Apnée du sommeil : un dépistage à renforcer… dès l’enfance

04/04/2023 Par Muriel Pulicani
Pneumologie
Bien qu’il concerne au moins trois millions de personnes en France, le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (Sahos) reste mal connu et sous-diagnostiqué. Il peut toucher les enfants, nécessitant un dépistage et une prise en charge précoces.

  Apnées du sommeil "4 à 5% de la population feraient de l’apnée du sommeil mais ce serait plutôt 35 à 40% à partir de 40 ans. Or un diagnostic de syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (Sahos) modéré à cet âge, c’est dix ans d’espérance de vie en bonne santé en moins", a lancé le Dr Marc Sapène, pneumo-allergologue au pôle d’exploration des apnées du sommeil de Bordeaux et président de l’association Alliance apnées du sommeil, lors des premières rencontres organisées sur le sujet le 24 mars à Paris. Les facteurs de risque de cette maladie respiratoire sont le surpoids (70% des patients), les anomalies maxillo-faciales, une obstruction nasale permanente et le vieillissement. Après la ménopause, les femmes sont autant touchées que les hommes. "Cette maladie a souvent commencé très tôt et est une conséquence de la perte de la respiration nasale dans la petite enfance", a expliqué le Dr Sapène.   Les allergies comme facteur de risque Le phénomène est alors provoqué par les allergies. "Une personne sur quatre présente des allergies respiratoires et une sur trois, une rhinite allergique. 4,1 millions de personnes souffrent d’asthme, d’origine allergique, chez 80% des enfants", a chiffré Christine Rolland, directrice de l’association Asthme et allergies. La congestion nasale amène le jeune patient à respirer par la bouche. "La croissance de la face est perturbée, les problèmes ORL fréquents (sinusite, otite, angine)", a décrit la Dre Krystel Albert-Manguer, chirurgienne-dentiste pédiatrique à Bordeaux. Outre la fatigue chronique, le manque de sommeil engendre des problèmes cognitifs (concentration, mémorisation) et comportementaux (hyperactivité, irritabilité…).   Une maladie guérissable chez l’enfant "Pendant l’enfance et l’adolescence, il est possible de guérir la maladie", a souligné le Pr Jean-Louis Pépin, pneumologue au CHU de Grenoble. D’où l’intérêt de dépister au plus vite les enfants concernés, qui présentent notamment "des yeux cernés, un visage allongé, des dents irrégulières, des amygdales enflées", selon le Dr Albert-Manguer. Le médecin généraliste doit inviter les parents à observer le sommeil de leur enfant. La bouche ouverte, la tête en arrière, une respiration forte, des ronflements, une agitation, des réveils fréquents, une sudation, sont les symptômes d’un sommeil non réparateur. La prise en charge, pluridisciplinaire, peut inclure une rééducation de la respiration, de la déglutition (arrêt de la tétine à un an et demi et du biberon avant deux ans) et de la mastication (alimentation non transformée). Contre les allergies, le médecin peut initier une désensibilisation et des mesures de prévention de l’exposition aux acariens, aux moisissures, au tabagisme... "Les circuits neuronaux de l’enfant ayant été programmés pour respirer par la bouche, un kinésithérapeuthe doit lui réapprendre à respirer par le nez", a ajouté le Dr Sapène. Le traitement par pression positive continue (PPC) peut être indiqué chez les plus jeunes. Il s’agit alors de soigner les apnées existantes ou d’empêcher leur survenue à 40-50 ans. "Ce n’est pas un traitement à vie mais un traitement de quelques mois suivi d’un bilan", a précisé le Dr Sapène.   Une prise en charge palliative chez l’adulte Chez l’adulte, le traitement sera palliatif. La PPC reste le gold standard, malgré une observance insuffisante : près de la moitié des patients arrête le traitement à trois ans. Les applis mobiles de coaching permettent une "amélioration de la compliance de près d’une heure par nuit", selon Pierre-Charles Neuzeret, CEO et directeur des affaires médicales de la société Precisis. L’observance est également supérieure avec les orthèses d’avancée mandibulaire, passant de 6 à 7 heures d’utilisation par nuit contre 4 à 6 heures dans la PPC, pour une efficacité légèrement inférieure. "Le patient doit être associé au choix du traitement", a insisté le Pr Pépin. Des médicaments sont à l’étude mais offrent "des résultats peu probants pour l’heure", selon Pierre-Charles Neuzeret. Deux molécules, le solriamfétol et le pitolisant, sont disponibles pour les patients sous PPC mais souffrant d’une somnolence diurne excessive. "Le Sahos n’est pas une maladie du médicament", a résumé le Dr Sapène. Sa prise en charge passe par l’éducation thérapeutique et l’hygiène de vie : perte de poids, activité physique, suppression de l’alcool, du tabac, des benzodiazépines. Elle repose sur une "médecine intégrative" faisant appel à la thérapie cognitivo-comportementale, la musicothérapie, le yoga, la sophrologie ou encore l’hypnose. "Ces techniques donnent des résultats exceptionnels qui seront bientôt publiés", a annoncé le Dr Sapène.

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