Six millions de Français sans médecin traitant, des files d’attente devant les cabinets de ville ou aux urgences, des délais de rendez-vous toujours plus longs… L’accès aux soins n’a jamais été aussi problématique en France. Deux ans et demi après l’arrivée du Sars-Cov-2 sur notre sol, qui a révélé les failles d’un système que l’on croyait être l’un des plus performants au monde, les déserts médicaux ne cessent en effet de s’étendre et les inégalités dans le soin, de se creuser. Pourtant, chaque jour, des milliers de rendez-vous ne sont pas honorés par les patients, sans que ceux-ci ne préviennent les médecins censés les prendre en charge. Ces rendez-vous, les praticiens les appelle communément des "lapins" ou encore des "no-show" (en anglais : ne pas se présenter). Un phénomène vraisemblablement "sociétal" pour le Dr Michel Virte, responsable de la commission dédiée à ce sujet au sein de l’URPS médecins libéraux du Grand Est. "Les restaurateurs y sont eux aussi confrontés…" En juillet dernier, alors que les urgences s’apprêtaient à vivre un chaos, le sujet est revenu sur le tapis médiatique. Une enquête de l’URPS médecins libéraux d’Ile-de-France, menée auprès de 2 000 praticiens, révélait alors qu’en moyenne ces derniers comptabilisent 2 rendez-vous non honorés par jour, avec des pics pouvant aller jusqu’à 5 lapins. Au total, l’organisation avance que 27 millions de consultations annuelles ne sont pas honorées, "soit l’équivalent du temps de travail d’environ 4 000 médecins (ramenés à un rythme de 3 consultations par heure et 50 heures de travail par semaine)".
L’Union française pour une médecine libre (UFML), qui a fait de ce sujet son cheval de bataille, a sauté sur l’occasion pour interpeller de nouveau les pouvoirs publics. Pour son président, le Dr Jérôme Marty, régler la problématique des lapins reviendrait – au moins en partie – à résoudre la problématique des "entrées surnuméraires aux urgences". Chaque année, environ 21 millions de passages sont enregistrés aux urgences, mais "on estime que 15 à 30% de ces passages n’ont rien à y faire", indique le généraliste. Libérés des lapins, les généralistes et spécialistes de ville pourraient prendre en charge des patients qui ne relèvent pas de l’hôpital. Quatre lapins par jour pour les MG du Grand Est Menée par l’URPS-ML Grand Est quelques mois plus tôt, en mars 2022, une autre enquête en ligne – à laquelle plus de 500 praticiens ont répondu – évoque une situation tout aussi alarmante. D’après les résultats, parus mi-octobre, 98,8% des médecins libéraux du territoire disent avoir des rendez-vous non honorés : 1 à 5 par semaine pour 73% d’entre eux et plus de 5 lapins hebdomadaires pour un peu plus de 25% d’entre eux. Toutes les spécialités sont touchées : les généralistes, eux, rapportent 4 lapins en moyenne chaque jour. Près de 60% des répondants estiment le temps de travail perdu entre 15 et 30 minutes par jour. Soit 50 à 100 heures perdues chaque année par un médecin libéral du Grand Est. "Si on considère qu’un médecin libéral travaille 40 heures par semaine, 46 semaines par an, cela représente 1840 heures de travail annuelles. Si on rapporte ça au nombre de médecins dans le Grand Est [plus de 7000], cet absentéisme représente entre 369.000 et 738.000 heures perdues chaque année. Soit l’équivalent de 200 à 400 médecins. Si on fait la même projection, artificielle bien sûr, sur les 116.000 médecins français, on se retrouve entre 5 et 10 millions d’heures ‘médecin’ perdues, soit l’équivalent de 3.000 à 6.000 médecins", analyse le Dr Michel Virte, de l’URPS Grand Est.
