dermatite atopique

Dermatite atopique : une meilleure compréhension de la maladie aboutit à de nouvelles pistes thérapeutiques

De nouvelles biothérapies, ciblant de nouveaux mécanismes moléculaires, sont porteuses d’espoir. En outre, la dysbiose et la colonisation par Staphylococcus aureus associées à la maladie concentrent un intérêt particulier. 

04/12/2024 Par Caroline Guignot
EADV 2024 Dermatologie
dermatite atopique

Entre 50 et 80% des cas de dermatite atopique pédiatrique connaissent une rémission à l’âge adulte. Les autres conservent une dermatite atopique pédiatrique persistante qui, selon l’état des connaissances, aurait un endophénotype différent de celui des adultes qui ont développé la maladie à l’âge adulte. Ces deux groupes divergent sur le plan clinique, l’endotype adulte ayant souvent une forme atypique (eczéma folliculaire, atteinte du crâne, du visage…). Ces patients auraient des altérations plus prononcées de la barrière cutanée alors que la dermatite pédiatrique persistante à l’âge adulte est plus volontiers associée à une hyperplasie et un infiltrat cutané inflammatoire plus marqué. Les deux groupes de patients ont tous deux une dérégulation immunitaire de la voie Th2/Th22 et Th17, mais il s’agit bien d’endophénotypes distincts : ces dérégulations sont plus marquées dans la dermatite atopique pédiatrique persistante, alors qu’on retrouve plus volontiers une surexpression des voies liées à Th1 dans celle apparue à l’âge adulte (IFN gamma, IL-2, CCL5, CXCL9). Enfin, « les patients qui ont développé la maladie à l’âge adulte ont une inflammation systémique plus élevée et des marqueurs cardiovasculaires plus importants (…). C’est un élément important à considérer lorsque l’on choisit le traitement, selon que celui-ci cible ou non la voie Th1 », a souligné la Pre Emma Guttman-Yassky (New York, États-Unis).

 

Plusieurs nouvelles biothérapies en vue

Le lébrikizumab, un anti-IL-13 administré par voie sous-cutanée, devrait arriver sur le marché en 2025, selon les résultats des études pivots dédiées. Cette année, les données à trois ans des études ADvocate 1 et 2 ont été présentées et ont montré que la réponse à 52 semaines était maintenue à long terme chez les sujets de 12 ans et plus, que l’administration soit faite toutes les deux ou toutes les quatre semaines. Ces données permettent d’envisager une épargne thérapeutique, en envisageant de basculer vers un schéma mensuel lorsque les patients présentent une réponse satisfaisante prolongée sous schéma bimensuel. Par ailleurs, le némolizumab sous-cutané, un anti IL-31 développé dans le prurigo et qui a fait l’objet d’une étude spécifique dans le prurit associé à la dermatite atopique modérée à sévère, confirme son intérêt à 56 semaines, avec des scores d’efficacité supérieur à 75 % pour 80 % des patients inclus, âgés de 12 ans et plus. Les résultats décrivent, en outre, un renforcement de son efficacité avec le temps. En pratique, cette information est importante à donner aux patients traités qui perçoivent une amélioration : celle-ci devrait probablement progresser s’ils poursuivent le traitement. Enfin, des anticorps bispécifiques sont en développement dans cette indication : c’est le cas du ZL-1503, qui a l’originalité de cibler à la fois l’IL-31 et l’IL-13. Ce traitement a montré une efficacité in vitro et pourrait se révéler particulièrement intéressant dans une maladie où ces deux cibles thérapeutiques sont importantes dans la pathogenèse. Les études à venir aideront à savoir si cette particularité permet d’avoir une efficacité supérieure à celle des traitements n’ayant qu’une seule cible.

D’autres molécules qui modulent la voie des cellules T régulatrices sont également attendues car prometteuses, mais les questions de tolérance liées à cette cible spécifique devront être sérieusement explorées. Et la prudence reste de mise puisque certaines cibles prometteuses peuvent s’avérer décevantes : cela a été le cas cette année concernant la cible Irak4, un membre de la famille des kinases Irak, au carrefour de plusieurs voies associées à des cytokines pro-inflammatoires (IL-6, IL-12, IL-23) de la dermatite atopique. La molécule, dénommée zabédosertib, n’a, en effet, pas montré de supériorité par rapport au placebo, selon les données de l’étude DamasK. Il y a quelques mois, il a aussi été décrit que le tézépélumab, qui cible la lymphopoïétine stromale thymique en amont des processus physiopathologiques, n’était pas efficace dans la dermatite atopique alors qu’il l’est dans l’asthme. Des investigations sont nécessaires pour comprendre ces résultats.

