Covid long : une piste pour un test diagnostic biologique

05/05/2023 Par Marielle Ammouche
Infectiologie
Un mécanisme vient peut-être d’être mis en évidence pour expliquer le phénomène de Covid long, qui est fréquent (entre 10 et 30 % des personnes infectées par le Sars-CoV-2 concernées, selon les études) et source encore actuellement de nombreuses questions et difficultés, que ce soit diagnostiques ou thérapeutiques. Des chercheurs français (Inserm et Université Paris Cité, en collaboration avec l’université de Minho à Braga au Portugal) ont, en effet, montré que la présence persistante du virus dans les muqueuses de l’organisme entrainait des anomalies biologiques du système immunitaire qui pourraient expliquer les symptômes de Covid long.

  Les auteurs se sont focalisés sur les cellules immunitaires. Pour étudier leur évolution au cours de l’infection et du Covid long, ils ont fait appel à 164 sujets : 127 participants avaient eu l’infection, dont la moitié étaient diagnostiqués Covid long ; les 37 autres étaient des sujets contrôles. Les scientifiques ont alors identifié un certain nombre de marqueurs sanguins qui étaient présents six mois après l’infection chez 70 à 80 % des personnes présentant un Covid long, mais rarement chez les autres. Les patients Covid long avaient ainsi un excès de lymphocytes CD8 exprimant le granzyme A (une protéine inflammatoire), et moins de CD8 exprimant l’intégrine b7 (des lymphocytes qui participent au contrôle des virus dans les muqueuses). En outre, le Covid long était associé à un excès d’anticorps IgA spécifiques. "Ces observations suggèrent la persistance du virus dans l’organisme et notamment dans les muqueuses", commente l’Inserm dans un communiqué accompagnant la parution de l’étude. L’hypothèse des chercheurs est que le Sars-CoV-2 pourrait se calfeutrer au niveau de la muqueuse intestinale car celle-ci est plus « permissive » sur le plan immunitaire que le reste de l’organisme, dans la mesure où elle doit tolérer la flore bactérienne. D’autres virus comme le VIH utilisent cette stratégie d’échappement. Initialement présent au niveau des muqueuses pulmonaires, le Sars-Cov-2 pourrait donc descendre au niveau intestinal et y persister sans que le système immunitaire ne parvienne à l’éliminer tout à fait. Autre marqueur, les chercheurs ont trouvé une association entre des taux très élevés d’interféron IP-10 ou d’interleukine IL-6 (marqueurs inflammatoires) au cours de la phase aiguë de l’infection, et le risque de développer un Covid long. "Cela confirme des observations cliniques selon lesquelles la sévérité initiale du Covid est associée à un risque plus élevé de développer un Covid long", précisent les chercheurs. "Une des hypothèses est que des personnes qui présentent précocement une immunodéficience plus exacerbée développent des formes initiales plus graves de la Covid-19 et ne parviennent pas à éliminer efficacement le virus qui passe dans les muqueuses intestinales, où il s’installe durablement. Le système immunitaire finit en quelque sorte par le tolérer au prix d’une persistance des symptômes d’intensité et de nature variables", explique Jérôme Estaquier. Les chercheurs espèrent dorénavant de nouvelles études, plus larges, pour voir si certains de ces marqueurs - dosage d’IgA à distance de la phase aiguë et éventuellement de cellules CD8 b7 - pourraient servir d’outil diagnostic d’un Covid long, et même, dans un second temps, de cibles thérapeutiques.

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