Le Pr Emmanuel Chazard, conseiller ordinal suppléant dans le Nord, a lancé il y a quelques semaines une enquête auprès des médecins inscrits au CDOM du département. "Actuellement, le chiffre qui circule serait de 28 millions de consultations non honorées [par an, en France entière]. Il est possible que ce soit vrai, mais le protocole d’étude mis en place ne permet pas d’être sûr de ce chiffre", avance le PU-PH, qui a développé "une méthodologie robuste". Son objectif : déterminer de façon précise "le réel impact" des lapins. Pour cela, il a procédé à un tirage au sort des médecins inscrits au tableau de l’Ordre départemental. Les tirés au sort ont reçu un questionnaire papier ; et des relances téléphoniques sont en cours. Une extrapolation des chiffres obtenus sera ensuite effectuée afin d’avoir une idée des consultations perdues "au niveau national". "Cette extrapolation n’est possible que parce qu’il s’agit d’un tirage au sort et que l’on vise un taux de réponse de 70-80%, explique-t-il. Quand vous faites une sollicitation par mail, très peu de gens répondent. Ceux qui le font sont intéressés par la question, ce sont des militants. Ils souffrent forcément de ces consultations non honorées. Le vrai risque en faisant une règle de trois, c’est d’avoir une exagération de ce nombre. On majore les phénomènes."
Un comble, lorsque l’on connaît les difficultés d’accès aux soins rencontrées par des millions de Français. "La résolution de cette problématique pèserait en un poids réel sur l’amélioration des conditions d’accès aux soins", soutient le Dr Marty. Conscient de l’importance de redonner du temps de soins aux soignants de ville, François Braun appelait à "réfléchir aux moyens de lutter résolument contre les rendez-vous non honorés par une responsabilisation du patient", dans son rapport publié en juillet consécutif à la mission flash qu’il a menée sur demande du Président de la République. "Consumérisme" Dans ce contexte de pénurie de temps médical, l’incivisme de certains patients a le don d’énerver les médecins. "C’est très pénible, d’autant plus quand vous savez qu’on assaille votre secrétaire", indique le Dr Bruno Perrouty, président des Spécialistes-CSMF, qui confirme que "toutes les spés sont touchées". "Hier [le 3 octobre, NDLR], je devais faire un électrocardiogramme à une jeune fille épileptique mal équilibrée. Elle n’est pas venue. Lorsque je l’ai appelée pour savoir pourquoi, elle m’a dit qu’elle avait un contrôle au lycée qu’elle ne pouvait pas rater." Au total, trois personnes ne se rendront pas à leur rendez-vous ce jour-là, déplore le neurologue de Carpentras. Les praticiens franciliens ayant répondu à l’enquête de leur URPS déclarent que ce sont majoritairement les nouveaux patients qui ne se rendent pas à leur rendez-vous. Une donnée qui ressort également de l’enquête similaire menée dans le Grand Est. Ceci s’expliquerait par le manque de fidélité du patient, inconnu au bataillon, envers le médecin. "Un des phénomènes que l’on constate ce sont des gens qui prennent 4 à 5 rendez-vous sur une plateforme [en ligne] et vont choisir le plus proche, sans annuler les autres", argumente le Dr Perrouty. Pour le syndicaliste, ce phénomène des lapins s’est aggravé "depuis dix ans environ". En cause : la transformation de l’accessibilité au médecin, avance-t-il. "Auparavant, le patient avait son spécialiste. Il s’attachait à se rendre à son rendez-vous." Désormais, analyse le praticien installé depuis trente ans, il y a une forme de "consumérisme plus grand". 72% des médecins libéraux sondés par l’URPS Grand Est estiment d’ailleurs que l’oubli du rendez-vous par le patient est lié à un manque de considération à l’égard du corps médical. "Le médecin est un offreur de soin, le patient est un consommateur." "Ce phénomène est moins supportable actuellement, dans une période où on reproche aux médecins leurs délais de consultation", déplore le Dr Perrouty. "On ne peut pas nous accuser d’avoir des délais trop longs et gaspiller l’accès aux soins." Un sentiment que partage l’URPS-ML Grand Est qui écrit dans son enquête que "cette pratique, loin d’être anecdotique, désorganise notre exercice et pénalise les patients qui souhaiteraient rapidement un rendez-vous". Alors que l’on demande aux médecins libéraux de s’investir davantage, au sein du Service d’accès aux soins (SAS) par exemple, et de prendre en charge les soins non programmés, ce "mésusage" du système de santé ne passe plus chez les praticiens, de premier comme de second recours - chez qui les délais sont plus longs et les risques d’oubli sensiblement plus fréquents. "Si on nous avait prévenus, on libérerait des places et cela permettrait de faire une opération tiroir : on a toujours des numéros de patients qui voudraient avancer leur rendez-vous", explique le Dr Michel Virte. Si l’enjeu est avant tout sanitaire, les lapins impactent également les finances des médecins libéraux "Pour en avoir discuté avec des radiologues ou des isotopistes qui font du pet scan, quand un patient ne vient pas, cela a un coût, au-delà du fait que, bien sûr, cela représente un rendez-vous de moins pour des bilans de cancer", explique le Dr Virte. "Quand on a des lapins sur des actes techniques, c’est plus embêtant qu’une simple consultation", ajoute l’ORL. "Un associé me disait que les rendez-vous non honorés représentent 1 mois de chiffre d’affaires, ce n’est pas rien", abonde le Dr Perrouty, qui lance : "Tout le monde est agacé : les médecins et les patients !" "Cela pose un problème d’équilibre de l’entreprise", soulève également le Dr Marty, qui concède que cet argument "n’est pas politiquement correct". "Les médecins ne sont pas des moines soldats : le praticien qui se prend 5 rendez-vous non honorés dans journée, ça lui fait quand même 125 euros en moins s’il est généraliste, davantage s’il est spécialiste." "Les plateformes en ligne ne règlent pas le problème" Pour les médecins que nous avons interrogés, les plateformes de prise de rendez-vous en ligne n’ont rien résolu au problème. Une enquête de 2019 menée pour la Mutuelle nationale des hospitaliers par Odoxa montrait que 90 à 97% des médecins étaient concernés par les lapins. A l’époque, 1 Français sur 6 avouait avoir déjà posé un lapin à son médecin. L’étude indiquait que les plateformes pouvaient être la solution à ce fléau, et que les soignants étaient à 60% "persuadés" qu’elles incitaient les patients "à mieux respecter leurs rendez-vous". "La conclusion de l’époque, c’était que vraisemblablement les plateformes en ligne allaient régler la question, analyse le Dr Virte. Or, force est de constater que ce n’est pas le cas." Dans l’enquête de l’URPS-ML Grand Est, 75% des répondants n’ont pas constaté de modification du nombre de no-show avec l’utilisation des plateformes. "Ça ne règle pas la question, voire ça peut être un facteur d’accentuation dans la mesure où ça modifie le rapport entre le patient, qui devient un usager, et le médecin, qui devient un prestataire de service", analyse l’ORL. "On est face à une espèce de dépersonnalisation", déplore-t-il, indiquant que 46% des rendez-non honorés signalés dans l’enquête ont été pris en ligne. "Il faut aussi reconnaître notre responsabilité. Nous avons des problèmes pour être joignables, nos standards sont saturés, les patients nous disent qu’on ne peut pas nous joindre. Il y a un vrai problème de communication -patient-secrétaire-médecin qu’il faut améliorer", nuance le Dr Bruno Perrouty. Mais ce dernier en vient à la même conclusion : sur ce point, "les plateformes n’ont pas résolu ce problème." Contacté par Egora, Doctolib explique pourtant s’efforcer de réduire le taux de rendez-vous non honorés grâce à un certain nombre de fonctionnalités, notamment par le biais de 85 millions de SMS de rappels envoyés aux patients chaque mois. Doctolib a également permis aux patients d’annuler leur rendez-vous jusqu’à quatre heures avant en 1 clic, ou encore ouvert la possibilité de transformer une consultation physique en téléconsultation. Les médecins ont par ailleurs la possibilité de blacklister un patient incivique sur la plateforme. Il ne pourra ainsi plus prendre rendez-vous en ligne. Problème : tous les praticiens ne signalent pas lorsqu’un patient ne vient pas sans prévenir. C’est d’ailleurs ce qui rend l’évaluation du phénomène difficile, explique Doctolib. "Le blacklistage n’est pas approprié à la chose médicale. Vous ne pouvez pas pénaliser un patient, lui interdire l’accès aux soins, parce qu’il est incivique", estime pour sa part le Dr Jérôme Marty. D'après l’enquête de l’URPS Grand Est, 51,6% des médecins mettent leur patient sur liste noire après 1 ou 2 avertissements. Un Egoranaute se veut plus sévère encore : "un lapin non excusé = patient radié définitivement", écrit-il sous notre appel à témoignages. Certains patients contournent néanmoins le système, en appelant au cabinet ou en allant consulter d’autres confrères, indique le Dr Virte.
