
Formation, éthique, outils numériques... Le ministère dresse un état des lieux de l’IA en santé
La Délégation du numérique en santé a dévoilé, le 11 février dernier, un état des lieux de l’intelligence artificielle (IA) en santé en France. Commandé par le ministère de la Santé et de l’Accès aux soins, ce texte marque officiellement le lancement des travaux de la feuille de route sur l’IA en santé.

Jusqu’ici, la plupart des états des lieux et panoramas relatifs à l’IA ou à la santé numérique concernaient principalement des industriels ou les acteurs régionaux. Cette nouvelle publication, dévoilée le 11 février dernier, permet d’avoir une vue globale de l’ensemble des "actions pilotées par le national, c’est-à-dire le ministère, la Haute Autorité de santé (HAS), l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap)*", rapporte Line Farah, directrice de projet à la Délégation du numérique en santé (DNS).
Conscient de l’enjeu de l’IA en santé, le Gouvernement avait déjà lancé en 2018 une stratégie nationale sur ce sujet pour développer et promouvoir l’innovation. Cet état des lieux permet de "faire le point sur les avancées et les perspectives du déploiement de l’IA dans notre système de santé, tout en offrant aux acteurs de terrain une vision structurée et concrète des actions engagées", peut-on lire dans le communiqué de presse de la DNS. Il retrace les actions qui permettront d’évaluer les bénéfices et les risques pour les professionnels et leurs patients, les actions mises en place pour soutenir l’innovation et son cadre d’évaluation, la régulation et les principes éthiques.
Forme-t-on trop de médecins ?

Fabien Bray
Oui
Je vais me faire l'avocat du diable. On en a formés trop peu, trop longtemps. On le paye tous : Les patients galèrent à se soigne... Lire plus
Formation
Si l’IA peut aider les patients, elle peut aussi être un outil majeur pour faire gagner du temps aux professionnels de santé. Mais pour cela, ces derniers doivent être formés pour bien savoir se servir des outils. Depuis 2024, la formation au numérique est devenue obligatoire dans les études de santé. Elle ne l’est cependant pas encore pour les formations de troisième cycle ainsi que pour la formation continue. Dans son état des lieux, la DNS rappelle toutefois "son ambition de [la] développer".
L’état des lieux a également permis de relever les points où la France "est en avance" en matière d’IA. Elle l’est particulièrement sur "le développement des outils numériques et sur les recommandations des méthodes d’évaluation", confie Line Farah. Le document revient notamment sur les nombreux projets soutenus à l’échelle nationale grâce à la stratégie d’accélération "santé numérique" de France 2030 (SASN). C’est par exemple le cas d’Incepto, une plateforme embarquant l’IA qui s’intéresse à l’imagerie médicale ou encore de Withings, une plateforme qui utilise des outils numériques pour suivre sa santé et sensibiliser à la prévention.
Créée en 2019, la plateforme des données de santé (Health Data Hub) doit également permettre de faire naître de nombreux projets. Elle doit faciliter le partage des données de santé de sources variées afin de favoriser la recherche. Elle accueille par exemple le projet Hydro, porté par Implicity qui a pour but de développer un algorithme afin de prédire les crises d’insuffisance cardiaque menant à une hospitalisation pour les patients porteurs d’un pacemaker.
Pour vérifier l’efficacité de ces outils, il faut aussi les évaluer. Ici encore, des financements sont proposés dans le cadre de la SASN par exemple au niveau des tiers-lieux d’expérimentation en santé numérique, qui permettent de mettre en relation industriels et professionnels de santé pour répondre au mieux à leurs besoins.
Guide pour choisir les dispositifs médicaux
L’état des lieux de l’IA en santé permet également de montrer que la France est davantage en retard sur "le déploiement des solutions et leur mise à disposition auprès des utilisateurs", indique Line Farah. L’Anap a créé en 2022 une plateforme dédiée au recueil des cas d’usage de l’IA dans les établissements sanitaires et médico-sociaux. Elle permet ainsi aux utilisateurs d’une cinquantaine de solutions de faire un retour d’expérience sur l’usage qu’ils ont fait de l’outil. Grâce à ces témoignages, l’Anap a pu rédiger des guides contenant les premiers conseils de déploiement d’une IA de confiance en établissement. Un observatoire sur les usages de l’IA en santé est actuellement en cours de réalisation par l’Anap et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS).
Pour aider au mieux les professionnels de santé à choisir le dispositif médical le plus judicieux pour leur pratique, la HAS a également publié des guides généralistes d’aide au choix. Sur demande, elle s’occupe aussi d’évaluer les dispositifs qui sont susceptibles d’être remboursés pour les intégrer dans les parcours de soin.
Référentiel sur l’éthique publié en 2025
Il y a un peu plus d’un an, une cellule éthique du numérique en santé avait également été créée. Elle avait pour rôle de mettre à disposition un service en ligne pour recueillir les alertes sur les problèmes relevant de l’éthique lors de l’usage de solutions numérique en santé. Aujourd’hui, elle agit également pour recommander les bonnes pratiques aux professionnels de santé. Un référentiel de l’éthique de l’IA en santé sera notamment publié dans l’année.
En 2024, plusieurs textes relatifs au cadre réglementaire entourant l’IA (comme l’IA act ou encore celui sur l’Espace européen des données de santé (EHDS)) ont été votés par l’Union européenne, bousculant ainsi le modèle français. Une stratégie nationale d’utilisation des données de santé est actuellement en cours de réalisation. Elle sera dévoilée en avril prochain.
La publication de cet état des lieux marque également le lancement des travaux pour construire la feuille de route de l’intelligence artificielle en santé, qui sera publiée avant l’été 2025, précise la DNS. Elle sera réalisée "avec l’ensemble des acteurs concernés (patients, soignants, industriels, chercheurs, citoyens)".
*Les contributeurs de cet état des lieux : le ministère de la Santé comprenant la Délégation du numérique en santé (DNS), la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), la Direction générale de la santé (DGS) et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) ; l’Agence de l’innovation en santé (AIS) ; l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), l’Agence du numérique en santé (ANS), la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), la Haute Autorité de santé (HAS), PariSanté Campus et la Plateforme de données de santé (Health data hub).
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