Remplacement des internes : "Ne pas décaler la licence, c'était risquer la coercition"

18/12/2020 Par Aveline Marques
Seuls contre tous? Dans le débat actuel sur le durcissement des conditions d'attribution des licences de remplacement, les internes généralistes de l'Isnar-IMG* ont adopté une position discordante face à l'Isni, qui représente l'ensemble des spécialités. Pour Egora, ils expliquent pourquoi ils ne "s'opposent plus" à l'octroi d'une licence en fin de cursus plutôt qu'au 3e semestre. "C'était ça ou la coercition", expose Morgan Caillault, le président du syndicat.

  Egora.fr : Depuis quelques jours, la position de l'Isnar-IMG sur la licence de remplacement est vivement critiquée sur les réseaux sociaux. Il vous est reproché de ne pas avoir concerté les internes de médecine générale. Comment justifiez-vous ce positionnement ? Morgan Caillault : Il faut d'abord rappeler que c'est un vieux dossier : nous avons été consultés par l'Ordre des médecins en 2019. La position de l'Isnar sur le sujet a évolué dans le temps. Dans un premier temps, nous étions favorables à l'octroi d'une licence de remplacement au 3e semestre validé, puis on a décidé de ne pas s'opposer au fait qu'elle soit attribuée au 5e ou au 6e semestre, après le Saspas [stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée, NDLR]. Il y a deux éléments qui justifient cette position. Le premier, c'est que la réforme du 3e cycle en 2017 demande à toutes les spécialités d'avoir une phase de consolidation, qui permet de devenir Docteur junior : c'est à partir de ce moment-là que l'interne devient responsable de ses actes et peut obtenir une licence de remplacement. Pour les internes en médecine générale, petite particularité, il n'y a pas de phase de consolidation car il n'y a pas assez de maitres de stage pour mettre en place une 4e année d'internat. Il a fallu trouver un compromis pour la licence de remplacement. Il était logique que l'on considère que l'interne soit autonome à l'issue du Saspas, le 2e stage ambulatoire professionnalisant, et puisse avoir accès à la licence à ce moment. En 2018, on a eu des retours qui nous ont poussés à changer de position… Et finalement, en juin 2019, à revenir à la position initiale. Le fait de proclamer qu'on a une licence de remplacement au 3e semestre, et donc de dire qu'on est des professionnels compétents dans l'ensemble des domaines de notre discipline à ce stade, a conduit des parlementaires à considérer que si on peut remplacer au 4e semestre, on est capable d'exercer seul en dernière année, dans un désert, sans être seniorisé, et de ce de façon obligatoire.

Suite à cette mesure, notre conseil d'administration s'est concerté : soit on gardait la licence de remplacement en l'état mais on aurait aucun argument contre cette mesure, soit on arrêtait de s'opposer au décalage de la licence et on évitait la coercition. On a jugé que le plus dangereux c'était la coercition.   Mais que répondez-vous aux internes qui pour de multiples raisons (expérience, complément de revenus, projet d'installation) veulent pouvoir continuer à remplacer en 2e année ? Actuellement, on commence à réfléchir à la possibilité d'une autre licence de remplacement, en autonomie supervisée. On ne serait plus considéré comme un professionnel accompli tel que le dit la licence de remplacement "de base". Ça permettrait aux internes d'avoir des critères pédagogiques et de remplacer leur ancien maitre de stage, de découvrir l'exercice tout en ayant une garantie de seniorisation. Peut-être dans un contexte de maison de santé ou de centre de santé pour avoir toujours un professionnel disponible. Cette licence aurait donc les mêmes modalités que notre stage Saspas et serait accessible dès le 3e semestre validé. Nous en avons discuté mercredi à l'Ordre, lors d'une réunion avec l'ensemble des syndicats. L'Ordre n'est pas fermé à cette idée et regarde si c'est légalement envisageable, mais ça va être long… De même, l'Ordre nous a dit qu'on ne pourrait pas revenir sur les mesures actuelles d'accès à la licence avant au moins mars 2021. Quoiqu'il en soit, nous défendrons l'accès à la licence au 3e semestre pour les internes qui sont actuellement au 1er semestre, conformément à la loi en vigueur au début de leur internat.

