Constipation : les laxatifs à la lumière de l’evidence based medicine

16/04/2022 Par Brigitte Blond
Hépato-gastro-entérologie
De nombreuses idées reçues persistent concernant la définition et les traitements de la constipation.
 

La constipation est caractérisée par des défécations non ou insuffisamment satisfaisantes associées ou non à des difficultés d’exonération, se prolongeant sur 3 à 6 mois (pour juger de la chronicité). Sa prévalence est élevée (14 %) et plus encore chez les femmes, l’altération de qualité de vie est conséquente, à la hauteur d’un diabète ou d’une BPCO. "Première idée fausse avancée par Flaubert, rapporte le Pr Benoît Coffin (Université Paris Cité, Hôpital Louis Mourier à Colombes), lors d’une session des Journées Francophones d’Hépato-Gastroentérologie et Oncologie Digestive (JFHOD, 17 au 20 mars 2022, Paris) : tous les gens de lettres sont constipés… et la constipation influe sur les convictions politiques. On est loin de l’EBM !".   Définition consensuelle La définition est fondée sur les critères de Rome IV, assortis de l’échelle de Bristol (visuelle, sur les 7 types, forme et consistance des selles). Deux ou plus des signes suivants doivent être présents dans les 3 derniers mois : efforts de poussées plus d’une fois sur 4, scybales ou selles dures (Bristol 1 ou 2) plus d’une fois sur 4, sensation d’évacuation rectale incomplète, d’obstruction une fois sur 4, manœuvres manuelles requises pour faciliter l’expulsion, moins de 3 évacuations spontanées par semaine (Mearin F et al, Gastroenterology, 2016). L’analyse des symptômes (dont l’échelle de Bristol) suffit habituellement pour distinguer constipation de transit ou distale (au toucher rectal dynamique avec effort de poussée). Les explorations fonctionnelles permettent de faire la part des différentes constipations quand elles sont sévères et/ou rebelles au traitement médical : mesure du temps de transit colique pour la constipation de transit, test d’expulsion du
ballonnet et manométrie anorectale pour la constipation distale.   Activité physique, apports hydriques et fibres Première idée reçue, battue en brèche par toutes les études : l’activité physique diminue le temps de transit colique. "La constipation et la diminution de l’activité physique sont en réalité liées pour les patients
alités uniquement ; il n’existe définitivement pas de corrélation entre l’activité physique et la fréquence des selles"
, insiste le Pr Coffin. Oui donc à l’activité physique… pour combattre la sédentarité. Les apports hydriques ? Aucune relation n’a été retrouvée entre la fréquence des selles et la quantité d’eau ingérée. On doit plutôt jouer sur la qualité de cette eau, les eaux riches en magnésium, à raison de 0,5 à 1 l par jour, améliorent le transit de patients souffrant d’une constipation légère à modérée (2 à 4 selles par semaine). Manger des pruneaux ? Ces derniers seraient aussi efficaces que le psyllium, comme d’ailleurs les extraits de kiwi et les pâtes de figues (est-ce l’effet sorbitol ? l’effet fibres ?), et peuvent être proposés en cas de constipation légère à modérée là encore. En ce qui concerne les fibres, solubles (pour éviter les productions gazeuses), impossible de conclure… La littérature, pauvre, met en évidence un discret effet positif pour les mucilages à une dose supérieure à 15 g par jour.   Déficit d’évaluations
  Osmotiques (sucrés ou salés -macrogols-), lubrifiants, stimulants ou par voie basse, peu de laxatifs ont été évalués correctement et sur des durées excédant 12 semaines, ce qui est problématique pour une pathologie par définition chronique. Mention particulière cependant, en raison d’études positives, pour certains médicaments anciens comme les macrogols (PEG), de première intention, les laxatifs stimulants comme le bisacodyl, ou les anthraquinones. Parmi les médicaments plus récents, on peut citer le prucalopride et le linaclotide. Les lavements, considérés comme un traitement de sauvetage, ou les suppositoires, proposés pour les constipations distales, n’ont fait l’objet d’aucune étude randomisée. Pas de preuve d’efficacité non plus pour les associations (pourtant logiques) de molécules à mode d’action différent sur des constipations “difficiles“, type mucilage+macrogol ou laxatif osmotique+colokinétique.   Légendes laxatives Autre légende, celle qui veut que les laxatifs stimulants soient irritants (bisacodyl ou séné) : ils provoqueraient une atteinte des plexus nerveux coliques. Or c’est l’inverse qui est probable, car au moins la moitié des patients dont la constipation est sévère ont effectivement une atteinte de ces plexus… La prise chronique de laxatifs favoriserait le cancer colique ? il n’en est rien. La prise chronique n’entraîne pas de troubles hydro-électrolytiques (ionogramme et fonction rénale). Le Pr Coffin prévient par ailleurs : "Gare à un mésusage des laxatifs de patients non “éduqués“ pour qui les selles liquides sont le Graal… ". C’est pourquoi, la constipation étant chronique, et les patients naturellement insatisfaits au long terme, il est conseillé de fixer des objectifs thérapeutiques, soit une selle ou 2 par jour de consistance normale et d’évacuation facile, le traitement devant être adapté par le patient en fonction de leur consistance et fréquence, en sachant les délais d’action respectifs (24-48 heures pour les fibres et macrogols et 12 h pour bisacodyl par exemple).


Radiofréquence sur maladie hémorroïdaire
Le traitement chirurgical mini-invasif de la maladie hémorroïdaire par radiofréquence est largement plébiscité par les patients selon une évaluation prospective multicentrique française. Si la pathologie hémorroïdaire est bénigne, son traitement de référence, l’hémorroïdectomie, laisse des traces durables en raison des suites opératoires “difficiles“. La chirurgie par radiofréquence (Rafaelo) est une alternative pour la destruction du tissu hémorroïdaire interne d’une maladie de grade 2 ou 3 qui peut être réalisée sous anesthésie générale ou rachianesthésie. A 3 mois, la médiane du score de qualité de vie était très significativement améliorée, et le restait à 6 mois et 1 an, comme le taux de patients rapportant des saignements, un prolapsus et une gêne anale. Les douleurs post-opératoires étaient jugées peu importantes
(1,7/10 à S1, 0,4 sur 10 à S2). D’après la communication du Dr Anne Laurain (Hôpital Cochin à Paris)

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Michel Lemariey-Barraud

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La vraie question est de savoir si on veut assurer correctement les usagers, ou asservir durablement les médecins. La CNAM, organi... Lire plus

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