Sa proposition de loi contre les déserts médicaux, déposée en janvier, n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour, mais le groupe d'initiative transpartisane porté par le député socialiste de la Mayenne, Guillaume Garot, ne comptait pas laisser tomber son combat pour l’accès aux soins. Le groupe – qui porte des mesures coercitives – a déposé ce jeudi 1er juin une série d’amendements à la proposition de loi Valletoux, qui doit, elle, arriver en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale à partir de lundi. La plupart des amendements déposés par le groupe de Guillaume Garot sont une retranscription des articles de sa propre proposition de loi.
Le groupe suggère notamment de rétablir clairement l’obligation de permanence des soins, jugeant que "depuis la suppression de cette obligation, il est observé une dégradation de l’accès aux soins". "Le principe du volontariat n’est pas suffisant pour répondre à la demande de soins exprimée par la population sur le territoire, peut-on lire dans l’exposé des motifs. Le Conseil national de l’Ordre des médecins parle même de ‘désengagement des médecins libéraux’", soulignent les parlementaires, notant que "seuls 38,1% des médecins" ont participé à la PDSa en 2019".
Ils veulent également imposer – sauf "cas de force majeure" prévus par décret – un préavis de six mois aux médecins, aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes quittant leur lieu d’exercice ; arguant que cela devrait permettre aux autorités "d’anticiper la situation". "Il n’est pas rare qu’un médecin annonce son départ d’un territoire au dernier moment, laissant plusieurs centaines de patients sans médecin, et sans offre de soins à proximité de leur domicile", déplorent-ils.
Afin de favoriser les installations durables de médecins, le groupe transpartisan propose de limiter à quatre ans la durée des remplacements en libéral dans la carrière d’un praticien – sauf pour les médecins en cumul emploi-retraite. "Les médecins remplaçants permettent de répondre à l’urgence de la situation dans les territoires les plus touchés par la désertification médicale. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une solution pérenne, et il est préférable d’inciter les médecins à exercer de façon permanente, en particulier dans les zones sous‑dotées", estime le groupe.
Un autre amendement vise à "empêcher tout abus en matière de cumul d’exonérations fiscales et d’aides à l’installation". Le groupe transpartisan relève en effet que "plusieurs élus locaux et patients ont constaté... un phénomène de ‘nomadisme médical’, à savoir l’installation et la réinstallation répétées de certains professionnels de santé après avoir perçues des aides à l’installation ou bénéficié d’exonérations fiscales au titre de l’exercice en zone de revitalisation rurale (ZRR)".
Par ailleurs, le groupe dit vouloir accélérer le développement des infirmières en pratique avancée (IPA) "dans les zones où il est difficile d’obtenir un rendez-vous avec un médecin dans des délais raisonnables", en leur accordant un accès direct "dans le cadre de protocoles de coopération définis par les soignants". Un autre amendement précise par ailleurs les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 portant création, dans chaque département, d’un guichet unique d’information et d’orientation à destination des professionnels de santé, sous l’égide de l’ARS.
Une année de classe prépa
Plusieurs autres mesures – plus incitatives cette fois – concernent les études de médecine. Le groupe de Guillaume Garot suggère de créer des Écoles normales des métiers de la santé, "à titre expérimental et pour une durée de trois ans", et une année préparatoire aux études de médecine, "à titre expérimental et pour une durée de trois ans minimum", dans trois départements caractérisés par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins. Les premières prendraient la forme de "lycées ou de sections spécialisés" et dispenseraient un enseignement spécifique aux métiers de la santé, "tout en proposant des périodes de découverte en milieu professionnel". Objectif : susciter des vocations.
Ces Écoles normales proposeront "des études gratuites, un internat d’excellence et une bourse de vie". En contrepartie, les étudiants devront s’engager à exercer sur le territoire pendant 10 ans une fois devenus diplômés, "faute de quoi, ils se verront dans l’obligation de rembourser les sommes perçues". Cet engagement de dix ans "permettra d’augmenter considérablement le nombre de médecins s’installant dans des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins", justifient les parlementaires.
Concernant la création d’une année préparatoire aux études de médecine, elle serait accessible directement après le bac, permettrait "une remise à niveau" en vue de l’entrée en Parcours d’accès spécifique santé (PASS) et du passage du concours d’accès à la deuxième année d’études de médecine. Cette expérimentation viserait en priorité "des territoires possédant un taux d’accès aux études de médecine particulièrement faible et caractérisés par une offre de soins insuffisante". Le groupe transpartisan mise ici sur l’attache territoriale pour susciter des installations.
Par ailleurs, il veut élargir le bénéfice du Contrat d’engagement de service public (CESP), qui permet à des externes et à des internes de bénéficier d’une allocation pendant leur formation, en échange d’années d’exercice dans des zones en tension (ZAC ou ZIP*), définies par les ARS. Les parlementaires veulent également donner la priorité aux besoins des territoires dans le conditionnement du nombre d’étudiants en deuxième et troisième années de premier cycle.
Estimant que "la création contestée de la quatrième année d’internat pour les étudiants en médecine générale montre bien la nécessité d’une réforme mieux définie et mieux concertée avec les premiers intéressés", Guillaume Garot propose également la remise d’un rapport du Gouvernement sur les conditions de travail et le statut des externes et des internes en médecine.
Enfin, le groupe transpartisan a ajouté un amendement visant à facilite l’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) qui ont reçu leur attestation en leur permettant d’exercer dans des centres de santé et maisons de santé.
Pour rappel, la proposition de loi Valletoux sera examinée à partir du lundi 12 juin en séance publique à l’Assemblée nationale.
La sélection de la rédaction
Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?
François Pl
Non
Toute "tracasserie administrative" ajoutée ne fera que dissuader de s'installer dans les zones peu desservies (et moins rentables)... Lire plus