Maladies rares : le nouvel essor du dépistage néonatal
Au cours des prochaines années, le dépistage néonatal devrait être étendu à bien plus de pathologies. Notamment du fait de la possibilité, désormais permise, de recourir à l’examen des caractéristiques génétiques.
Visant à dépister des maladies sévères chez les nouveau-nés, le dépistage néonatal, pratiqué dans les trois premiers jours de vie par un prélèvement sanguin au talon, a été introduit en France en 1972, d’abord pour la phénylcétonurie. Il a ensuite été étendu à l’hypothyroïdie congénitale, à la drépanocytose, à l’hyperplasie congénitale des surrénales, à la mucoviscidose et au déficit en MCAD. En 2023, sept maladies métaboliques rares ont été ajoutées, dont la tyrosinémie et la leucinose.
Quels critères une maladie doit-elle remplir afin d’intégrer cette liste ? Selon le Pr Frédéric Huet, chef du pôle pédiatrie au CHU Dijon Bourgogne et président de la Société française de dépistage néonatal (SFDN), celui-ci s’adresse "aux enfants asymptomatiques mais porteurs d’une maladie grave, disposant d’un traitement efficace et d’un protocole de soins validé, et faisant l’objet d’un marqueur fiable". "Ce dépistage doit être réalisé dans l’intérêt supérieur du patient, avant celui de sa famille, de la santé publique ou du système médico-économique", ajoute-t-il.
Longtemps coordonné par l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant, ce dispositif a été repris en main par l’Etat en 2018. Le Programme national de dépistage néonatal dispose d’"un cadre réglementaire extrêmement précis : on ne peut pas faire n’importe quoi, par exemple dépister des maladies qui ne figurent pas dans la liste, hors protocole de recherche"; rappelle Frédéric Huet.
Un enfant sur 592 testé positif en 2022
Au 1er janvier 2023, 28 643 enfants avaient été testés positifs depuis 1972, soit un sur 1 320 sur une période de 41 ans. Avec l’ajout progressif de nouvelles maladies, ce taux a même atteint 1 sur 592 en 2022. Quant aux sept maladies métaboliques intégrées en 2023, 38 cas ont été recensés à ce jour. "Certaines nécessitent une prise en charge immédiate, avec convocation immédiate des parents. Leur ajout au dépistage néonatal empêche l’errance médicale, c’est une véritable avancée. Notre objectif est d’étoffer cette liste encore plus", indique Frédéric Huet.
Prochaine évolution, la généralisation du dépistage de la drépanocytose, prévue pour l’automne. Du fait que cette maladie affecte principalement les personnes d’ascendance africaine, le test néonatal était jusqu’alors réservé aux résidents des DOM-TOM et à ceux de métropole jugés à risque. Selon Frédéric Huet, "il est insensé, à l’heure de la mondialisation, de repérer des enfants uniquement par la couleur de leur peau ou les habits de leurs parents. Pourtant, ça se passe comme cela dans la pratique : chaque année, au moins 50 enfants ne sont pas repérés".
La génétique rebat les cartes
Egalement en vue, le dépistage des déficits immunitaires combinés sévères (Dics) et celui du déficit en VLCAD, en 2025, peut-être suivis par celui de l’amyotrophie spinale proximale, actuellement évalué par la Haute Autorité de santé (HAS).
Mais une extension bien plus large devrait intervenir au cours des prochaines années, suite à un récent déverrouillage des critères. En mars 2023, la HAS a ainsi estimé que le dépistage pouvait porter sur des maladies disposant "d’un traitement efficace dans la prévention de quelques, beaucoup ou toutes les conséquences". En outre, en décembre, un décret a ouvert la possibilité de recourir à des "examens de caractéristiques génétiques", et plus seulement biochimiques ; à ce jour, la génétique n’est utilisée que pour confirmer un diagnostic de mucoviscidose.
Cette avancée n’est pas sans susciter des questionnements éthiques quant à l’utilisation des données génétiques, certains craignant même une dérive eugénique. Pourtant, selon les résultats de l’étude SeDeN d’acceptabilité sociale, 88% des parents se disent favorables au dépistage néonatal de davantage de pathologies à l’aide d’un test génétique, de même que 81% des professionnels de la périnatalité et de la génétique. "Sous réserve que cela concerne des maladies touchant des enfants avant l’âge de cinq ans : il n’est pas question de dépister un facteur de risque de maladie de Parkinson ou d’une maladie cancéreuse du tube digestif", prévient Frédéric Huet.
Du fait de l'extension attendue de la liste, dont le contenu reste à définir, c’est désormais un enfant sur 150 qui pourrait être testé positif, avance-t-il. Dès 2025, une étude de faisabilité, premier volet du projet Perigenomed, coordonné par le CHU Dijon Bourgogne, sera menée auprès de 2 500 nouveau-nés, afin d’évaluer la possibilité d’un rendu des résultats avant trois semaines de vie. Préfigurant ce que pourrait être ce dépistage néonatal 2.0, une étude pilote, deuxième volet de ce projet, devrait être lancée en 2026 sur 25 000 nouveau-nés de Bourgogne-Franche-Comté.
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Références :
Congrès annuel de la Société française de pédiatrie (SFP, Nantes,15 -17 mai). D’après la présentation du Pr Frédéric Huet (CHU Dijon Bourgogne) et président de la SFDN lors de la conférence plénière « Le dépistage en pédiatrie ».
- « Dépistage néonatal : critères d’évaluation pour l’intégration de nouvelles maladies au programme national du dépistage à la naissance », guide méthodologique de la HAS, 22 mars 2023.
- Décret n° 2023-1426 du 30 décembre 2023 relatif à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne.
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