Pr Haitham Mirghani*, service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, Hôpital européen George Pompidou, Paris Egora-le Panorama du Médecin : Quelle est la part de responsabilité du virus HPV dans les cancers ORL ? Pr Haitham Mirghani : Les cancers oropharyngés HPV induits se développent beaucoup dans les pays occidentaux mais cette étiologie reste encore peu connue, ce qui est à l’origine d’un gros retard diagnostic. Sur les dix dernières années, l’infection à HPV est devenue l’étiologie principale des carcinomes de l’oropharynx (52,6 %) devant les intoxications alcooliques et/ou tabagiques. L’HPV 16 est à lui seul responsable de 85% des cancers ORL HPV induits. Ces cancers ont dépassé, dans certains pays comme le Danemark, en termes d’incidence, les cancers du col (Zamani et al, EJC, 2020) alors qu’il y a 10 ans, ils étaient inconnus. On estime que le nombre de cas va augmenter d’un tiers dans les 10 prochaines années. Ce type de cancer est principalement observé chez les individus de plus de 65 ans et est clairement lié aux pratiques sexuelles. Les personnes de plus 65 ans ont connu la révolution sexuelle et les cohortes plus jeunes, l’épidémie de VIH d’où des modifications dans les comportements sexuels. Comment dépister les patients qui ont un cancer ORL HPV induit ? Il faut savoir que les infections à HPV sont très fréquentes. 80% de la population a déjà rencontré ce virus au cours de sa vie. Le plus souvent, le système immunitaire s’en débarrasse sans séquelle. Cependant, les infections chroniques peuvent conduire à des cancers. L’histoire naturelle de l’HPV dans les cancers ORL n’est pas aussi bien établie que dans les cancers du col où on connaît bien les séquences chronologiques de dysplasies jusqu’au cancer. Dans les cancers ORL, cela semble plus complexe. Le virus va s’installer dans les tissus lymphoïdes et c’est pourquoi ce sont principalement et quasi exclusivement l’amygdale et la base de langue riche en tissu lymphoïde qui sont touchées. Les patients consultent car ils ont une tuméfaction dans le cou qu’on peut parfois prendre pour un kyste mais en fait il s’agit d’une métastase ganglionnaire kystisée. Le profil est à l’opposé du patient tabagique très symptomatique avec altération de l’état général qui consulte pour une dysphagie. Dans le cas de l’HPV, le plus souvent, il s’agit de petites tumeurs avec quasiment aucun symptôme. Le profil type est un homme en bon état général, avec un bon niveau socio-économique, qui consulte pour persistance d’une gêne pharyngée. La moitié d’entre eux sont non fumeurs. Il est vraiment important de casser les stéréotypes du profil type du patient tabagique en mauvais état général. Malheureusement, on observe une errance diagnostique. Les médecins traitants n’y pensent pas forcément. Pourtant ce cancer a un excellent pronostic avec des survies de l’ordre de 85%, d’où l’importance d’une orientation rapide vers un ORL. Le traitement est-il différent par rapport aux cancers liés au tabac ?
Actuellement, la prise en charge est similaire. Cependant, les pronostics des cancers HPV positifs et HPV négatifs sont à l’opposé, c’est pourquoi une nouvelle classification TNM a été créé pour les différencier.
L’enjeu est de traiter de façon moins agressive ces cancers d’excellent pronostic pour diminuer les séquelles. Des études sont en cours pour évaluer une désescalade thérapeutique en cas de positivité du HPV. Comment prévenir les cancers ORL HPV induits ?
Il existe un vaccin très efficace contre le HPV reconnu dans la prévention du cancer du col de l’utérus. Il est remboursé en France chez les filles depuis 2007, et chez les garçons depuis décembre 2020. Actuellement de nombreuses études tendent à prouver que la vaccination est efficace également dans la prévention des cancers ORL. Mais seuls les Etats Unis ont donné l’AMM à ce vaccin contre les cancers
ORL. Concernant le dépistage précoce des lésions précancéreuses, on sait comment faire au niveau du col de l’utérus avec la recherche de l’HPV et d’anomalies cytologiques. Au niveau de l’oropharynx, la zone à explorer est large et difficile à prélever. Le virus a un tropisme épithélial, au fond des cryptes difficile d’accès. On estime à 1% la prévalence de HPV16 dans la sphère ORL dans la population générale, mais la détection de la présence de virus ne signifie pas un cancer. La persistance au long cours du virus associée à la recherche de la charge virale sanguine pourraient permettre de dépister les cancers HPV induits. Ainsi le dépistage est réalisable, cependant il pose de nombreuses questions car il s’agit d’une maladie rare. *Le Pr Haitham Mirghani déclare n’a pas fourni de déclaration de lien d’intérêts
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus