Evénement indésirable grave : quand le médecin devient la 2ème victime

15/12/2017 Par Catherine le Borgne

Lorsqu'un événement indésirable grave (EIG) survient, fautif ou non, l'impact psychologique sur le praticien en cause est très souvent dévastateur pour lui, deuxième victime, ce qui risque de mettre en danger les patients, potentielles troisièmes victimes. Une intervention a porté sur ce sujet lors du 3ème colloque de l'association SPS sur la prise en charge des soignants en souffrance, qui s'est déroulé lundi 11 décembre à Paris.

Jusqu'à 43 % des praticiens ayant répondu à diverses études, ont estimé avoir été confronté à d'importantes répercussions psychologiques, après la survenue d'un événement indésirable grave sur un de leurs patients, qu'il soit fautif ou non. Et à long terme, 20 % ont estimé ne s'être jamais rétabli de ce traumatisme. Pour ces deuxièmes victimes, a expliqué le Dr Ségolène Arzalier-Daret, médecin coordinatrice de la gestion des risques associés aux soins au CHU de Caen, membre de la commission Smart (soins aux soignants), du CFAR (Collège français des anesthésistes réanimateurs), le chemin de croix commence. Rumination de l'événement, anxiété, peur des poursuites, troubles de l'humeur, perte de la confiance en soi… Cette perte de repères peut aller jusqu'à causer une troisième victime, un patient. Car l'auteur de l'événement indésirable grave, même s'il s'agit d'un alea, perd confiance en lui.  Il se sent dévalorisé, délégitimé vis-à-vis de ses pairs, en insécurité.   Cercle vicieux   "De bienfaisant, il va passer à ses yeux pour un professionnel incompétent", relate le Dr Arzalier-Daret, accroissant dès lors les risques d'erreurs liés à ses difficultés de concentration, ses problèmes relationnels et la chute de sa satisfaction professionnelle. Sans compter l'impact sur sa vie privée. "C'est le cercle vicieux, les risques sont majorés pour le soignant et les patients". Dans le meilleur des cas, le soignant peut mettre en place une médecine défensive avec multiplication des examens et vérifications à outrance "stratégie productrice de surcoûts". Dans le pire, il peut aussi se désinvestir, s'absenter, pratiquer l'automédication, rechercher une réorientation professionnelle ou une retraite anticipée. Ou se suicider.   Les femmes plus fragiles   "Les facteurs de risques peuvent être majorés si le soignant s'identifie à un patient – même âge, même profil – s'il est déjà en burn out, s'il est une femme puisque ces dernières sont plus sujettes à l'épuisement professionnel que les hommes. Il y a également danger si le soignant est peu expérimenté ou au contraire âgé, s'il a un faible environnement familial, si des poursuites juridiques ont été lancées, s'il y a eu faute professionnelle et s'il y a décès du patient", liste Ségolène Arzalier-Daret. Si les femmes sont plus fragiles, a-t-il été expliqué au colloque de SPS, c'est que pour la plupart d'entre elles, elles ont aussi à gérer l'organisation de leur vie familiale. Dès lors, que faire pour aider ce soignant en souffrance ? Lui proposer dans les 24 heures, très vite, un accompagnement structuré. "Il faut qu'il puisse en parler, à ses collègues, à la famille, à des proches. Mais dans l'immédiat, un débriefing à chaud auprès d'un pair, d'un supérieur hiérarchique, d'un médecin du travail ou d'un psychologue s'il y en a un doit être organisé. Ils l'écouteront, et il pourra verbaliser son ressenti".   Esprit d"équipe   A court terme, le praticien pourrait se voir proposer des congés, une réorganisation de l'activité. Il faudra aussi penser à lui dégager du temps pour qu'il puisse rédiger le rapport d'EIG. Une personne ressource devrait l'aider dans ce cheminement, à moyen terme. Il faut aussi tout faire pour conserver l'esprit d'équipe, important pour le long terme. En matière de prévention, la spécialiste caennaise estime qu'il faut aborder le sujet avec les équipes, "pour banaliser la faillibilité. Il faut faire connaître ce phénomène. Et il faut cultiver l'esprit d'équipe". Hélas, encore théorique, ce modèle pensé par le Dr Max André Doppia, du CFAR, médecin anesthésiste récemment disparu, n'est pas encore en vigueur. "Mais on y travaille", espère le Dr Arzalier-Daret. 

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