"Le texte de Frédéric Valletoux est un déni de notre liberté d'exercice, de la pénurie médicale, de la souffrance des soignants"

13/05/2023 Par Dr Guillaume Dewevre
Permanence des soins obligatoire pour tous, adhésion systématique à une CTPS, interdiction de l'interim en début de carrière... La proposition de loi du député Horizons et ex-patron de la FHF Frédéric Valletoux provoque colère et indignation chez de nombreux médecins. Et notamment chez les Drs Jérôme Marty et Guillaume Dewere, président et secrétaire général de l'UFML-S, qui y voient de graves atteintes à l'exercice de la médecine libérale. Ils s'expliquent dans une tribune qu'Egora publie en exclusivité.

    "Chères consœurs, Chers confrères,

Arrêtez-vous quelques instants pour prendre connaissance de la PPL VALLETOUX n* 1175 enregistrée le 28 AVRIL 2023 et devant faire l'objet de débats et d'une mise aux votes le 12 JUIN 2023. Proposition de loi n°1175 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels (assemblee-nationale.fr)

Cette loi a pour ambition d'imposer par voie législative ce qui a été rejeté lors des négociations conventionnelles, notamment le contrat d’engagement territorial (CET) et ses contraintes aberrantes.
Or elle ne serait qu’une version incomplète et expurgée des amendements futurs, y intégrant possiblement des pans entiers de la PPL Garot, contre les déserts médicaux d’initiative transpartisane, défendant la coercition à l’installation.
Et des accords d’appareils rendent plus que probable son adoption à l’Assemblée Nationale.

Ce serait ainsi une NEGATION du paritarisme et un VRAI RECUL pour la médecine libérale.

En voici le florilège !

  ARTICLE 1:  Le conseil territorial de santé (CTS) devient un nouvel organe de gouvernance des territoires de santé pour définir et mettre en œuvre le projet territorial de santé.
Les professionnels de santé ainsi organisés auront la PLEINE RESPONSABILITE de répondre de l'accès, de l'offre et de la permanence des soins.
Or si ces objectifs n'étaient pas atteints, l'ARS pourrait alors prendre les mesures nécessaires.

En plus d'alourdir l'organisation de la santé au sein des territoires, en plus des ARS, des CPTS, des ESP, etc nous voilà avec un nouvel acronyme et plus de suradministration...
Mais surtout, les médecins auront encore plus d'obligations, devront encore plus sans aucune revalorisation de leur exercice pour répondre à l'accès, aux besoins et à la permanence des soins!
Et à défaut, les ARS auront tout pouvoir pour nous imposer de nouvelles contraintes.

Ce texte est un déni de notre liberté d'exercice, de la pénurie médicale, de la souffrance et de l'épuisement des soignants. 
Nous ne sommes aucunement responsables et nous refusons d'être les victimes expiatoires des erreurs politiciennes passées.
La médecine libérale n’est plus en capacité, avec le manque de moyens et d’attractivité aggravant la pénurie, de répondre aux besoins de la population.
 
ARTICLE 3 : Cet article défend rien de moins que l'ADHESION SYSTEMATIQUE AUX CPTS de tous les professionnels de santé, au-delà du principe même de libre choix d’adhésion.
Alors que les CPTS suradministrent le soin, contractualisent à coups de forfaits des obligations régaliennes, rendent les soignants dépendant des ACI et de contraintes imposés par les CPAM…
Alors que les CPTS sont des chevaux de Troie contre la médecine libérale et le paiement à l'acte avec une forfaitisation des soins et demain une rémunération aux parcours de soins... 


La volonté de notre président est un maillage de tout le territoire pour étendre la mainmise de la CNAM et des CPAM au niveau local sur l'organisation de soins, mais aussi votre activité et votre rémunération future...
Les CPTS seront les vecteurs des prochaines invectives gouvernementales et parions qu'ils en gonfleront les adhésions en les intégrant comme critère socle aux ROSP : la machine est en marche, stoppons-la !  

ARTICLE 4 : Cet article est encore une belle aberration rendant OBLIGATOIRE la permanence de soins pour tous, tant au niveau ambulatoire (PDSA) qu'au niveau des établissements de santé (PDSES).
Le DG de l'ARS aurait le pouvoir 'd'appeler' les établissements publics et privés à participer à cette permanence des soins.

Alors que les médecins libéraux travaillent 55h/semaine, 45% présentant des signes de surmenage, 30% ayant plus de 60 ans, une 4e année de médecine imposant aux plus jeunes de combler les déserts médicaux, conséquences des errances politiques, nous devrions en plus être contraints et forcés de travailler les soirs, les fins de semaine voire les nuits !?
SI près de 40% des médecins libéraux participent à la PDSA, le plus important est de rappeler que 96% des gardes sont pourvues et non de jouer au petit caporal !