"C'est le prix à payer" des soins programmés La hausse des no-show a amené les praticiens à réfléchir à d’autres moyens de lutte. Nombre d’entre eux ont appelé les plateformes à serrer la vis sur la possibilité de multiplier les rendez-vous avec plusieurs praticiens d’une même spécialité. Des actions visant directement les patients sont aussi réclamées. 89% des répondants à l’enquête menée dans le Grand Est souhaitent une action de sensibilisation à travers la presse, des spots publicitaires ou des affichages en cabinet. "Ce serait le minimum, estime le Dr Virte. Les professionnels de santé auraient le sentiment d’être un peu soutenus." "Il faut que les Français se rendent compte du gaspillage médical", convient le président des Spécialistes-CSMF. "Mais est-ce que les personnes concernées vont entendre le message ?", s’interroge le Dr Virte. "Si on veut dépenser encore un peu plus d’argent pour rien, allons-y", ironise de son côté le Dr Bertrand Legrand. Pour le généraliste de Tourcoing (Nord), la faute ne doit pas être uniquement rejetée sur les patients. "Les médecins se sont organisés de telle sorte que le lapin va impacter leur organisation. Ils ont refusé de prendre en charge les soins immédiatement et se retrouvent avec des soins programmés en permanence. C’est le prix à payer pour ça. Chacun vit dans un monde refermé sur lui-même en pensant que son petit nombril est suffisant pour expliquer la totalité des choses."
Le généraliste, qui possède une file active de 6000 patients, dit avoir "inversé la problématique" en mettant au point un système de consultations sur créneaux. Cinq patients sont convoqués au cabinet sur un créneau de 30 minutes. Ces derniers sont reçus par le Dr Legrand et sa femme, généraliste, par ordre d’arrivée. Si l’un d’eux est en retard ou ne vient pas, "cela permet de ne plus avoir de temps mort" entre les rendez-vous et d’évacuer le sentiment de "frustration". "Dans une période où on manque de médecins, le problème n’est pas de responsabiliser les gens. C’est tout à fait normal que le patient soit patient. Il ne peut pas se permettre d’avoir l’exigence d’être reçu à heure fixe", estime-t-il. Le praticien "le plus agressé de France" (avec 38 agressions) affirme que depuis qu’il est passé en tranche horaire, il a beaucoup moins d’agression. "Les patients savent qu’ils vont être vus de telle heure à telle heure", explique-t-il, convaincu que les médecins doivent s’organiser et arrêter de penser "qu’ils peuvent réguler la vie des patients". "Un lapin me permet de respirer un quart de seconde, de terminer plus tôt ou d’avoir moins de pression dans ma journée", relativise-t-il. D’autres praticiens, sur un modèle similaire, ont adopté des stratégies dites de "surbooking". C'est ce qui est mis en place notamment à Point Vision. "Taper au portefeuille" Pour sa part, l’UFML-S veut se montrer ferme. Dans sa pétition lancée en 2019 (et qui a recueilli à ce jour plus de 8500 signatures), il demande à pouvoir facturer les rendez-vous non honorés, en modifiant le code de la santé publique, qui stipule que des honoraires "ne peuvent être réclamés qu'à l'occasion d'actes réellement effectués". Car aujourd’hui, à part "la possibilité de choisir son patient", le médecin "ne peut rien faire" contre les no-show, indique l’Ordre des médecins, qui n’a pas souhaité communiquer davantage, mais indique travailler actuellement avec l’Académie de médecine sur le sujet. En décembre 2021, la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France de l'Ordre des médecins a sanctionné un ORL parisien d'un avertissement pour avoir facturé à deux patients des rendez-vous non honorés. Le praticien invoquait l'"indemnisation du préjudice financier subi". Dans son jugement, la chambre disciplinaire reconnaît qu'aucune disposition du code de santé publique n'interdit à un médecin d’en obtenir la réparation, mais lui reproche d'avoir réclamé "une somme égale au montant de ses honoraires alors que son préjudice financier ne saurait équivaloir à ce montant".
