Etudiants en médecine français partis à l'étranger : "On n'est plus les bienvenus"
A l'origine d'une proposition de loi visant à augmenter le nombre de médecins en France, le député LR Yannick Neuder a organisé un colloque mardi 4 juin sur la fuite des étudiants en santé à l'étranger. Plusieurs de ces jeunes, désormais carabins en Roumanie ou en Belgique, ont témoigné des raisons qui les ont poussés à partir et des difficultés qu'ils rencontrent pour revenir exercer en France.
"En France, je n'ai pas eu médecine à 0,04 point après les oraux [en Pass, NDLR]. Je n'ai pas voulu faire le système LAS, donc j'ai décidé de partir à l'université de Cluj-Napoca pour continuer mes études", raconte Mathis, désormais en première année de médecine en Roumanie. A l'occasion d'un colloque sur la fuite des étudiants en santé organisé mardi 4 juin par le député LR Yannick Neuder, le jeune homme a expliqué les raisons qui l'ont mené à quitter l'Hexagone. Mais si la formation roumaine est d'après lui très satisfaisante, le carabin aimerait "vraiment revenir en France", a-t-il confié, devant une poignée de députés.
Un sentiment partagé par d'autres étudiants, présents ce mardi à l'Assemblée nationale. Comme Chloé, étudiante en deuxième année de médecine en Roumanie, jointe par visioconférence. "L'éloignement de notre famille, de nos amis et l'aspect financier, car je dois financer mes études … Ce sont des raisons pour lesquelles j'aimerais revenir en France", a avancé l'Auvergnate d'origine, qui rêve de devenir généraliste en milieu rural.
Pour aider ces carabins, le député Yannick Neuder, cardiologue de profession, a déposé fin 2023 une proposition de loi visant à réintégrer les étudiants français partis se former à la médecine à l'étranger. Chaque année, plusieurs centaines de jeunes – refoulés des facs de médecine françaises – tentent leur chance dans d'autres pays européens comme en Roumanie, en Belgique ou en Allemagne. Un non-sens pour l'élu LR, qui souhaite leur retour en France. Alors que le système de santé hexagonal manque cruellement de bras, le député alerte sur la situation de ces jeunes, qui peinent à revenir exercer dans leur pays d'origine.
"On nous fait ressentir un sentiment de culpabilité"
Ces aspirant-médecins estiment, en effet, ne pas être les bienvenus sur le territoire français. "Comme la majorité des étudiants qui s’expatrient, mon but était de revenir", a expliqué Camil, interne en neurochirurgie à Lausanne (Suisse), qui a réalisé son externat à l'université de Iasi en Roumanie. "Malheureusement, au fur et à mesure des années, on se rend vite compte que ce retour sera très difficile. Dès que l’on part, le système français nous montre que l’on n'est plus les bienvenus et que nous avons décidé de choisir 'la facilité' ou de payer notre diplôme", a-t-il poursuivi, assurant pourtant avoir reçu "une très bonne formation". "On nous fait ressentir un sentiment de culpabilité, un sentiment de rejet qui se construit pendant le parcours."
Cette situation est d'autant plus aberrante pour le député Yannick Neuder que "l'on voit d’autres pays faire des propositions aux étudiants français qui étudient en France, mais aussi à ceux qui étudient à l’étranger, ce qui fait que [leur] retour en France n’est plus du tout une évidence", a avancé l'élu.
Selon le député, les départs d'étudiants à l'étranger se sont accentués depuis la mise en place de la réforme de la Paces en 2020. Celle-ci a instauré deux nouvelles – et uniques – voies d'accès aux études de médecine en France : les Pass et les LAS*. Le redoublement est devenu impossible, mais ceux qui se rêvent médecins peuvent – s'ils n'intègrent pas médecine à l'issue de leur Pass ou première année de LAS (LAS 1) – intégrer une LAS 2 sous conditions. Cette réforme a également mis fin au numerus clausus au profit du numerus apertus.
La proposition de loi portée par Yannick Neuder prévoit de supprimer ce nouveau numerus, en faisant primer les besoins de santé du territoire sur le critère des capacités de formation des facultés dans la fixation du nombre d'admis en deuxième année de médecine. Le texte prévoit également que soient octroyés davantage "de moyens aux universités", a rappelé le député, sous les yeux des étudiants présents.
"Ce sont nos jeunes sur les territoires qui partent"
Un objectif salué par Emmanuel d'Astorg, président du collectif de parents d'élèves "Pass/LAS". "Cette réforme du système a fait qu’aujourd'hui un nombre massif d’étudiants sont partis. Ce système, sous prétexte de sortir de 'la boucherie de la Paces', a créé pire", estime-t-il. Et, si "cette réforme avait un objectif majeur, celui de vouloir en finir avec les déserts médicaux", rien n'a changé, a-t-il ajouté.
Craignant que cette fuite de futurs médecins à l'étranger renforce, un peu plus, le déficit de médecins dans les territoires, Gilles Noël, vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), a également tenu à prendre la parole. "Ce sont nos jeunes sur [ces] territoires qui vont à l'étranger", s'est inquiété l'édile. Cette situation a poussé l'AMRF à mener une étude en 2023, financée par la Banque des territoires, sur ce phénomène.
Selon les résultats de cette enquête – réalisée auprès de 286 étudiants français partis en Roumanie -, plus de 54% d'entre eux envisagent de s'installer en France à la fin de leurs études ; 33,1% hésitent encore. Toutefois, très peu de ces apprentis médecins indiquent avoir déjà été approchés par des collectivités ou "acteurs de la santé" français dans la perspective d'une installation en France. Une solution qui pourrait pourtant les encourager à revenir y exercer, assure Gilles Noël.
Adoptée début décembre en première lecture à l'Assemblée nationale, la proposition de loi du député Yannick Neuder doit désormais passer devant le Sénat. Un examen qui devrait intervenir à "l'automne", a affirmé l'élu isérois.
*Parcours d'accès spécifique santé (Pass) ; Licence accès santé (LAS).
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