95% des laboratoires de biologie en grève contre le "coup de rabot" historique du Gouvernement

14/11/2022 Par Aveline Marques
Système de santé
Depuis ce lundi matin et jusqu'à jeudi matin, aucun prélèvement ne sera possible dans la grande majorité des laboratoires de biologie médicale privés. Les biologistes libéraux sont en effet en grève pour protester contre les baisses de tarifs que le Gouvernement et la Cnam veulent imposer au secteur.

  Le conflit ouvert entre les biologistes libéraux d'un côté, le Gouvernement et la Cnam de l'autre se durcit. A compter de ce lundi 14 novembre et jusqu'à "mercredi soir minuit", l'immense majorité (95%) des sites de prélèvements de ville vont garder porte close. Seuls les laboratoires hospitaliers vont continuer à fonctionner, assurant notamment les prélèvements réalisés aux urgences. Après avoir suspendu leur participation aux travaux du "Ségur du numérique", puis interrompu les transmissions de résultats de tests Covid sur la plateforme Sidep, les biologistes ont mis leur menace à exécution et entamé une grève, qui pourra éventuellement être reconduite. "Face à la folie austéritaire du Gouvernement, nous avons pris la décision d'en passer par la seule langue qu'il parle : le rapport de force", a lancé Thierry Bouchet, président du Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC), lors d'une conférence de presse organisée ce lundi matin. "Nous nous trouvons face à un mur, le Gouvernement refuse de dialoguer avec nous", justifie Alain Le Meur, président de l'Alliance pour la biologie médicale (ABM), qui réunit les quatre syndicats de biologistes* et les réseaux de laboratoires**. En cause : "un coup de rabot" historique imposé au secteur au travers du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, au nom des bénéfices réalisés par les labos avec le dépistage du Covid. Au total, les baisses de tarifs voulues par le Gouvernement et la Cnam se chiffrent à 1.276 milliard d'euros sur 4 ans, estime l'ABM : 280 millions en 2023, puis 332 millions par an jusqu'en 2026. Les baisses porteraient sur le B, lettre clé des biologistes (-2 centimes), sur des actes ciblés ainsi que sur les tests PCR (-7 euros). "Je le redis, nous sommes favorables à une contribution exceptionnelle de 250 millions d'euros, mais sur la seule année 2023", insiste Alain Le Meur – une solution d'ailleurs soutenue par le Sénat. Mais pour les biologistes, cette "baisse de tarifs pérenne et structurelle est la ligne rouge". Depuis une quinzaine de jours, biologistes et Gouvernement se livrent à une bataille de chiffres. Appelant les biologistes à la "décence", Gabriel Attal, ministre des Comptes publics, met en avant le chiffre d'affaires réalisé par le secteur ces deux dernières années – 7 milliards d'euros. Refusant d'être qualifiés de "profiteurs de guerre", les biologistes rappellent d'abord qu'ils ont agi "sur ordre express du Gouvernement, avec des tarifs fixés par la Cnam", multipliant les alertes face à la politique du "quoi qu'il en coûte" menée par l'exécutif sur le dépistage. Ils dénoncent ensuite des "chiffres tronqués, manipulés". "Le seul chiffre à prendre en compte est celui du résultat net, qui s'est élevé en moyenne à 16% pendant la crise, contre 12% auparavant", souligne Aurélie François, la directrice générale d'Eurofins biologie médicale. "On se dirige déjà vers un retour à la normale", plaide-t-elle. Et d'évoquer les nombreux investissements engendrés par le dépistage du Covid (réactifs, consommables, barnums… 500 millions d'euros ont été investis en 2020) et les frais de personnels accrus (en moyenne les employés auraient bénéficié de 3 000 à 4 000 euros d'heures supplémentaires et de primes). Alors que les baisses de tarifs envisagées feraient tomber le résultat net à 2%, les biologistes alertent sur les conséquences pour l'accès aux soins. "Avec un résultat net divisé par 6, nous ne pourrons plus maintenir notre maillage territorial", met en garde Thierry Bouchet. Au "minimum" 400 laboratoires de proximité, soit près de 10% des sites de prélèvements, pourraient fermer. Les plus menacés étant les sites qui ont la plus faible activité, souvent situés dans les territoires ruraux. "Il y aura une perte de chance pour les patients résidant dans les déserts médicaux", alerte Michel Pax, président des Biologistes indépendants, qui ont rejoint le mouvement. Le dialogue étant rompue avec l'exécutif et la Cnam, les biologistes en appellent désormais à Emmanuel Macron.   *Biomed, SDB, SLBC, SNMB **Biogroup, Cerba Healthcare, Eurofins, Inovie, LBI, Synlab, Unilabs

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