Un quart de dépenses de santé "évitables" ? Les pistes des industriels pour rendre le système plus efficient
Lors de ses 13e Rencontres organisées ce mardi 1er octobre à Paris, le G5 santé a appelé à la mise en place d’un Plan national pour l’efficience en santé. Dans un contexte budgétaire "contraint", le consortium a tenu à être force de proposition pour plus de sobriété, et listé 15 recommandations pour réduire la dépense publique sans déstabiliser le secteur.
"Le constat d’un système de santé à bout de souffle est unanime, il est grand temps de poser la question d’autres modes de gestion, de revoir les modalités d’allocation des ressources, d’organisation des soins et d’évaluation et, enfin, d’augmenter l’efficience de notre système de santé", a plaidé Didier Véron, président du G5 santé, en ouverture des 13èmes Rencontres du consortium, qui se tenaient à Paris ce mardi 1er octobre.
A l’instar des autres pays de l’OCDE, la France fait face à un défi de taille, a rappelé le président de ce cercle de réflexion qui regroupe les huit principales entreprises françaises de produits de santé, dont Sanofi et Servier : comment faire face à une augmentation permanente des besoins de santé, liée au vieillissement de la population et à l’accroissement des maladies chroniques, "dans un contexte de dépenses publiques contraintes ?" En tant que think tank, le G5 santé a souhaité "apporter sa contribution", et a formulé 15 recommandations.
Ces recommandations émanent d’un rapport commandé à Sandrine Bourguignon, économiste de la santé et fondatrice du cabinet d'études et de conseils RWEality. Invitée à présenter ses travaux à l’occasion de ce grand rendez-vous, Sandrine Bourguignon a d’abord rappelé que l’efficience en santé ne signifie pas uniquement "régulation des prix" ou "coupes budgétaires". "On cherche à maximiser les bénéfices en santé sous un certain nombre de contraintes dans l’équation", a-t-elle expliqué.
Demande de santé, offre de soins et services, mécanismes de financement, pilotage du système… L’économiste a passé au crible "les quatre piliers" structurant le système de santé, et a observé que "les pertes d’efficience […] existent et sont surtout multiples" : faible valeur des soins, événements indésirables évitables, gaspillage de produits de santé, errance médicale, fraude… "20 à 25% des dépenses de santé annuelles seraient évitables", a-t-elle révélé, face à un parterre d’industriels.
Une estimation corroborée par Guillaume Dedet, économiste à l’OCDE, présent lors de la première table ronde de la matinée. "Si l’on consulte les autres sources de littérature sur le sujet, on oscille entre 20 et 30% [de dépenses annuelles évitables], a-t-il indiqué. Aujourd’hui, dans les pays de l’OCDE, on est aux alentours de 9% de points de PIB dédiés à la santé en moyenne. En 2040, si on ne change rien, on arrivera à 12% [...] Le meilleur scénario de maximisation de l’efficience que nous avons développé, [indique] qu’on pourrait diviser par deux cette croissance, on passerait à 10,5% [de points de PIB]."
"Si on veut vraiment rendre l’ensemble des contraintes compatibles, il faut absolument s’attaquer à [l’efficience], puisque les autres leviers que l’on a ne sont pas faisables ou désirables", a poursuivi Guillaume Dedet.
Un pilote dans l’avion
Fort de ce constat, le G5 santé a appelé à la mise en place d’un Plan national pour l’efficience en santé autour de trois axes, déclinant 15 propositions. D’abord, le consortium suggère de mettre l’efficience au cœur du pilotage du système. Cela doit passer par l’instauration d’une loi de programmation pluriannuelle, que d’autres acteurs appellent de leurs vœux, et par l’inscription de la loi de financement de la Sécurité sociale dans un cadre pluriannuel. "Parce qu’un plan national d’efficience se construit sur du moyen et long termes ", a estimé Didier Véron.
Le président de l’organisation a également plaidé pour une fongibilité des enveloppes budgétaires consacrées à la santé : "C’est essentiel notamment entre la ville et l’hôpital." Et pour la désignation d’un secrétariat général pour l’efficience en santé. "Aujourd’hui ce sujet est traité par plusieurs directions au ministère de la Santé, et par d’autres ministères [...] mais il n’y a pas de pilote, pas de portage politique", a constaté Didier Véron. En ce sens, il a également souhaité que la recherche d’efficience soit déclinée à tous les niveaux (locaux et nationaux) au sein des différentes agences (comme les ARS) et institutions.
Une révolution culturelle ?
Le deuxième axe de travail identifié par le G5 santé porte sur la mobilisation des professionnels de santé et des patients dans la recherche d’efficience. "Rien ne se fera si on ne parvient pas à embarquer tout le monde", a considéré son président. Cela doit se faire, entre autres, en développant une stratégie et des programmes de prévention. "Tout le monde est acteur de la prévention, bien au-delà de l’avenue de Ségur." "Il faut avoir une vision la plus large possible, créer des ponts", a soutenu la Dre Lise Alter, directrice générale de l’Agence de l’innovation en santé.
Autre levier d’efficience : mettre en place une stratégie d’amélioration de l’adhérence aux traitements.
Le G5 juge également que le travail des soignants devrait évoluer, dans un contexte de "rareté" de la ressource humaine. Il encourage ainsi l’amplification des "délégations de tâches" - "vecteur pour redonner du sens à de nombreux métiers". "Ce que l’on demande aujourd’hui, c’est une véritable révolution culturelle ", a également défendu Gérard Raymond, président de France assos santé, se disant favorable "aux partages de compétences". "Cette posture est nouvelle, nous avons construit un système de santé extrêmement fragmenté", or "l’offre ne correspond plus à la demande".
Le représentant des patients, invité à débattre, a appelé à s’appuyer sur les outils numériques et l’innovation pour mettre en œuvre cette révolution, qui doit permettre de passer d’un "colloque singulier à un colloque pluriel", et ainsi de faire des gains d’efficience tout en améliorant la qualité des soins prodigués aux patients. Le G5 santé soutient, lui aussi, le développement des innovations technologiques et organisationnelles dans cette logique.
Parmi ses autres recommandations, le consortium appelle enfin à mettre en place des outils et des mécanismes qui favorisent l’efficience, en particulier les tests biologiques. "On avance, les pharmacies d’officine peuvent faire des tests sur les angines et les cystites, mais il faut développer davantage cet usage des tests et les systématiser", a déclaré son président, qui demander à généraliser les expérimentations qui ont été lancées et qui, pour beaucoup, tombent un peu dans les oubliettes.
Pour cela, Didier Véron préconise de développer une culture du pilotage et de l’évaluation par les données de santé, "qui sont source d’efficience mais sont encore insuffisamment exploitées dans notre pays, contrairement à d’autres pays européens". "Il faut faire en sorte que la France ne soit plus aveugle", a appelé la Dre Lise Atler, directrice générale de l’Agence de l’innovation en santé. La data permet, en outre, "d’aller vers quelque chose de beaucoup plus personnalisé" dans le soin, ce qui peut guider les campagnes et actions de santé publique.
Le cercle de réflexion défend également la mise en place de mécanismes d’incitations financières à l’efficience, auprès des professionnels de santé notamment. Il juge également nécessaire de refondre les modes de tarification des technologies de santé innovantes. "Aujourd’hui quand on arrive avec une solution multi technologique en France, on a encore parfois du mal à l’évaluer et à la prendre en charge...", a déploré Didier Véron.
Enfin, le G5 santé souhaiterait que les produits de santé puissent bénéficier des gains d’efficience qu’ils ont généré.
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