"Nous nous épuisons" : 1.200 professionnels de santé demandent aux députés de voter un ratio maximal de patients par soignant
Alors que le Sénat a voté une proposition de loi en février dernier, pour garantir un ratio minimum de patients par soignants, 1 193 professionnels de santé* demandent dans une tribune publiée dans Le Monde, que ce texte soit également voté par les députés à l’Assemblée nationale. "Il faut qu’il soit garanti, pour qu’enfin nous puissions vous soigner correctement", écrivent-ils.
"Nous ne sommes plus en nombre suffisant pour prendre correctement en charge votre problème médical", écrivent les soignants qui ne demandent "ni sympathie, ni empathie". Ils dénoncent notamment devoir trier les patients "en toutes circonstances". "Nous n’arrivons même plus à prioriser l’ordre de gravité", confient-ils.
Si ce procédé était considéré comme "normal" lorsque "le 15 était un numéro d’urgence permettant une prise en charge rapide des situations vitales", aujourd’hui ce numéro est devenu "l’outil de triage pour accéder aux urgences", induisant un temps d’attente qui a "drastiquement augmenté", poursuivent les près de 1 200 soignants. Avec pour conséquence de mettre en danger les patients qui "ont besoin d’une prise en charge immédiate".
Pour les soignants, ces problématiques sont en partie liées à un important manque d’effectif. "Dans un grand hôpital de France, il manque aux urgences encore ouvertes 30 infirmières sur un effectif théorique de 65. Nous nous épuisons", écrivent les soignants. Ils rappellent aussi "qu’il n’y pas assez de lits". "Près de 80 000 lits d’hôpitaux ont été supprimés entre 2003 et 2019 par volonté politique de promouvoir les soins de moins de 24 heures. Et actuellement, en raison de la démission du personnel, il y a dans certains hôpitaux de France jusqu’à 30% de lits fermés, parfois des services entiers." Ils rapportent aussi un manque de "blocs opératoires ouverts" par manque de personnels : "Alors nous essayons de vous prioriser, mais nous n’y arrivons plus", désespèrent-ils.
"Nous sommes confrontés à des dilemmes éthiques intenables"
Lorsqu’un patient arrive, "nous savons qu’il sera difficile de [lui] trouver un service". Les près de 1200 soignants reconnaissent alors être "obnubilés" à l’idée de laisser le patient rentrer chez lui "qu’il fasse jour ou nuit", qu’il vive "seul ou non", qu’il soit "un enfant ou une personne âgée". "Cela nous rend désagréables, parce que nous sommes confrontés à des dilemmes éthiques intenables et n’avons pas choisi ce métier pour faire subir cette violence, ni pour être maltraitants."
Ils évoquent également le cas d’une patiente suivie "dans un grand hôpital de France", qui a dû patienter chez elles pendant plusieurs jours dans l’attente d’une place en hospitalisation, alors qu’elle était atteinte d’un "abcès gangrené du pied". "Elle a dû être amputée. Cela n’aurait pas dû lui arriver, et aurait probablement été évité si elle avait été prise en charge plus tôt. Nous avons les compétences pour éviter cela, mais nous n’avons plus les moyens. Nous ne lui avons pas dit qu’elle a subi ce que nous appelons une ‘perte de chance’. C’est un nouveau diagnostic fréquent. Il nous fait honte."
Du côté des directions, elles "parlent d’argent, du déficit financier de nos hôpitaux". "On nous explique que, pour faire des recettes, il faut faire de l’activité (..). Comme si nous vous gardions à l’hôpital par plaisir, pendant que d’autres patients, par dizaines, attendent une place. Nous devenons là aussi obnubilés par votre sortie", ironisent-ils.
Alors, convaincus qu’il faut de "meilleures conditions d’exercice", les signataires veulent "inverser la logique actuelle". Ils demandent un à être "en nombre et bien formés" pour qu’ils puissent "travailler dans une équipe stable dont le but est de donner des soins de qualité", écrivent-ils, en ajoutant une "rémunération des soignants à la hauteur des enjeux". Selon eux, "la situation peut s’améliorer rapidement", en agissant sur tous ces points et en instaurant un ratio soignant/soignés. "Les blocs rouvriraient, les lits rouvriraient, les urgences rouvriraient, car les personnes et les compétences sont toujours dans notre pays. Il faut leur redonner le goût de l’hôpital public", terminent-ils.
[Avec Le Monde]
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