En admettant que le code de la santé publique soit un jour modifié, le Dr Marty plaide pour une négociation conventionnelle sur le sujet de la facturation des lapins afin de discuter des modalités d’application et de la hauteur de la pénalité. Le généraliste avance par exemple l’idée de transférer les pénalités retenues à un fond de résolution des déserts médicaux. "La seule solution est de taper au portefeuille", estime le syndicaliste, qui précise néanmoins que ce ne doit pas à être aux praticiens "de réclamer l’indu". "Le plus simple, c’est l’Assurance maladie." Interrogé par Egora, le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, pense "que ce sujet ne relève pas fondamentalement du champ conventionnel", mais dit comprendre la préoccupation des médecins. "L'Assurance maladie pourra certainement dans les prochains mois jouer son rôle d'information et de prévention sur l'importance de la bonne utilisation de notre système de santé, en rappelant les règles évidentes de civisme", a-t-il déclaré. "C’est une mesure qui ne coûte rien à la nation, mais il y a un manque de courage politique, déplore le Dr Marty, voyant le phénomène s’amplifier. On n’ose pas dire qu’il faut payer pour se faire soigner. On a une idée du soin qui doit être absolument égalitaire, confondant égalité et abus." Dans certains cas, reconnaît le Dr Perrouty, une sanction financière serait "logique". "Elle pourrait prendre la forme de dépassements exceptionnels non remboursés par l’Assurance maladie et à la discrétion du médecin." Cela pose toutefois la question de la solvabilité du patient, ajoute le Dr Virte, qui appelle à mener une réflexion approfondie. Selon les enquêtes des URPS Grand Est et IDF, la profession suggère la mise en place d’un forfait annulation applicable aux patients n’ayant pas prévenu dans les 24h, comme la mise en place de prépaiement au moment de la prise de rendez-vous en ligne. Des sanctions financières sont déjà applicables dans certains pays voisins. Au Luxembourg par exemple, le médecin peut facturer, à titre d’indemnité, le tarif d’une consultation normale non remboursable par l’Assurance maladie si l'assuré ne vient pas à son rendez-vous sans excuse préalable. Cette indemnité "est due si le rendez-vous n'a pas été décommandé 24 heures à l'avance en cas de consultation et de 2 jours ouvrables à l'avance en cas de traitement plus important", peut-on lire sur le site luxembourgeois qui équivant à Ameli. En France, pour l’heure, aucune solution miracle ne semble se détacher pour réduire le nombre de lapins et gagner, ainsi, du temps médical. Mais une chose est sûre, il ne s’agit plus d’un "sujet tabou", observe le Dr Michel Virte, selon qui "la profession attend une prise en compte et une réponse".
Entretien avec Julien Méraud, directeur marketing et produit de Doctolib.
