PDSA : "Le retour de l'obligation de garde serait contre-productif", alerte l'Ordre des médecins

15/04/2022 Par Aveline Marques
Permanence des soins
Alors que 44% des ordres départementaux plaident pour un rétablissement de l'obligation de garde, le Dr René-Pierre Labarrière, président de la Commission nationale de la permanence des soins et de l’aide médicale urgente du Cnom, explique pourquoi c'est une mauvaise solution et comment éviter d'en arriver là.

    Egora.fr : Outre les difficultés démographiques, cette 19e enquête pointe un "désengagement" voire un "désintérêt" des médecins libéraux pour la PDSA, en lien avec "l'évolution sociétale qui accorde une plus grande place à la vie privée". Dans ces conditions, peut-on vraiment inverser la tendance et sauver la permanence des soins ou est-elle vouée à péricliter ? Dr René-Pierre Labarrière : Il ne faudrait pas qu'elle périclite. Il faut trouver les moyens de lui redonner ses lettres de noblesse. Dire qu'il y a un "désengagement", c'est à moitié vrai car pour la régulation ça fonctionne, avec même une augmentation du nombre de médecins qui se sont engagés. En revanche, l'effection sur le terrain, ça baisse. Et ce n'est pas une surprise car la démographie baisse et les médecins vieillissent. On rajoute à cela le phénomène sociétal, avec des priorités qui ne sont plus tout à fait les mêmes que par le passé. Il faut l'entendre.

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Mais pour moi, la PDSA est un moment très particulier, fondamental, de l'exercice de la médecine générale. Un moment où le lien avec le patient va se nouer de façon encore plus forte, où le médecin a un rôle sécurisant, rassurant. Il va prendre une décision : et la force du soin c'est aussi de se retrouver parfois dans une situation complexe. Il faut défendre cela. Cela fait partie de l'image que je me fais de ma profession de médecin généraliste. Cherchons les causes de ce désengagement. On ne peut pas nier que la rémunération de l'effection soit un problème. Il faut également garantir la sécurité des effecteurs, surtout avec la féminisation de la profession : il faut développer les maisons médicales de garde, et faire en sorte que le médecin n'aille pas à reculons faire sa garde. L'aval est aussi important : le confrère doit savoir que s'il est confronté à une difficulté de prise en charge, il peut trouver derrière lui des ressources. Il faut renforcer les rapports ville-hôpital, en tout cas avec le 15, pour pouvoir passer la main plus facilement. Si on ne va plus à la PDSA la peur au ventre pour toutes ces raisons et qu'au contraire c'est une activité valorisée dans tous les sens du terme, on pourra la relancer. Car l'objectif, c'est d'aider les patients. Sans oublier l'aspect économique quant au coût d'une prise en charge aux urgences. Tout le monde a intérêt à mieux valoriser la PDSA. On peut espérer qu'on est un peu au fond du gouffre de la démographie médicale et que les années à venir vont améliorer la situation car cette activité sera assurée par un plus grand nombre.   Quelles sont pour le Cnom les mesures les plus urgentes à prendre ? Il y a une réflexion à mener sur le modèle économique de la PDSA, sur l'aménagement des horaires. Cela fait des années que l'enquête rappelle que le samedi matin doit être inclus dans la PDSA. Il faut une plus grande flexibilité sur les horaires : la majorité des appels sont reçus en fin de journée, en début de soirée. Plus que d'avoir une permanence de 20 à 24 heures, les horaires 19 heures – 23 heures ou 18h30 – 22h30 seraient plus adaptés.

"On ne protège pas les gens en leur donnant des coups de bâton et en leur disant "avance encore!""

  44% des CDOM se prononcent en faveur d'un rétablissement de l'obligation de garde. Qu'en pensez-vous? C'est contre-productif. Je crains que ce soit mal perçu et que cela risque d'alimenter encore la désaffection vis-à-vis de la médecine générale et de l'installation en libéral, même dans des zones attractives – moi je suis dans une maison de santé toute neuve à 200 mètres du lac d'Annecy et ça fait un an qu'on cherche un confrère, sans trouver. Bien sûr qu'il y peut y avoir un manque de volontariat, mais le vrai problème c'est l'augmentation de la demande de soins par rapport à l'offre qui diminue et c'est la conséquence des années de numerus clausus réduit. C'est une problématique plus large. Il faut que le système repose sur ses deux jambes : l'hôpital et la ville. Le secteur libéral doit être fort et attractif. Or, le Ségur de la santé a quand même peu pris en compte le monde libéral. On arrivera à résoudre tous ses problèmes de PDSA, d'accès aux soins non programmés et de patients sans médecin traitant que si l'on écoute un peu la profession, qu'on l'accompagne, que quel que soit son choix d'exercice, les conditions soient équitables et qu'elles ne constituent pas un repoussoir. Les confrères souffrent de cette charge de travail, il faut les protéger : on ne protège pas les gens en leur donnant des coups de bâton et en leur disant "avance encore!". Et il faut travailler sur chaque territoire, il y a tellement de spécificités à prendre en compte pour la PDSA. Vu d'en haut, on voit une carte et on dit "il n'y a qu'à mettre un grand secteur-là" alors que le médecin de terrain sait, lui, qu'il faut deux heures de route pour aller à tel endroit.   Mais comment expliquer que des médecins eux-mêmes plaident pour l'obligation? C'est tellement compliqué pour les CDOM, je comprends le confrère qui se retrouve devant des tableaux vides. Quand vous êtes désespéré, ça peut apparaître comme la seule solution. Mais Je pense qu'il faut se donner tous les moyens, la coercition ne doit être qu'une issue extrême. Il faut d'abord faciliter et redonner ses lettres de noblesse à la PDSA et plus largement, à la médecine générale. Il faut aussi travailler sur la communication sur le bon usage des soins, expliquer aux patients comment fonctionne le système, que ce n'est pas à n'importe quel moment, à n'importe quel prix.  

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