Avec un coût annuel de 39 milliards d’euros, l’ostéoporose reste un problème majeur de santé publique en Europe, a rappelé le Pr Cyrus Cooper (Université d’Oxford). La prévention secondaire demeure essentielle. Néanmoins, l’étude britannique Scoop* suggère qu’un dépistage primaire pourrait aussi être bénéfique chez les femmes âgées. Cet essai randomisé a été entrepris chez 12 483 femmes de 70 à 85 ans, recrutées par 100 médecins généralistes britanniques. La moitié d’entre elles ont bénéficié d’un dépistage reposant sur l’utilisation du score Frax de prédiction à 10 ans des fractures de hanche et l’autre non (1). Dans le groupe soumis à dépistage, les femmes considérées comme à haut risque de fracture au vu du questionnaire Frax sans mesure de la densité minérale osseuse (DMO) ont été incitées à avoir une ostéodensitométrie au niveau de l’extrémité supérieure du fémur et le score Frax de fracture de hanche à 10 ans a été recalculé en intégrant la mesure de DMO. Chez les 6 233 femmes ayant bénéficié du dépistage, l’incidence des fractures de hanche a été réduite de 28 % en 5 ans (p = 0,002) par rapport au groupe contrôle. Ce qui s’expliquait probablement par un taux bien plus important de prescription de traitements anti-ostéoporotiques (15 % versus 4 % à 1 an dans le bras contrôle), en particulier chez les femmes jugées à haut risque (2). « L’impact du dépistage a été particulièrement net chez les femmes fumeuses, avec des antécédents parentaux et personnels de fracture ainsi que chez celles qui présentaient le score Frax le plus élevé », a précisé le Pr Cooper (3). Le programme a été jugé fortement coût efficace (2772 livres par Qaly gagné, 7694 livres pour une fracture de hanche évitée) (4). D’autres résultats de l’étude Scoop sont moins bons. Ainsi, la baisse de l’incidence des fractures ostéoporotiques dans leur ensemble (- 6 %) n’a pas été significative statistiquement, après dépistage. « Ce qui est décevant, car il s’agissait du critère primaire de jugement de l’étude », a fait remarquer le Pr Willem Lems (Amsterdam UMC). « Par ailleurs, la mortalité n’a pas été modifiée. Mais, le nombre de décès a été plus faible que prévu et chez les 6250 femmes témoins, certaines ont reçu des bisphosphonates », a ajouté ce rhumatologue.
Depuis, une étude néerlandaise, SOS, qui a inclus 11 032 femmes de 65 à 90 ans avec au moins un facteur de risque de fracture (5), et une étude danoise, Rose, ayant pris en compte 34 229 femmes de 65 à 80 ans, ont analysé les effets d’un programme de dépistage (6). L’étude SOS n’a pas mis en évidence d’effet préventif de celui-ci pour l’ensemble des paramètres fracturaires. Cependant, ces auteurs admettent...
que « les résultats ont pu être compromis par un manque de participation au programme et d’adhésion au traitement médicamenteux dans le bras dépistage ». L’étude Rose a conclu à l’absence de réduction globale du risque pour tous les critères pris en compte : fractures ostéoporotiques dans leur ensemble, fractures de hanche ... en analyse en intention de traiter. En revanche, en analyse per protocole, une réduction significative de l’incidence des fractures de hanche (- 26 %, p = 0,007) et des fractures ostéoporotiques majeures a été mise en évidence, avec un effet plus accentué chez les femmes avec un score Frax ≥ 15 % . Une méta-analyse positive Récemment, une méta-analyse de ces 3 essais a été publiée par le groupe néerlandais à l’origine de l’étude SOS (7). « Elle a conclu à une réduction statistiquement significative de l’incidence des fractures de hanche de 20 % après dépistage », s’est félicité le Pr Cooper. Et, sur ce plus large effectif de participantes, une diminution significative de l’incidence des fractures ostéoporotiques majeures (- 9 %) a également été relevée.
Le Pr Lems a reconnu que « les essais pragmatiques sont très difficiles à réaliser en population générale, car les femmes des groupes contrôle reçoivent des médicaments ; beaucoup de femmes refusent de participer, ou de remplir un questionnaire comme Frax, peut-être parce qu’elles se sentent en bonne santé, ou ne comprennent pas les avantages qu’elles pourraient tirer du programme proposé ». Dans ce contexte délicat, les chiffres trouvés dans Scoop pour les fractures de hanche sont donc encourageants.
- Shepstone L, et al. Lancet 2018 ; 391 : 741-747.
- Parsons CM, et al. Osteoporos Int 2020 ; 31 : 67-75.
- McCloskey E, et al. J Bone Min Res 2018 ; 33 : 1020-1026.
- Turner DA, et al. J Bone Min Res 2018 ; 33 : 845-851.
- Merlijn T, et al. J Bone Min Res 2019 ; 34 : 1993-2000.
- Rubin KH, Osteoporos Int 2018 ; 29 : 567-578.
- Merlijn T, et al. Osteoporos Int 2020 ; 31 : 251-257.
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