Egora-Le Panorama du médecin : Beaucoup de médecins nous disent que les plateformes n’ont pas permis de réduire le nombre de rendez-vous non honorés, voire qu’elles ont contribué à leur hausse…
Julien Méraud : Dans les chiffres que nous parvenons à voir, et qui sont un peu tendanciels, on ne voit pas que le phénomène s’est amplifié. En revanche, ce qui est vrai, c’est qu’il y a une incivilité potentielle de certains patients et que les médecins la subissent. Pour nous, c’est vraiment un des axes de réflexion les plus importants. On sait qu’il y a un problème d’accès aux soins, de plus en plus de besoins de santé, mais de moins en moins de professionnels pour y répondre. Le fait de se dire qu’il y a X % de rendez-vous qui ne sont pas honorés chaque jour, c’est presque la meilleure des réponses pour améliorer l’accès aux soins.
Vous travaillez sur une nouvelle feuille de route qui a vocation à développer les mesures de lutte contre ces lapins. Quelles sont les priorités identifiées ?
Il y a deux mesures sur lesquelles nous réfléchissons en détail. La première existe déjà sur Doctolib mais est potentiellement améliorable. Il s’agit de ne pas pouvoir réserver plusieurs rendez-vous avec des médecins de la même spécialité à un instant donné. Aujourd’hui, si vous prenez un rendez-vous auprès d’une spécialité médicale et que vous tentez d’en reprendre un à plus ou moins 8 jours avec un autre praticien de la même spécialité, vous allez recevoir un message d’alerte. Celui-ci va soit vous empêcher de le prendre en vous en demandant de choisir l’un des deux (c’est le cas pour certaines spécialités pour lesquelles il n’y a pas de rendez-vous récurrents) ; soit, pour d’autres spécialités comme les sages-femmes ou les kinésithérapeutes pour lesquels il peut y avoir des rendez-vous récurrents, va vous informer. Il faut prendre en compte que c’est un cas d’usage important d’avoir plusieurs consultations prévues dans le futur. Tout n’est pas si simple.
Le deuxième élément sur lequel nous travaillons, ce sont les délais d’annulation. Ce n’est, là encore, pas si évident. Certains médecins veulent que le patient puisse annuler n’importe quand un rendez-vous, y compris à la dernière minute. D’autres, à l’inverse, vont trouver cela scandaleux de pouvoir annuler une consultation à moins de 24 heures. On est en train de comprendre ce qui est important ou pas dans leur organisation. Il faut aussi pouvoir offrir une expérience au patient qui soit cohérente : si un jour il peut annuler, l’autre non, il ne va plus comprendre. En parallèle, nous travaillons également sur la possibilité pour le patient d’expliquer la raison de l’annulation. Globalement, nous allons envisager toutes les actions qui permettent de faire que le patient et le médecin soient plus proches, qu’il y ait plus de clarté et moins de complexité d’accès aux soins.
D’autres mesures ne nous paraissent pas de notre ressort : la notation des patients, le fait que le patient paie ou soit moins bien remboursé, etc. Nous estimons que nous n’avons pas à réfléchir là-dessus.
Tous les médecins ne signalent pas systématiquement un lapin sur la plateforme. Comment les inciter à les déclarer ?
Lorsqu’un patient ne vient pas, un médecin peut le passer dans un statut ‘rendez-vous non honoré’. De notre côté, nous essayons de faire des campagnes à destination des soignants pour qu’ils utilisent le mieux possible notre produit. Malheureusement, certains vont l’utiliser de façon plus ou moins complète. On ne peut pas forcer les médecins utilisateurs de Doctolib à utiliser cette fonctionnalité. Lorsqu’ils le font, ils ont la possibilité de bloquer la prise de rendez-vous en ligne à leur patient. Nous n’aimons pas trop le terme ‘blacklister’ car cela donne l’impression que le patient ne pourra plus jamais prendre rendez-vous chez le médecin. Or s’il réessaye, un message lui indique le numéro du cabinet.
La sélection de la rédaction