"L’inclusion des kinés au SAS permettrait de réduire l’insoutenable pression qui pèse sur les services d’urgence"
Alors que les services d'accès aux soins vont bientôt être généralisés, le président du syndicat représentatif Alizé et président de l'URPS-kiné de Paca, François Randazzo, déplore la mise à l'écart des masseurs-kinésithérapeutes. Et ce alors que 6500 visites aux urgences sont imputables aux seules entorses de cheville, souligne-t-il.
"Le 6 avril dernier, à la faveur d’une allocution dévoilant une série de mesures concernant le système de santé, le Premier Ministre, Gabriel Attal, a annoncé la généralisation par décret des services d’accès aux soins (SAS) et l’extension des gardes aux infirmières, dentistes et sages-femmes. Alors que la mission d’accompagnement de la généralisation des SAS préconisait l’inclusion des kinésithérapeutes libéraux dans ce dispositif, il semble que ces derniers ne figurent pas dans les décrets d’encadrement.
Cette omission est assez surprenante au regard des statistiques édifiantes concernant la fréquentation des services d’urgence. En effet, parmi les 50000 visites quotidiennes aux urgences, 6500 sont imputables aux seules entorses de cheville (1) et près de 700 aux lombalgies (3,4). Cela représente environ 14,4% de la fréquentation totale.
L’inclusion des kinésithérapeutes au SAS, et donc l’orientation d’une part significative de ces patients vers leurs cabinets, permettrait de réduire l’insoutenable pression qui pèse sur les services d’urgence et dont les conséquences peuvent parfois être dramatiques.
Le SAS, lancé en 2019 lors du pacte de refondation des urgences, a pour objectif de permettre à chacun d’accéder, via un simple appel, à des soins urgents nécessitant une prise en charge rapide et à des soins non programmés nécessitant un rendez-vous en ville sous 48h.
Si la mission essentielle de ce dispositif est de restreindre le recours inutile aux services d’urgence, le développement et la structuration d’un écosystème sanitaire articulé autour du médecin traitant et des CPTS montrent aujourd’hui que le SAS peut se révéler comme un outil de qualité et de pertinence des soins, favorisant le déploiement d’une logique pluriprofessionnelle.
L’intégration des kinésithérapeutes à ce dispositif serait parfaitement cohérente avec le lancement prochain de l’expérimentation relative à la possibilité pour les patients de consulter un kinésithérapeute sans prescription médicale dans le cadre d’une CPTS.
Face aux difficultés d’accès aux soins, les kinésithérapeutes ont récemment pris des engagements conventionnels sans précédent pour améliorer leur répartition territoriale et renforcer leur présence dans les zones sous-dotées. Mais pour que ces engagements aboutissent à des résultats probants, il est essentiel que ces professionnels soient intégrés à l’organisation des soins non programmés ou urgents.
"Il est crucial d'étendre la capacité des kinés à délivrer des soins en accès direct"
De surcroît, il est crucial d'étendre leur capacité à délivrer des soins en accès direct. En effet, dans les régions où la présence médicale est insuffisante, cet accès direct est indispensable pour que les patients puissent être pris en charge rapidement par leur kinésithérapeute, sans que celui-ci ne dépende d’une prescription médicale.
Ces constats sont pleinement partagés par la mission d’accompagnement de la généralisation des SAS qui a été lancée au début de l’année 2023. Le rapport de cette mission (2), publié en décembre 2023, indique notamment dans sa proposition numéro 67 qu’il serait pertinent d’“envisager une ouverture rapide de la plateforme numérique SAS aux infirmiers libéraux, aux pharmaciens et aux masseurs-kinésithérapeutes car elle est de nature à favoriser la coopération pluriprofessionnelle, le projet métier ainsi que l’accès direct aux professionnels de santé.”
Alors qu’en 2000 l'OMS désignait le système de santé français comme le meilleur au monde, le quotidien des patients ressemble aujourd'hui à un véritable parcours du combattant semé d'embûches.
Si les pouvoirs publics ont affirmé la volonté de réformer notre système de santé afin d’améliorer le service offert à nos concitoyens, il est constant que la mise en pratique de ces réformes se révèle laborieuse. Trop souvent, en effet, la cohérence des mesures proposées est ainsi sacrifiée sur l'autel des corporatismes.
Au cœur de ce système de santé en constante mutation, les kinésithérapeutes n’aspirent qu’à apporter leur contribution à l’amélioration de l’offre de soins de premier recours, avec pour seul objectif l’intérêt du patient.
Dans cette quête d’un système de santé plus performant et proposant à nos patients un parcours plus fluide et plus pertinent, l’intégration des kinésithérapeutes au dispositif SAS est une évidence.
Devant l’impératif de réduire significativement la pression sur les services d’urgence et d’améliorer la prise en charge de nos concitoyens, le Gouvernement serait bien inspiré de suivre les recommandations de la mission d’accompagnement de la généralisation des SAS. Nous ne pouvons que l’encourager en ce sens."
1) Entorses latérales de la cheville : Diagnostic, rééducation et retour à la pratique sportive – Note de cadrage de la HAS - Septembre 2023
3) Épidémiologie et prise en charge des lombalgies aux urgences - Frederic Enjaume, Pascal GODFROY-LETELLIER - Editions universitaires europeennes - 2010
Fedoru, Emergency regional observatory Federation, Paris, France
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