Variants du Sars-CoV-2 : le point sur les dernières données avec le Pr Bruno Lina
Le Pr Bruno Lina est virologiste à Lyon et membre du Conseil scientifique Covid-19*. Egora-le Panorama du Médecin : comment est organisé le séquençage du Sars-CoV-2 en France, et notamment la surveillance des variants ? Une montée en puissance progressive de la capacité de séquençage a été organisée dans notre pays depuis le début du mois de décembre. Auparavant, le séquençage n’était réalisé que par les deux Centres nationaux de référence, autrement dit l’Institut Pasteur de Paris et notre laboratoire à Lyon. Auxquels s’ajoutaient quelques séquences marginalement déposées par l’IHU à Marseille, le CHU de Toulouse et par l’hôpital Henri Mondor à Créteil. Mon laboratoire et celui d’Henri Mondor ont été mandatés fin décembre pour mettre en place des outils propres à améliorer à la fois le volume et la rapidité du séquençage. Nous sommes passés ainsi de 1 500 séquences par semaine à environ 4 000 à la mi-février, avec un objectif à terme de 5 000 à 6 000. Il convient aussi de souligner la réalisation d’enquêtes Flash afin de mesurer à un moment donné le niveau d’entrée des virus variants en France, de façon à modéliser celle-ci, de déterminer à quel moment ces virus pourraient devenir majoritaires et quel impact ils pourraient avoir sur la dynamique de l’épidémie. Parallèlement, nous avons structuré un réseau de recueil et d’échanges des données. Un réseau de proximité a complété ce dispositif, construit autour du réseau de la quarantaine de laboratoires de virologie de l’ANRS. Enfin, il a été prévu d’obtenir en cas de besoin le renfort de laboratoires privés ainsi que de laboratoires de génomiques, comme le Génopôle à Evry.
On parle beaucoup en ce moment de trois variants : anglais, sud-africain et brésilien. Sait-on pourquoi ceux-ci ont émergés ? Sur quelles parties du génome portent les modifications ? Ces modifications portent sur de très nombreuses régions du génome viral. Certaines mutations sont fortuites, sans conséquences, alors que d’autres concernent à la fois des modifications dans la capacité du virus à se multiplier, à se transmettre et éventuellement à échapper à la réponse immunitaire. En pratique, ces trois variants majeurs ont été décrits et ont diffusé de manière marquée. Sachant qu’on devrait parler « des » brésiliens, car ils sont deux avec des lignages d’ailleurs un peu différents. Par ailleurs, à l’occasion de l’enquête Flash 3, sur les 2 300 génomes séquencés semaine 7, 11 groupes génétiques différents ont été identifiés. Il convient bien de parler de lignages génétiques pour lesquels deux d’entre eux présentent des variations antigéniques représentées par les virus Afrique du Sud et Brésil. Les mutations apparaissent partout dans le génome, mais il y a un endroit où l’évolution est particulièrement importante, c’est sur la protéine S (Spike). En particulier dans ce que l’on appelle le RBM, ReceptorBinding Motif, site d’attachement au récepteur cellulaire qui interagit avec le récepteur ACE2. Les modifications les plus importantes à la fois en termes de transmissibilité, - je pense notamment à la mutation se trouvant en position 501 -, et des mutations d’échappement à la réaction immunitaire - et je pense plus particulièrement à la mutation 484 -, sont toutes les deux localisées dans ce domaine. Il est clair que ce sont ces mutations qui entraînent les conséquences que l’on constate en termes de diffusion du virus et de risque d’introduction explosive de certains virus dans des populations où ils ne circulaient pas auparavant.
