Les ministres de la Recherche et de l'Enseignement supérieur ont saisi le Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires (Covars) concernant l’évaluation de la technologie de l’ARNm en tant que « stratégie de rupture » changeant le paysage des approches vaccinales et sur l’estimation de l’importance pour la France de disposer de plateformes technologiques dédiées et d’investir dans ce domaine. « En accord avec les ministres, le Covars a focalisé son avis sur la prévention des agents infectieux susceptibles d'induire de véritables risques sanitaires de santé publique », a introduit la Pre Brigitte Autran, immunologue et présidente du Covars. La spécialiste a rappelé que les vaccins à ARNm étaient le résultat d’une R&D datant de plus de 50 ans dont les visées avaient été d’abord thérapeutiques avant d’être vaccinales. Concernant la prévention d'infections à coronavirus, les premiers travaux sur les ARNm ont démarré avec l’émergence du Sras en 2003 conduisant à l’observation de 8 000 cas. Pour le Pr Bruno Lina, virologue (CHU de Lyon HCL - GH Nord-Hôpital de la Croix Rousse) : « La capacité de réponse a ainsi pu être extrêmement rapide avec l’élaboration d'un vaccin contre le Sars-CoV-2 moins d'un an après l'émergence du virus. La vaccination a fait chuter la mortalité de 70% et contribué à l’immunité collective. Les rappels avec les vaccins bivalents (souche de Wuhan et variants) ont amélioré l’immunité alors que le taux d’anticorps mesurables à six mois baissait (voire quatre mois chez les plus fragiles) après une primo-vaccination. Nous avons d’autre part observé que les vaccins hétérologues (ARNm et autres technologies vaccinales) avaient un intérêt en termes de protection ». Du point de vue des effets secondaires, le médecin a souligné que « leurs formes sévères étaient assez rares », précisant qu’ils pouvaient être regroupés en quatre types : des réactogénicités au site d’injection potentiellement liées au liquide véhiculant l'ARNm ; des réactions allergiques locales parfois importantes pouvant être maîtrisées par une injection de corticoïdes ; des cas de myocardites et de péricardites avec un effet dose possible (incidence de 1 cas / 10 5 personnes) et enfin parfois un dérèglement du cycle hormonal qui revenait à la normale après 2 à 3 mois. Pour le virologue : « Il est légitime de se poser la question de l’avenir de ces nouveaux vaccins utilisés de façon abondante et pour lesquels maintenant nous avons un très haut niveau d'information aussi bien sur l'efficacité que sur la tolérance ». Selon le Dr Roger Le Grand, vétérinaire : « La prédominance des vaccins à ARNm est liée d’une part à des investissements massifs, venant des États-Unis et de l’Allemagne notamment, pour adapter ces technologies à la situation de crise, et d’autre part à la capacité d’ingénierie de cette technologie les rendant adaptables à une nouvelle situation. Ils sont relativement faciles et rapides à produire car totalement synthétiques et permettent une production en masse pour des campagnes importantes de vaccination ». Pour le spécialiste, l’ARNm présente des atouts technologiques malgré des limites connues : sensibilité à la chaîne du froid, incertitudes sur les effets immunogènes en fonction des doses, réponse immunologique de la fenêtre thérapeutique restreinte, encapsulation limitée (vingt valences pourraient être possibles selon des études en cours chez l’animal), coût de production élevé. « Il est nécessaire de poursuivre l’investissement et l’innovation. Les avantages de l’ARNm sont certains mais il faut une diversité d’approches », poursuit-il. Au-delà du Covid : plusieurs débouchés en cours d’étude Pour le Pr Xavier de Lamballerie, virologue (Marseille): « Il est rare, en matière de vaccination, qu'une méthodologie remplace les précédentes. Chacune trouve plutôt son meilleur créneau. Ainsi, je ne pense pas que celle de l’ARNm remplace celle des vaccins actuels, mais elle peut dans certains cas s’y substituer... ou permettre de concevoir de nouveaux vaccins. Les sociétés élaborant les vaccins à ARNm tentent de s'installer sur le marché des vaccins existants ce qui aura une influence sur le développement de cette méthodologie et sur son coût. L’ARNm est particulièrement bien adapté pour produire rapidement des vaccins en cas d’émergences de virus ». De nombreux projets de vaccins à ARNm sont actuellement en cours. Certains sont en phase III comme ceux contre le virus de la grippe saisonnière, contre le cytomégalovirus, contre la grippe aviaire, contre le VRS ou encore contre une combinaison influenza / Sars-CoV-2 / VRS. Un vaccin contre le virus Zika est en phase II tandis que figurent en phase I, des vaccins contre les virus du chikungunya, de la rage, du VIH, du paludisme, de la varicelle et d’Epstein-Barr. Enfin, d’autres vaccins au stade préclinique, ciblent notamment les virus Lassa, de la dengue, d’Ebola et de Monkeypox. « Nous voyons une efflorescence de tentatives. Ces vaccins devront prouver leur supériorité ou leur non infériorité par rapport aux vaccins en place ou leur avantage clinique et leur sécurité dans le cas de nouveaux vaccins. Chacun sera étudié au cas par cas. Il est probable que cette méthodologie ne détrône pas certains vaccins comme ceux de la fièvre jaune, de la rougeole, de la rubéole ou des oreillons qui, après une injection, donnent une immunité très importante. Cette méthodologie va essayer de mettre en place des solutions d'immunisation pour un très grand nombre de cibles virales pour lesquelles nous n'avons pas encore de solution », poursuit le médecin. « Les vaccins contre la grippe saisonnière font actuellement l’objet de travaux importants et pourraient être évalués avec des tests de non infériorité », complète le Pr Bruno Lina qui poursuit : « D’autre part, il est intéressant de surveiller l’évolution des vaccins combinés mais il faut se poser la question de savoir si les personnes destinées à recevoir ces vaccins en ont vraiment un intérêt au titre de la santé publique et s’assurer que cette immunisation intervienne au moment de la circulation des différents virus. C'est un champ de recherche important combinant à la fois santé publique et biologie ». Pour le Pr Brigitte Autran, la technologie à ARNm ne répond pas encore à toutes les questions posées aujourd’hui. « Il nous paraît essentiel que la France devienne un acteur significatif dans le domaine de la R&D des vaccins à ARNm qui, dans le futur, représenteront une stratégie vaccinale importante. Elle doit reconquérir une position en investissant dans la recherche, le recrutement de chercheurs, le développement de laboratoires de recherche. L'essor de sociétés de biotechnologies est à favoriser et les capacités de production nationales doivent s’accroître. Des essais cliniques de grande ampleur doivent être facilités pour évaluer l’efficacité de ces vaccins », poursuit la présidente du Covars qui conclue : "Notre conseil est de créer une task force française sur le développement des vaccins à ARNm en combinant les efforts et les avancées des domaines vétérinaire et humain".
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus