
Asthme : les recommandations de la SP2A
Parcours de soins, accent mis sur l’observance, nature du traitement initial… Présentées fin janvier lors du 29e Congrès de pneumologie de langue française, les recommandations de la Société pédiatrique de pneumologie et allergologie (SP2A) sur la prise en charge de l’asthme de l’enfant de 6 à 12 ans apportent plusieurs clarifications.

Bien que les enfants constituent une part importante des patients asthmatiques, rares sont les recommandations, européennes ou internationales, ayant spécifiquement trait à l’asthme pédiatrique. En France, les dernières de la Haute Autorité de santé, pour les moins de 36 mois, remontent à 2009. D’où l’importance de celles publiées en septembre 2024 par la SP2A*. Parmi les nouveautés de ces recommandations, dont les grandes lignes ont été présentées fin janvier au 29e Congrès de pneumologie de langue française, une clarification du parcours de soins. «Le suivi par le pédiatre et le médecin généraliste doit être continu tout au long de la prise en charge de l’enfant. Même ceux atteints d’asthme sévère, suivis en centre expert et traités par biothérapie», explique la Pre Lisa Giovannini-Chami, cheffe du service de médecine pédiatrique aux Hôpitaux pédiatriques de Nice CHU-Lenval et cocoordinatrice des recommandations.
Cette préconisation s’applique en particulier aux enfants atteints d’asthme de palier 2, nécessitant, au-delà du traitement à la demande, un traitement de fond à base de corticoïdes inhalés à dose faible. «Pour le palier 2, la prise en charge peut être effectuée de manière autonome par un généraliste ou un pédiatre. L’avis du pneumopédiatre n’est requis qu’aux paliers supérieurs, 3 et 4. Quant au palier 5, le suivi doit être assuré par un centre expert. Par ailleurs, un enfant hospitalisé suite à une crise d’asthme doit toujours être évalué par un pneumopédiatre.»
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Améliorer l’observance
Les experts mettent, par ailleurs, l’accent sur la nature continue du traitement de fond, mal comprise par de nombreux parents. «L’arrêt estival du traitement de fond, ce n’est pas possible. À la reprise, les enfants ne sont pas couverts de manière efficace pendant au moins les trois premières semaines», explique la pneumo-allergologue. Un phénomène qui expliquerait, selon elle, le pic d’hospitalisations liées à l’asthme observé en septembre.
Ces «oublis» estivaux du traitement de fond font écho au problème de l’observance, qui demeure un défi dans la prise en charge de l’asthme pédiatrique. «En termes d’organisation, la prise des traitements est parfois compliquée pour les familles. Ce qui explique pourquoi ils sont souvent mal administrés, en termes de fréquence. Il faut mieux expliquer aux parents le principe d’une maladie chronique, ce qu’est un traitement de fond, les risques s’il n’est pas pris», ajoute Lisa Giovannini-Chami.
Autre facteur de confusion, la «corticophobie» : «Il faut désacraliser le terme de corticoïdes inhalés, que les parents associent souvent à la cortisone et à ses effets secondaires par voie orale. Par la voie inhalée, et aux doses proposées (légères à moyennes), ces effets sont quasi inexistants.» D’où l’importance de l’éducation thérapeutique, qui doit aussi mettre l’accent sur le bon maniement des dispositifs, spray ou poudre.
Un traitement initial renforcé selon les besoins
Les experts français se démarquent sur plusieurs points des recommandations internationales, dont les avis de la Global Initiative for Asthma (Gina), longtemps adossées au traitement initial à dose faible de corticoïdes, puis renforcé selon les symptômes. «Comme on ne voit les enfants que tous les trois mois, on doit souvent leur courir derrière pour qu’ils reçoivent la dose suffisante. Selon nous, il faut d’abord évaluer la sévérité initiale des symptômes, le nombre de crises au cours des mois précédents. C’est à partir de ces éléments que le patient sera placé dans un “couloir” de traitement», explique Lisa Giovannini-Chami.
«Un enfant qui sort de réanimation suite à une crise d’asthme doit d’emblée être mis sous traitement de palier 4, pas de palier 2 ! Cela permet de mieux le protéger face au risque de décompensation sérieuse», ajoute-t-elle. Quitte à réajuster le traitement trois mois plus tard, «en l’absence de crises ou de symptômes réguliers».
Par ailleurs, la SP2A ne recommande pas, en l’état des connaissances – et à la différence de la Gina –, la stratégie Smart. Celle-ci consiste à recourir, en traitement de secours, à une association corticoïdes inhalés-bronchodilatateur de longue durée d’action, identique au traitement de fond. Bien que la SP2A la propose déjà pour les adolescents, «cette approche ne repose que sur une seule étude, dont la méthodologie n’est pas bonne. Si des études mieux conduites révélaient à l’avenir son efficacité chez les 6-12 ans, cette stratégie “fond-demande” pourrait être intéressante dans certaines populations peu observantes, afin de rattraper un déficit de traitement de fond», explique Lisa Giovannini-Chami.
*«Recommandations de la SP2A (Société Pédiatrique de Pneumologie et d'Allergologie) pour la prise en charge de l'asthme de l'enfant de 6 à 12 ans», Revue des maladies respiratoires, Vol 41 supplément 1, septembre 2024.
Au sommaire de ce dossier :
- "Il y a des pertes de chance pour les enfants" : menacées "d'extinction", les PMI tirent la sonnette d'alarme
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- Drépanocytose : des nouveautés pour améliorer la prise en charge préventive et curative
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Références :
D’après la session «Asthme de l’enfant, recommandations SP2A», 29e Congrès de pneumologie de langue française (24 au 26 janvier 2025, Marseille) ; et les propos de la Pre Lisa Giovannini-Chami (CHU Lenval, Nice).
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