Quelle pourrait être la dynamique de ces variants ? Il est évident que les lignages européens classiques vont être progressivement remplacés par un ou plusieurs de ces variants qui possèdent des avantages par rapport aux virus historiques. Le variant britannique va immanquablement devenir majoritaire en Europe. Il faut remarquer que nous avons une situation particulière en France où nous avons eu la co-introduction dans des régions différentes du virus britannique et du virus d’Afrique du Sud en Moselle et Meurthe et Moselle en proportion importante. Tandis qu’à Dunkerque, dans le Nord, en Ile-de-France et dans d’autres régions, il existe une proportion importante du variant britannique. La question qui se pose est de savoir ce qu’il va se passer quand ces deux variants vont se rencontrer. L’un va t-il avoir une capacité de diffusion supérieure à l’autre et donc prendre le pas sur l’autre ? Il est actuellement très difficile de répondre à cette question. Cela étant, il semble que la diffusion du variant d’Afrique du Sud et du variant du Brésil soit mieux contrôlée en comparaison de celle du variant britannique. C’est une bonne nouvelle quand on sait que les vaccins actuels sont moins efficaces vis-à-vis du variant d’Afrique du Sud, à cause de la mutation 484, tandis que les vaccins sont efficaces contre le variant britannique. Que sait-on de la dangerosité intrinsèque des variants ? Il est très compliqué de répondre car les données sont contradictoires. Ce qui est clair c’est qu’il n’existe pas de différences dans les modes de transmission et que les mesures de freinage utilisées – hygiène des mains, masques, distanciation - restent efficaces contre tout ces virus. Mais ces variants possèdent un avantage en termes de transmission, porté notamment par la mutation en 501. D’autre part, nos collègues anglais ont d’abord pensé que le variant britannique diffusait mieux chez les enfants. Mais au bout du compte, il ne semble pas que ce soit le cas. Un autre élément important est que le variant britannique pourrait être responsable d’un peu plus de formes sévères et donc d’hospitalisations. Concernant les variants d’Afrique du Sud et du Brésil nous n’avons pas suffisamment de cas. Néanmoins, nous savons que ces virus ont tendance à être capables de réinfecter des personnes ayant déjà été infectées par du virus « historique », notamment à cause de la mutation 484. Mais nous ne disposons pas de données permettant d’affirmer qu’ils induisent des formes plus graves.
Que sait-on de la protection immunitaire vis-à-vis de ces variants chez les patients antérieurement infectés et au regard des vaccins actuellement disponibles (ARN messagers et Astra Zeneca) ? Vis-à-vis du variant britannique, il n’y a pas de différence significative d’efficacité vaccinale par rapport aux virus historiques. Il convient d’être plus nuancé en ce qui concerne les virus d’Afrique du Sud et du Brésil car l’origine de l’échappement immunitaire est liée notamment à la mutation 484. Et il existe un risque de réinfection des personnes antérieurement immunisées. Enfin, l’efficacité vaccinale est moins bonne avec les vaccins actuellement disponibles. Il est difficile de déterminer le niveau de perte de sensibilité car nous ne disposons pas d’essais cliniques permettant de le mesurer de manière précise. Nous disposons en revanche de données in vitro qui montrent que les anticorps protecteurs obtenus après l’induction vaccinale protègent effectivement contre le virus historique et contre le virus britannique, avec une perte de protection significative vis-à-vis des virus du Brésil et d’Afrique du Sud. Mais cette perte de protection ne signifie pas une absence de protection ! Il semble malgré tout, sur la base de données observationnelles très fragmentaires, que ces vaccins gardent une efficacité vis-à-vis des formes graves. Mais il est difficile d’avancer un pourcentage de protection. Cela fait partie des choses que nous sommes en train de regarder de très près. A-t-on maintenant une idée de la durée de protection vaccinale ? Ce que l’on sait c’est que les anticorps (immunité naturelle ou postvaccinale) détectés chez les individus semblent persister au-delà d’un an. Néanmoins, nous ne sommes pas encore en mesure d’identifier un seuil, un corrélat de protection. La décroissance des anticorps étant lente, il est probable que l’immunité puisse être suffisamment longue pour éviter des revaccinations fréquentes. Une autre information importante est que la vaccination chez des personnes antérieurement infectées induit un taux d’anticorps extrêmement élevé. Et qu’il existe une corrélation directe entre le niveau de protection et le taux d’anticorps. Existe-t-il un risque de réactions de même type qu’en ce qui concerne la dengue ? Que des personnes vaccinées fassent une infection plus sévère avec un autre sérotype ? Il s’agit de la facilitation de l'infection par des anticorps, ou antibody disease/dependent enhancement (ADE). Aujourd’hui, nous n’avons aucune documentation de l’existence d’un phénomène d’ADE et pas de signal d’alerte sur des millions de personnes. Nous sommes très vigilants à ce sujet car des ADE sont observés avec certains coronavirus animaux. *Le Conseil scientifique Covid-19 est une organisation consultative indépendante chargée d'éclairer la décision publique pour lutter contre la pandémie de Covid-19 en France
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