 

Le microbiome, future cible thérapeutique ?

On sait aujourd’hui que la dermatite atopique n’est pas seulement associée à une dysbiose mais aussi à une colonisation par Staphylococcus aureus : selon les techniques d’analyse utilisées, 45 à 100 % des patients atteints de dermatite atopique seraient colonisés par la bactérie. Or, sur le plan épidémiologique, ces patients ont une dermatite atopique plus sévère, une inflammation de type 2 plus intense associée à un taux d’IgE plus élevé et ont davantage d’infections cutanées que les autres. Ils présentent également une dysfonction de la barrière cutanée plus importante. Enfin, l’abondance de S. aureus est associée à la sévérité et aux flambées de la dermatite.

Par quel biais la bactérie intervient-elle dans la pathogenèse ? Certaines de ses toxines auraient un effet délétère sur la fonction barrière de la peau. Ses superantigènes seraient capables de détourner la réponse immunitaire de l’hôte vers la voie Th2, pro-inflammatoire. Toutefois, il n’est pas parfaitement établi si la colonisation par S. aureus a un rôle déclencheur ou s’il constitue un cofacteur dans l’évolution de la maladie.

Sur le plan pratique, la question de la prise en charge de cette colonisation et de la dysbiose se pose : différentes approches par antibiothérapie ou par bains antibactériens sont explorées. Une réflexion est aussi menée pour moduler l’équilibre du microbiome en apportant à la peau les bactéries manquantes ou en utilisant des bactéries « thérapeutiques » qui favoriseraient le bon équilibre du micro-environnement épithélial. « L’une des approches les plus excitantes pour normaliser la dysbiose de la dermatite atopique et/ou réduire la colonisation par S. aureus est l’utilisation d’une bactériothérapie, insiste la Pre Lisa Beck (Rochester, États-Unis). Des études sont en cours avec des staphylocoques à coagulase négative qui produisent des peptides antimicrobiens spécifiques (lantibiotiques) sélectifs de S. aureus. De plus, des peptides antimicrobiens dérivés des staphylocoques à coagulase négative ou bactériocines sont également étudiés. » Cependant, quelques études cliniques préliminaires n’ont pas apporté de résultats concluants et, selon le Pr Tilo Biedermann (Munich, Allemagne), « il est probable que cibler S. aureus ne suffira pas à traiter la dermatite atopique ». De la même façon, « les émollients sont importants pour la prise en charge mais ne sont pas suffisamment efficaces pour améliorer le microbiome cutané », a-t-il complété.

L’entremêlement des rôles du microbiome, de l’immunité et de l’inflammation locales permet de penser que les thérapies ciblées actuelles pourraient avoir une efficacité sur le premier : Lisa Beck a ainsi évoqué les résultats de premières études cliniques montrant une normalisation du microbiome et une baisse de l’abondance de S. aureus chez les patients traités par dupilumab ou tralokinumab (anticorps ciblant l’inflammation Th2), comparé au placebo après un suivi de 16 semaines. « Cette amélioration est observée au niveau de la peau lésée ou non lésée, ce qui permet de prévenir l’apparition des lésions », a renchéri le Pr Tilo Biedermann.

In fine, le traitement de la dermatite atopique devra sans doute, à terme, comprendre un traitement qui permet de restaurer la barrière cutanée et limiter les dysbioses et la colonisation par S. aureus, ainsi que leurs conséquences.

 

Références :

33e congrès de l’Académie européenne de dermatologie et de vénéréologie (EADV), Amsterdam, du 25 au 28 septembre 2024. D’après deux sessions de présentation des Late Breaking News et d’après les communications des Prs Emma Guttman-Yassky (New York, États-Unis), Lisa Beck (Rochester, États-Unis), Tilo Biedermann (Munich, Allemagne) et du Dr Robert Bissonnette (Montréal, Canada) lors des deux sessions « Dermatite atopique ».

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