Il faut savoir aussi que si les internes prennent leur licence dès la fin du 3e semestre, parce qu'ils en ont la possibilité, la plupart ne remplacent pas véritablement avant la fin du 5e semestre. C'est ce que souligne l'Ordre dans son rapport au ministère. Il ne faut pas oublier non plus que les internes en MG ont une dérogation qui leur permet de remplacer après la fin de l'internat sans avoir validé leur thèse, durant trois ans. Je tiens enfin à rappeler que l'Isnar-IMG n'est pas la seule structure à défendre cette position, il y a également Reagjir, syndicat de remplaçants, et le Collège national des généralistes enseignants.   Qui eux demandent l'ajout d'une 4e année d'internat en MG… Quelle est votre position sur le sujet ? C'est un autre débat! Pour le moment, nous n'avons pas les capacités de formation. Ce que l'on veut, nous, c'est un projet professionnalisant. Pouvoir faire un Saspas avec un médecin dont l'activité se rapproche de l'activité souhaitée, avoir aussi un stage libre dans la maquette. Il faut d'abord consolider ces trois ans, aussi bien sur la formation en stage que hors stage. Et il y a derrière les problèmes de rémunération. Tous les acteurs ne sont pas d'accord sur ce sujet. Donc pas de 4e année tant que les conditions nécessaires ne sont pas réunies.  

"Les internes remplacent-ils trop tôt ou les études de médecine générale sont-elles trop longues?", demande un lecteur d'Egora. Certains rappellent qu'avant, on remplaçait dès la fin de l'externat… Est-ce que ça veut dire que c'était plus sécurisant pour le patient ? Ce n'est pas sûr. Après, il faut se remettre dans le contexte actuel : la médecine... est devenue beaucoup plus compliquée. Nos études ont changé. On est passé d'une médecine de compétences à du bachotage de connaissances. L'augmentation du numerus clausus, qui ne s'est pas accompagnée de l'ouverture de terrains de stage en nombre suffisant hors CHU, a fait qu'on s'est retrouvés trop nombreux en stage pour avoir un bon suivi, un bon encadrement. Qu'on soit réellement seniorisé pour acquérir la compétence : la compétence, c'est le savoir-être, le savoir-faire, mais aussi les ressources. De même, la médecine générale a beaucoup changé. Avant, c'était une discipline du traitement de l'aigu, et on considérait que n'importe qui pouvait être médecin généraliste et se spécialiser par la suite. Depuis 2004 et la mise en place du médecin traitant, avec tous les systèmes de coordination qui existent, on a acquis d'autres compétences : prévention, santé publique, pharmacovigilance… On nous demande d'avoir des connaissances théoriques et pratiques de plus en plus développées, en même temps que de savoir où chercher des informations. Tout ça nécessite d'avoir des études plus longues.

  Sur le plan financier, pour les internes qui ont besoin d'un complément de revenus, vous proposez donc une licence de remplacement en autonomie supervisée… C'est ça. On défend aussi le fait d'avoir une majoration du salaire de base : en première année, sur une base horaire de 48 heures, on n'est toujours pas au Smic, hors garde. Par ailleurs il est faux de dire que le remplacement est le seul moyen de financer une année recherche : on peut faire des gardes pendant cette année. La question du nombre de bourses est un vrai problème en revanche et c'est une demande à porter auprès des ministères.   *Intersyndicale autonome représentative des internes de médecine générale

Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?

Stéphanie Beaujouan

Stéphanie Beaujouan

Non

Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus

17 débatteurs en ligne17 en ligne





 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Enquête Hôpital
Pourquoi le statut de PU-PH ne fait plus rêver les médecins
14/11/2024
9
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
0
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS, un "échec" à 1,5 milliard d'euros, calcule un syndicat de médecins dans un rapport à charge
27/11/2024
12
Podcast Histoire
"Elle aurait fait marcher un régiment" : écoutez l’histoire de Nicole Girard-Mangin, seule médecin française...
11/11/2024
0
Histoire
Un médecin dans les entrailles de Paris : l'étude inédite de Philippe Charlier dans les Catacombes
12/07/2024
1
Portrait
"On a parfois l’impression d’être moins écoutés que les étudiants en médecine" : les confidences du Doyen des...
23/10/2024
6