Ils n’auront rien lâché, et tout tenté pour réparer une injustice dont ils estiment être victimes. L’an dernier, 42 étudiants de l’Université de Paris ont créé un collectif pour protester contre le fait qu’ils avaient été recalés de médecine, alors qu’ils étaient pourtant tous dans le numerus apertus à l’issue des épreuves écrites. Ils dénonçaient alors un système obscur de notation des oraux complémentaires qu’ils avaient tous eu à passer.
L’Université de Paris avait en effet choisi d'instaurer un système de “grand admis” dans le cadre de la réforme du premier cycle des études de médecine pour les 260 premiers candidats qui ont pu, eux, accéder directement à la filière médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie, kiné de leur choix à l’issue du concours écrit. Les autres devaient en revanche être départagés à l’issue de deux épreuves orales. L’administration a ensuite décidé de fonctionner à partir d’une note de rang, pour effectuer son classement final. “C’est une formule de mathématicien, selon laquelle on divise tout par un dénominateur N, qui est le nombre d’inscrits à la filière (...) Ils ont inventé ça, sauf qu'ils n'ont pas respecté les règles qu’ils ont inscrites dans le règlement. Ils étaient censés garder le même N, le fameux dénominateur, entre l’écrit et l’oral, et ils ont changé. Pourtant, tout le monde sait depuis le CP qu’on ne peut pas comparer deux groupes différents. Là, ils ont comparé un groupe de 675 à un groupe de 1800…”, expliquait Antoine, l’un des élèves concernés, à Egora.
Résultat : 42 étudiants, tous dans le haut du tableau, ont été propulsés vers le bas. Décidés à ne pas se laisser faire, ils ont donc créé un collectif et se sont rassemblés en deux groupes pour attaquer la décision en justice. En août 2021, 13 étudiants qui avaient pris un même avocat ont essuyé un premier revers. Un juge des référés avait à l’époque estimé que ces jeunes n’étaient pas dans l’urgence d’une solution, s’appuyant sur la réforme du premier cycle des études de santé qui prévoit maintenant deux voies d’accès (Pass et LAS) au lieu d’une Paces unique et qui accorde au total, entre ces deux voies, deux chances pour rejoindre les études de médecine.
Victoire
Sans se démonter, ces 13 étudiants ont alors saisi le Conseil d’État qui a décidé, en décembre, de casser l’ordonnance du juge des référés, estimant, lui, qu’il y avait bien une “urgence” à trouver une solution à leur situation.
Finalement, après plusieurs retournements de situation, le tribunal administratif de Paris leur a donné raison ce mardi 10 mai. “Le verdict dit que la faculté doit nous verser 1.200 euros et a retenu un motif d’irrégularités”, se satisfait aujourd’hui Antoine. Le motif d’irrégularités retenu dans cette décision concerne bel et bien les oraux : dans les 14 sous-jurys chargés d’évaluer les étudiants lors de l’oral, il aurait dû y avoir un membre du grand jury (doyen, responsables, etc), chargé de délivrer les résultats. Problème : ils n’étaient que 12 grands jurés à pouvoir prononcer les notes… pour 14 sous-jurys. Pas assez nombreux donc, ce qui n'est pas conforme au...
cadre réglementaire.
“La faculté n’a pas apporté de preuve contraire. Ils sont donc devant le fait accompli”, jubile l’étudiant, qui a été contraint de s’inscrire en LAS à la rentrée dernière après. “La fac nous avait dit qu’elle attendait une décision de justice : maintenant c’est clair. On savait que c’était injuste, c’est désormais prouvé. Ce qu’ils ont fait, c’est illégal. On a perdu 400 places au classement en 10 minutes à cause des irrégularités soulevées”, poursuit-il.
L’avocat des 13 étudiants va ainsi pouvoir entrer en contact avec celui de l'Université de Paris. “J’espère que ce sera réglé d’ici deux semaines. En théorie, c’est le jury qui est maître de la décision finale, mais notre avocat pense qu’ils ne peuvent pas faire autre chose que de nous réintégrer”, relativise Antoine.
Le jeune homme de 19 ans regrette toutefois d’avoir dû aller jusqu’à ce niveau de procédure. “Au début, on a tenté une médiation, on a été transparents, on les a prévenus qu’on attaquait… c'est allé jusqu’au jugement, c’est dommage. On a perdu un an dans cette histoire.” Harassé par cette année pendant laquelle ils ont “vraiment tout tenté”, jusqu’à entamer une grève de la faim ou poursuivre le Premier ministre lorsqu’il était l’invité des médias, Antoine se dit toujours méfiant aujourd’hui. “Tant que ce n’est pas écrit et qu’on ne sera pas dans l’amphi le 1er septembre, on aura du mal à y croire”, rit-il. “Quand on explique notre histoire, maintenant on sait qu’on ne raconte pas n’importe quoi et qu’on ne passe pas pour des pourris-gâtés qui ont payé un avocat pour une place en médecine”, lâche-t-il, soulagé.
"C'est le rêve d’une vie”, résume celui qui se dit “heureux de rejoindre la deuxième année”. “On s'est battus et heureusement que ça a fonctionné, car sinon ce serait un peu dur à 19 ans de se battre comme ça pour rien”, conclut-il.
Cette décision vaut pour les 13 jeunes qui avaient saisi le même avocat. Les autres étudiants qui avaient saisi un second avocat ont de bonnes chances de connaître le même dénouement.
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