Tabac : les médecins généralistes veulent être mieux formés
Les médecins généralistes peinent à s’impliquer dans l’accompagnement des fumeurs souhaitant arrêter alors qu’ils contribuent grandement à la réussite de la démarche. Des avancées sont demandées en termes de formation et de rémunération.
Comptant plus de 25% de fumeurs quotidiens, la France se situe bien au-dessus de la moyenne européenne (18,8 %). La consommation ne diminue plus depuis 2019, avec 12 millions de fumeurs, et cause 75 000 morts par an. Un fléau sanitaire, mais aussi social (33,6% de fumeurs chez les revenus les plus faibles contre 20,9% chez les plus élevés), économique (156 milliards d’euros de coût social contre 14 milliards de recettes fiscales), environnemental et humain – exploitation et décès prématuré des travailleurs dans les pays pauvres, notamment des enfants.
"25 à 30% des fumeurs font une tentative d’arrêt d’au moins une semaine chaque année, la majorité sans aide extérieure. Or ceux qui sont accompagnés par un médecin augmentent de 70% leurs chances de réussite", a souligné Viêt Nguyen Thanh, responsable de l’unité addictions à la direction de la prévention et de la promotion de la santé de Santé publique France, lors d’un colloque organisé par l’Alliance contre le tabac à l’Assemblée nationale le 29 mai, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac (31 mai). "Le professionnel de santé peut être l’étincelle qui va amener le fumeur à réfléchir et à sauter le pas", a ajouté Loïc Josseran, président de l’Alliance.
Un sujet peu abordé en consultation
Cependant, seuls 38% des médecins généralistes questionnent "systématiquement" leurs patients sur ce sujet, 50 % "souvent" et 11% "de temps en temps", selon un sondage BVA mené sur internet auprès de 500 praticiens entre février et mars. 58% disent suggérer "systématiquement" un sevrage, 35% "souvent" et 6% "de temps en temps". Le généraliste occupe "une position centrale dans le système de soins préventif et curatif. Il peut aborder le sujet du tabagisme dans de nombreuses occasions. Il connaît ses patients : statut social, état psychique, autres dépendances, problèmes familiaux, antécédents médicaux…", a fait valoir le Dr Rémi Vannobel, médecin généraliste addictologue et tabacologue à Reims, président du réseau d’addictologie ADDICA et vice-président de Grand Est Addictions (GEA).
Un manque de moyens
Les praticiens témoignent de difficultés à aborder le sujet : 71% déclarent manquer de temps, 56% estiment que ce n’est pas le motif de la consultation, 26% préfèrent laisser le patient en parler s’il le souhaite, 17% n’y pensent pas et 13% pointent l’absence de rémunération spécifique, selon l’enquête BVA. "Le tabagisme est parfois considéré comme faisant partie de la vie privée mais les mentalités évoluent", a commenté le Dr Vannobel, rapportant une "perte de motivation" des professionnels face à "l’écart important entre les intentions affichées par le patient et ses actions", ainsi que le "sentiment d’être démunis sur le plan relationnel (prise en charge de la dépendance psycho-comportementale)". Par ailleurs, seuls six praticiens sur dix questionnent leurs patients sur leur exposition au tabagisme passif.
Evolution des recommandations
Aussi, 53% des médecins sont demandeurs d’une formation spécifique. Aujourd’hui, seuls 55% en ont bénéficié, dont 31% dans le cadre de la formation continue, 22% au cours de leurs études initiales, 6% via une formation courte en ligne (MOOC) et 2% lors d’un DIU de tabacologie. Outre la formation, l’Alliance contre le tabac réclame une cotation pour la consultation d’accompagnement au sevrage. Ainsi qu’une actualisation de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des substituts nicotiniques. 85% des généralistes disent prescrire "souvent" ces produits, dont 96% qui associent patchs et substituts oraux, et 86% qui adaptent la posologie en première intention, selon le sondage BVA. "Nous proposons une évolution basée sur les RCP de la morphine : variabilité individuelle de la relation dose/efficacité/tolérance, évaluation fréquente, adaptation de la posologie, absence de dose maximale", a détaillé le Dr Benjamin Soen, médecin généraliste et membre de la Société francophone de tabacologie. "Les recommandations de bonnes pratiques cliniques devraient être mises à jour par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2024", a-t-il annoncé.
Au-delà de ces actions reposant sur la seule volonté des individus – fumeurs et médecins –, la lutte contre le tabagisme devra passer par de vraies politiques publiques : dénormalisation de la cigarette et de la cigarette électronique, prévention primaire dès l’adolescence et protection des non-fumeurs contre le tabagisme passif.
Références :
D’après le colloque "Tabagisme et professionnels de santé" de l’Alliance contre le tabac (29 mai).
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