ALD, contrôle des prescriptions, arrêts maladie… Un rapport identifie plus de 27 milliards d'euros d'économies possibles dans la santé
Alors que les comptes publics sont dans le rouge, l'Institut Montaigne, un think tank libéral, identifie 150 milliards d'euros d'économies en dix ans. Les dépenses de retraite et de santé sont en tête de liste.
C'est un paradoxe. Les dépenses de santé n'ont jamais été aussi élevées : elles représentaient en 2022 12% du PIB, faisant de la France le troisième pays de l'OCDE (derrière les Etats-Unis et l'Allemagne) à consacrer autant à la santé. Et pourtant, non seulement le pays ne peut plus se targuer d'avoir le meilleur système de santé au monde, mais "la qualité ressentie par les citoyens de l’offre de soins se dégrade graduellement", assène l'Institut Montaigne dans un rapport dévoilé en ce début de mois d'octobre.
En plein débat sur les mesures visant à remédier à la dégradation des comptes publics, ce think tank libéral propose des pistes pour aider la France à sortir des "illusions" et affronter la réalité des finances en face. Au total, les mesures d'économies envisagées permettraient de dégager 150 milliards d'euros en dix ans, dont 27.6 milliards sur la santé.
Parmi les propositions de cette "note d'enjeu", plusieurs visent à "réorganiser les soins" pour économiser 10 milliards d'euros. "La diminution de l’efficacité du système de soins en dépit de l’accroissement du nombre de professionnels de santé en activité pose la question de l’organisation des soins sur le territoire et entre les différents acteurs du soin en France", estiment en effet les auteurs, qui plaident pour mieux répartir l’appareillage d'imagerie médicale sur le territoire, développer encore la télémédecine, les réseaux de santé sur les territoires pour éviter les recours inappropriés aux urgences et l'ambulatoire.
"Les professionnels de santé devraient être davantage suivis pour leurs prescriptions"
En matière de prescriptions, l'Institut évalue à 3 milliards d'euros les économies qui pourraient être dégagées grâce aux médicaments génériques. "L’Allemagne et le Royaume-Uni imposent à leurs professionnels de santé, et en particulier aux pharmaciens, de délivrer le médicament le moins cher. Le taux de prescription de génériques y atteint ainsi plus de 80%", citent les auteurs, qui appellent également à "une prise en charge plus efficiente de l'insuffisance rénale chronique terminale" (notamment par le développement des dialyses à domicile) et à renforcer la "rémunération à la performance des pratiques et des actes médicaux".
"Les professionnels de santé devraient être davantage suivis pour leurs prescriptions. Au Danemark, les prescriptions des médecins sont contrôlées par une agence centralisée qui veille à identifier les atypies en matière de prescription. Le cas échéant, l’agence peut restreindre voire suspendre le droit de prescription du médecin", soulignent les auteurs, qui regrettent que les "dispositifs contraignants" en France - notamment sur les prescriptions d'indemnités journalières - ne concernent qu'une "très petite fraction" des médecins.
Réduire la liste des ALD
"Afin de limiter les arrêts maladie de complaisance", la note identifie d'ailleurs plusieurs mesures pour une économie totale de 3,2 milliards d'euros : accroissement du délai de carence, jour de carence d'ordre public, réduction de la durée maximale d'indemnisation…
L'Institut mise par ailleurs sur les franchises, y compris pour les ALD, qui représentent "un peu moins de la moitié des dépenses publiques de santé en France". Il appelle à contrôler davantage les prescriptions pour les patients en ALD, à "ne plus financer certains actes médicaux à faible valeur ajoutée" ou encore à "réduire la liste" des ALD.
Toutefois, pour renforcer l'équité du système de santé, la note soulève l'idée d'un "bouclier sanitaire" proportionnel aux revenus. "L’application d’un seuil maximal de reste à charge en fonction du revenu constituerait une solution qui permettrait aux ménages d’être protégés en cas de soins lourds. En revanche, tous les actes médicaux pourraient se voir attribuer une franchise et/ou un forfait de contribution, dans la limite d’une fraction prédéterminée du revenu, ce qui désinciterait les ménages à surconsommer des actes ou biens médicaux", explique la note.
"Ces économies ne devraient pas être, en principe, le prétexte à des revalorisations salariales et tarifaires de la part des professionnels de santé, qui risqueraient de réduire très largement les économies présentées ci-dessus", prévient le think tank, qui considère que la "rémunération des médecins rapportée au salaire moyen en France apparaît plutôt dans la moyenne de celle des pays de l’OCDE".
"Tendances corporatistes"
Plus facile à dire qu'à faire? "L’ensemble de ces mesures d’économies sont intrinsèquement liées à la mise en œuvre de multiples réformes conçues et adoptées en silo et non de manière systémique", pointent les auteurs. Or, les tendances corporatistes de certains acteurs, les difficultés d'accès aux soins de nombreux citoyens, les difficultés de recouvrement, la complexité de l'homogénéisation de l'offre ou encore le changement de pratiques ne peuvent être décidés dans le cadre d’un unique projet de loi", reconnaissent-ils, appelant à la "programmation d'une politique de santé pluriannuelle".
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