicament autorisé à l'époque pour le traitement des courbatures spastiques et disposant depuis peu d'une RTU pour le traitement des addictions à l'alcool. La prescription est renouvelée le mois suivant, "par correspondance sans avoir revu la patiente", relève la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins, dans sa décision du 15 décembre dernier, récemment mise en ligne. "Je le renouvèle autant que vous voulez et vous gérez vous-même", indique alors le Docteur A à sa patiente. En novembre, Madame D. se confie sur le forum du site baclofene.com. Ressentant des effets secondaires, notamment sur le plan psychologique, elle écrit des messages inquiétants. Le 27 novembre 2014, victime d'un raptus suicidaire, elle se défenestre et décède le lendemain.
C'est son conjoint qui a porté plainte à l'Ordre, estimant notamment que la patiente n'avait reçu aucune information sur cette prescription hors AMM. En première instance, en avril 2017, la chambre disciplinaire régionale prononce une interdiction d'exercice de 8 jours avec sursis. Une sanction jugée trop légère par la chambre disciplinaire nationale. Dans sa décision, elle souligne les nombreux manquements déontologiques de la dermatologue : la prescription hors AMM et RTU n'a pas été mentionnée comme telle, et était contraire aux données acquises de la science. L'Ordre juge que la dermatologue a fait courir des "risques injustifiés" à sa patiente, "d’autant plus qu’une telle prescription ne relevait nullement de sa spécialité de dermato-vénérologie et qu’elle n’avait manifestement ni les connaissances, ni l’expérience de ce type de prescription", même si elle avait suivi des formations sur le Baclofène. "Les prescriptions de baclofène ont été faites avec une posologie et pour une durée imprécise, caractérisant un manque de clarté particulièrement grave compte tenu de la dangerosité du médicament", charge-t-il. Le médecin traitant n'a pas été informé et la praticienne n'a pris contact avec un psychiatre et un nutritionniste que "très postérieurement" à ces prescriptions. La dermatologue se défend en soutenant qu'elle a conseillé à sa patiente la lecture de deux ouvrages écrits par des spécialistes du baclofène et lui a indiqué dans un mail que l'"indication officielle" était l'alcool. Elle maintient que sa prescription était justifiée "dans la mesure où aucun médicament efficace n’existe actuellement pour le traitement des troubles du comportement alimentaire", que cette indication n'est pas interdite et que les études sur l'utilisation du baclofène dans le traitement des troubles alimentaires étaient "encourageantes". Pas convaincu par ces arguments, la chambre disciplinaire nationale a prononcé une sanction de 9 mois d'interdiction d'exercice, qui a pris effet le 1er avril dernier.
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