Cette exploitation des médecins libéraux, de moins en moins nombreux pour répondre à un besoin de la population toujours plus important, afin de désenclaver les services d'urgence n’est que la conséquence des fermetures de lits et d’une pénurie médicale systémique dont l’Etat est coupable...
Oui, l’État sacrifie la vie des soignants et la qualité des soins sur l’autel des économies.
Oui , l’État a renversé le paradigme faisant d’une enveloppe budgétaire, qui hier s’adaptait aux besoins de santé, une contrainte s’imposant et dégradant les soins…
 
ARTICLE 7:  Quand on veut détruire l’offre de soins, autant en profiter pour INTERDIRE L’INTERIM  à tous les professionnels médicaux et paramédicaux en début de carrière…

Encore une réussite de l’intelligentsia qui est dans un déni consternant, car, en réalité, le vrai problème n’a jamais été les soignants intérimaires qui sont indispensables à de nombreux services et hôpitaux, mais bien le salaire indécemment bas des Praticiens Hospitaliers, IDE, etc. Quand on sait que 30% des postes de PH temps plein sont à pourvoir et 50% des PH à temps partiel, on mesure toute l’étendue du problème.

L’intérim n’est que la résultante du manque d’attractivité des carrières et de la rémunération des soignants hospitaliers, pressurisés dans des hôpitaux déficitaires et suradministrés.


  ARTICLE 8 : Cet article vise à FACILITER LE CONTROLE par les juridictions financières et les organismes de contrôle administratif des CLINIQUES PRIVEES et de leurs sociétés satellites Belle initiative portée par celui qui fut pendant 10 ans le président de la Fédération Hospitalière de France, force d’influence hospitalo-centrée, d’inscrire au sein de la loi un texte qui exposera étonnamment que les établissements privés et donc les médecins libéraux et non les établissements publics aux contrôles fiscaux…
Et quelle heureuse coïncidence que le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale de 2023, adopté de manière cavalière par un énième 49.3, rend légal dans son article 44 l’extrapolation des indus, véritable épée de Damoclès où la condamnation excède la preuve… 
  ARTICLE 9 :
Cet article propose de FACILITER L’EXERCICE DES MEDECINS ETRANGERS, appelés les Praticiens Diplômés hors de l’Union Européenne (PADHUE), sur le territoire national.

Alors que l’État est incapable de rendre la médecine libérale attractive et favoriser les installations des jeunes médecins français qui fuient un exercice devenu ‘ça sert d’os’, on appauvrirait consciemment d’autres pays hors UE de ressources médicales dont ils ont autant voire plus besoin que nous, en un comportement qui n’est pas sans rappeler les dérives de la période coloniale...

  Entre une vision stakhanoviste de l’exercice médical et un dogmatisme hospitalo-centré, M Valletoux, journaliste de formation qui n'a jamais soigné un seul patient, ne manque pas d'imagination pour nous mettre au pas.
Il pourra dire qu’il nous fait confiance ou que nous sommes la pierre angulaire du système de santé, mais ne vous y trompez pas, cette confiance est de celle qui imprégnait la pensée de Lénine répétant : ‘La confiance n’exclut pas le contrôle’. (*EGORA 10/05/23)

Ainsi cette ambition d’inscrire dans la loi les grandes lignes du CET relève de cette volonté malsaine et pathologique de l’Etat de contrôler, d’administrer et de forfaitiser la médecine libérale, considérant que nous devrions nous sacrifier pour la Nation, car nous bénéficions de la générosité et des deniers publics…   Faut-il juste rappeler que la nature humaine, avec ou sans solvabilisation des soins, est sujette à la maladie et que nous aurons tous et toujours besoin de médecins ?
Faut-il rappeler que les patients paient les médecins libéraux avec des honoraires et que la solvabilisation des soins par l'Assurance maladie remboursant les patients permet simplement une mutualisation de ces risques ?

Faut-il rappeler que nous n’avons pas de leçon d’humanisme à recevoir et que nous démontrons chaque jour notre engagement, mais refusons d’être maltraités et méprisés de la sorte ?
Faut-il rappeler aux politiques que la première profession plébiscitée par les Français en termes de confiance demeure les médecins avec en bons derniers de ce classement les politiciens ? Seuls 16% des Français déclarent faire confiance aux journalistes | Ipsos   A vous toutes et tous,
Interpellez vos consœurs et confrères,
Interpellez vos Conseils de l’Ordre,
Dénoncez la loi Valletoux et les autres lois coercitives !

N'oubliez pas quel est le rôle, la fierté, le plaisir, la responsabilité des médecins !

Ils veulent faire sans nous, alors montrons que nous pourrions aussi faire sans eux : inscrivez-vous aux Assises du déconventionnement collectif à Lyon le 10 JUIN et signez votre lettre d'intention sur le site deconventionnement.fr  

Dr Guillaume DEWEVRE  Secrétaire Général de l'UFMLS   Dr Jérôme MARTY Président de l’UFMLS"

 
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