En commission, les députés rejettent le budget de la Sécu pour 2024

20/10/2023 Par Louise Claereboudt

Durant quatre jours, les députés de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale ont examiné le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, et ses plus de 2800 amendements. A l’issue de quatre jours d’examen, les députés de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale ont rejeté en bloc le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Par cette décision historique, la commission lance ainsi un message clair au Gouvernement : ce dernier doit revoir sa copie. L’ombre du 49.3 plane toutefois sur ce texte budgétaire, qui doit être débattu en séance publique à partir de mardi prochain. La Première ministre, Elisabeth Borne, a en effet montré avec le projet de loi de finances (PLF) qu’elle n’hésiterait pas à recourir à cet article pour passer le texte en force. L’examen du PLFSS a commencé ce mardi par l’adoption de la rectification de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2023, réévalué à 247,6 milliards d’euros, soit 2,8 milliards d’euros de plus. La commission a en revanche infligé un revers symbolique ce vendredi, en s’opposant à l'Ondam pour 2024 – le Gouvernement tablait sur une hausse de 3,2%, insuffisante pour la commission. Les sous-Ondam (troisième partie de ce PLFSS) ont été tour à tour rejetés par les députés des oppositions.

Ce PLFSS 2024 "ne couvre pas toutes les dépenses notamment avec la question de l'inflation et l'augmentation des salaires", a déploré le député écologiste Sébastien Peytavie. Le député communiste Yannick Monnet a estimé que "les dépenses de santé [prévues] sont bien insuffisantes par rapport aux besoins des populations" et souhaité envoyer un "signal fort" à l’exécutif. Dans un communiqué, il a souligné que ce rejet était un "évènement inédit".

Ce PLFSS "était insuffisant à tout point de vue : il ne réglait pas les problèmes de nos hôpitaux, ne comportait pas de mesure sur le grand âge, ni sur la #santementale, ni sur la protection des plus précaires", a déclaré le député socialiste Joël Aviragnet, dans un post publié sur X (anciennement Twitter). De son côté, la rapporteure Stéphanie Rist s’est dit "sidérée", et a regretté "l’irresponsabilité" des oppositions, alors que plusieurs amendements avaient été adoptés au cours de ces quatre journées d’examen, enrichissant le texte d’origine. Au total, près de 2800 amendements déposés sur ce texte ont été passés en revue par la commission de mardi à ce vendredi. Voici les mesures qui avaient obtenu un feu vert de la commission.   Lutte contre la fraude des professionnels de santé Au-delà des dépenses de santé, le projet de loi relatif au budget de la Sécu du Gouvernement prévoit 3,5 milliards d’euros d’économies sur la branche maladie, qui doivent notamment passer par "un effort de maîtrise des dépenses de soins de ville" et "une responsabilisation de l’ensemble des acteurs". Notamment, il contient un vaste plan de lutte contre la fraude. A ce sujet, la commission a adopté un amendement porté par le socialiste Jérôme Guedj, qui prévoit de rendre "automatique" l’annulation par l’Assurance maladie des cotisations sociales qu’elle a pris en charge au bénéfice du professionnel de santé reconnu coupable de faits à caractère frauduleux. Dans le texte d’origine, il est seulement indiqué que "l’organisme d’assurance maladie peut procéder à l’annulation de tout ou partie de cette participation sur la part des revenus obtenus frauduleusement". Or l’annulation "doit être automatique", jugent les quatre auteurs de l’amendement. L’annulation "doit porter sur l’ensemble du montant pris en charge par l’Assurance maladie", précise un autre amendement, adopté lui aussi. Déposé par Stéphanie Rist, un amendement, qui a obtenu le feu vert de la commission, incite les directeurs des organismes locaux d’assurance maladie ainsi que les services médicaux de ces organismes à transmettre les informations concernant les faits à caractère frauduleux commis par un professionnel de santé à l’ordre professionnel auquel il est inscrit.   Limitation à 3 jours des AT en téléconsultation L’article 28 du PLFSS 24 visant à limiter la prise en charge des arrêts de travail prescrits en téléconsultation à 3 jours a été adopté. Un amendement de repli a été déposé sur cet article. Compte tenu des difficultés croissantes d’accès aux soins, cet amendement, issu d’une proposition de France Assos Santé, propose "d’engager, a minima, les médecins à orienter systématiquement les patients qui les téléconsultent vers une solution pour pouvoir bénéficier d’une consultation rapide, lorsque l’état de santé le nécessite, afin de ne pas être pénalisé par la limitation de la durée des indemnités journalières lorsqu’un arrêt de travail est justifié". Il a été adopté.   Feu vert pour la délivrance d’antibios par les pharmaciens sans prescription Les députés ont adopté l'article autorisant les pharmaciens à délivrer sans prescription médicale des antibiotiques en cas de test positif, en particulier pour les angines bactériennes et les infections urinaires simples. Un amendement, souhaité par la CSMF, qui voulait...

