santé numérique en France

Santé numérique : comment la France se positionne face aux autres pays européens ?

Le 28 janvier dernier, les acteurs du numérique en santé se sont retrouvés à la Station F, un campus de start-up situé à Paris, pour la 9e édition des Grandes tendances de la e-santé organisées par Interaction Healthcare. À cette occasion, ils sont revenus sur le développement technologique et juridique de la France sur ce sujet et sur la place qu’elle occupe au sein de l’Europe.

20/02/2025 Par Mathilde Gendron
santé numérique en France

"On est dans un pays où l’innovation est une marque de fabrique", a rappelé le ministre de la Santé, Yannick Neuder, en introduction de la 9e édition des Grandes tendances de la e-santé, organisées mardi 28 janvier à la Station F, à Paris. "Toutes ces innovations ont finalement transformé le monde", a-t-il poursuivi en faisant notamment allusion à "Pasteur, à la création des antibiotiques, à la vaccination..."

Autrefois directrice de l’Agence de l’innovation en santé, Lise Alter est maintenant directrice de cabinet au ministère de la Santé. Une façon de montrer l’importance de l’enjeu de la e-santé. Pour Yannick Neuder, c’est "un message disant qu’il faut qu’on forme plus, qu’on soigne mieux, mais en utilisant les outils de demain et naturellement que l’IA va totalement transformer nos pratiques professionnelles et la prise en charge de patients".

"En France, on se positionne très bien dans le développement du numérique en santé"

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Louisa Stüwe, cheffe de projet e-santé au sein du ministère de la Santé, a notamment travaillé en relation avec plusieurs partenaires européens afin de comparer les différences de développement de la France avec les autres pays. "En France, on se positionne très bien dans le développement du numérique en santé, notamment grâce au Ségur du numérique, Mon espace santé, la stratégie d’accélération en numérique en santé… On a de quoi être fiers", précise-t-elle.

La cheffe de projet précise que lors de la présidence française de l’Union européenne (UE), en 2022, l’initiative avait été de "pousser l’Europe" sur des sujets de santé numérique, notamment sur "l’espace européen des données de santé (EHDS)". Ce texte doit permettre de simplifier les échanges de données entre professionnels de santé faisant partie d’un pays membre de l’UE et de réutiliser ces données notamment pour la recherche. "Nous voilà trois ans plus tard, et ce texte va entrer en vigueur dans quelques semaines. C’est donc une énorme évolution", confie-t-elle.

Mais les autres pays européens se développent-ils aussi bien que la France ? Louisa Stüwe tient tout d’abord à rappeler qu’il est difficile de comparer les pays entre eux. "On ne peut pas dire qu’un système de santé numérique aussi centralisé que celui de la France est comparable à un système fédéral comme celui de l’Allemagne. Pareil pour l’Italie, qui a un système régionalisé." Certaines particularités ont cependant été mentionnées, par exemple du côté des pays baltiques qui sont souvent cités comme étant "des pays avancés", relève Loïc Chabanier, associé EY, en charge de la santé dans l’Europe. "Ils ont entamé une digitalisation de façon plus tardive et limité. Ils se reposent beaucoup sur les Gafam (Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft)", posant ainsi une question en termes de confidentialité des données. Mais ils sont aussi historiquement très régionalisés, leur permettant de "développer des solutions au niveau des territoires", de façon "moins complexe parce qu’il y a beaucoup moins d’acteurs".

"Environ 50 % des dossiers qui sont envoyés à la HAS sont incomplets. Dès lors, ça suspend l’évaluation"

La France se distingue aussi "par un cadre du numérique en santé fort et structuré, avec une démarche volontariste", mais il y a un "point de difficulté que l'on retrouve", estime Loïc Chabanier : l’utilisation des données de santé sur l’usage secondaire. "On idéalise beaucoup ce qu’il se passe dans les pays scandinaves, par exemple sur la confiance qu’ont les citoyens sur le partage du numérique en santé et des données de santé. [Pour eux], il n’y a pas de doute, on apprend même à l’école qu’il faut faire confiance aux initiatives de l’État. En France, on n’est pas sur la même base, parce qu’on est plus méfiant", indique Louise Stüwe.

Une autre problématique persiste en France : la pérennisation des start-ups. Pour les aider, le rôle de la Haute Autorité de santé (HAS) est d’évaluer les innovations qui sont susceptibles d’être remboursées pour les intégrer dans les parcours de soin. "Quand on évalue, on se pose surtout deux questions : est-ce que cette technologie rend service ? C’est souvent assez évident pour l’industriel, mais encore faut-il pouvoir le démontrer. Et, est-ce que ce service est supérieur aux services rendus par d’autres technologies ? C’est-à-dire quel est sa place dans l’arsenal thérapeutique ?", explique Lionel Collet, président de la HAS.

S’il reconnaît qu’aujourd’hui qu'un très grand nombre d’outils arrivent sur le marché, il estime qu’il serait "difficile de pouvoir tous les évaluer". D’autant qu’à la différence des laboratoires pharmaceutiques, "beaucoup d’acteurs sont des entreprises de petites tailles […] qui n’ont pas les dimensions appropriées pour connaître toutes les dimensions juridiques et les exigences des essais cliniques". Lionel Collet confie d’ailleurs qu’"environ 50 % des dossiers qui sont envoyés [à la HAS] sont incomplets. Dès lors, ça suspend l’évaluation".

Pour essayer d’aider les entrepreneurs, la HAS a publié un "guide pratique avec les caractéristiques des fonctionnalités des dispositifs médicaux, qui embarque un système apprenant, pour qu’il y ait justement une transparence", assure Lionel Collet.

Des "doubles cursus" ingé-médecine?

Pour que ces innovations parviennent jusqu’aux professionnels de santé, Yannick Neuder évoque notamment la formation pour "sensibiliser [les soignants] par des modules d’IA". "On peut aussi envisager des doubles cursus avec de grandes écoles d’ingénieurs et des facultés de médecine pour justement maîtriser totalement ces sujets", propose-t-il. Le directeur de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme, le rejoint également sur la nécessité d’"ancrer les usages du numérique en santé dans le quotidien des professionnels de santé pour qu’ils deviennent une évidence pour eux", confie-t-il, en précisant, avec un sourire, qu’il y a "encore du boulot".

 

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