conditionner cette "mesure de simplification" à l'indisponibilité du médecin traitant ou d'un médecin régulateur (SAS ou PDSA) a été rejeté. "Sur tous nos territoires, on a besoin, besoin, de libérer du temps aux médecins", a fait valoir Stéphanie Rist. D’autres amendements élargissant les compétences d’autres professionnels de santé ont été adoptés. L’un d’eux – déposé par Stéphanie Rist – prévoit "d’expérimenter la possibilité de prescrire un certificat d’aptitude sportive, aujourd’hui réservée aux médecins, à d’autres professionnels de santé comme les infirmiers en pratique avancée ou les masseurs-kinésithérapeutes lorsqu’ils interviennent dans le cadre d’une structure d’exercice coordonné".   Les kinés inclus dans les rendez-vous de prévention Les députés ont adopté plusieurs autres articles du PLFSS 2024 relatifs à la prévention, comme le déploiement de la vaccination HPV dans les collèges en 5e et la suppression du ticket modérateur de certains vaccins (ROR, grippe, et papillomavirus) ; la prise en charge des préservatifs pour les moins de 26 ans – un amendement adopté prévoit d’élargir cette prise en charge aux préservatifs internes ; etc. Ils ont également ouvert la possibilité aux kinésithérapeutes d’intervenir dans les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie. "Exclure les kinésithérapeutes, experts de la prévention des troubles du mouvement et de la perte d’autonomie, de ces rendez-vous de prévention représenterait une occasion manquée d’agir efficacement contre la perte d’autonomie et la sédentarité", ont estimé les quatre députés auteurs de cet amendement. En outre, un amendement de la rapporteure générale Stéphanie Rist qui a été adopté prévoit d’autoriser l’expérimentation durant 3 ans du dépistage prénatal du cytomégalovirus (CMV) "de façon systématique et précoce". "La prévention de la transmission de la femme à son foetus, par un traitement antiviral nontératogène est majeure car particulièrement efficace si l’infection est diagnostiquée précocement : près de 80 % des handicaps induits par le CMV sont ainsi évitables par la réalisation de ce dépistage systématique et précoce", argumente-t-elle dans l’exposé des motifs. Un rapport devra être réalisé six mois avant la fin de l’expérimentation pour évaluer la pertinence d’une généralisation.   Forfaitisation des actes de radiothérapie Parmi les autres amendements adoptés, on peut citer notamment l’inscription dans la loi du principe d’une "forfaitisation des actes de radiothérapie pris en charge pour un même patient par l’assurance maladie obligatoire". A ce jour, le modèle de financement de la radiothérapie "repose sur une double tarification qui engendre des distorsions tarifaires et une mauvaise allocation des ressources entre les secteurs public et privé non lucratif d’une part et le secteur privé lucratif d’autre part", estime Stéphanie Rist, qui a déposé cet amendement. Ce nouveau modèle de financement basé sur les forfaits pourrait "contribuer utilement à la maîtrise des dépenses publiques", ajoute Stéphanie Rist. La députée-médecin a également suggérée d'inscrire dans la loi la mise en place d'un financement forfaitaire des séances de dialyse. Séances qui, actuellement, "font l'objet d'un financement à l'activité peut s’avérer très rentable pour certaines structures". Amendement adopté là encore.   Mais encore… Un amendement de Frédéric Valletoux – adopté – prévoit de mieux accompagner les femmes souffrant de dépression post partum en ouvrant la voie à une expérimentation créant un parcours de soins dédié. "Ce parcours de soins pourrait être mis en place par l'ARS, en associant tous les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge, pour repérer et traiter au plus tôt les patientes et renforcer l’information des professionnels et des familles." Un autre amendement – là encore de Stéphanie Rist – autorise le directeur général de l’ANSM à "suspendre, en cas de tension avérée sur un médicament, les ventes directes entre les exploitants et les officines". "Il peut contraindre les laboratoires à vendre aux seuls grossistes-répartiteurs pour une durée limitée à la période de tension". Les mesures proposées par le Gouvernement pour lutter contre les tensions d’approvisionnement ont été adoptées : délivrance conditionnée, délivrance à l’unité, prescription d’antibios interdite par téléconsultation.

8 commentaires
7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de David Durand
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Débatteur Renommé
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
La logique Ristienne me laisse perplexe : libérer du temps médical en délégant les certificats de sport aux IPA et kiné et les cystites / angines aux pharmaciens. N'eut-il pas été plus utile de dézing
Photo de profil de Fabien Bray
5,8 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
L'insuffisance de budget était évidente, mais la financer par la lutte contre la fraude c'est un vaste blague. Durcir les sanctions pour les "fraudeurs" pourquoi pas, à condition que la fraude soit f
Photo de profil de Marie Claude Milhau
730 points
Débatteur Renommé
Infirmiers
il y a 1 an
Tuer l’avant garde de la médecine de ville et des soins infirmier est contre productif sur le budget de la sécurité sociale ! La prévention est depuis longtemps notre plus en médecine de ville et tota
 
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