Gonarthrose : pourquoi ne pas essayer la Tens ?

23/07/2021 Par Corinne Tutin
Rhumatologie

Une étude française révèle que la stimulation électrique nerveuse transcutanée a une efficacité antalgique plus forte que les opioïdes faibles dans le traitement des douleurs chroniques de la gonarthrose. Le point avec le Dr Emmanuel Maheu, rhumatologue libéral et praticien attaché à l’hôpital Saint-Antoine de Paris, et premier auteur de cette étude, à l’occasion du Congrès de l'Alliance européenne des associations pour la rhumatologie (Eular), qui s’est déroulé du 2 au 5 juin 2021.
  Les options thérapeutiques sont limitées dans la gonarthrose. Au vu d’une étude multicentrique, prospective, randomisée, contrôlée, en non-infériorité menée en simple aveugle contre traitement opioïde faible chez 110 patients de 55 ans et plus, des rhumatologues, rééducateurs et algologues français proposent de recourir à un dispositif portable de stimulation électrique nerveuse transcutanée ou Tens (Transcutaneous electrical nerve stimulation). Cinquante-cinq patients ayant une gonarthrose symptomatique avec douleur chronique nociceptive de plus de 3 mois, d’intensité égale ou supérieure à 4 sur une échelle numérique 0-10 (EN) et une gonarthrose radiologique à un stade 2 ou plus de Kellgren-Lawrence ont utilisé un dispositif de Tens portable déjà employé pour traiter les lombalgies, l’actiTENS, de la société française Sublimed**. Les patients plaçaient les 4 électrodes d’actiTENS (comme indiqué sur figure 1), 2 au-dessus du genou sur le bas du quadriceps de façon à délivrer des stimulations électriques haute fréquence (gate control mode pour couper les afférences douloureuses vers le cerveau) et 2 électrodes basse fréquence (contrôle morphinique) sur le trajet du nerf infrapatellaire, une branche du nerf saphène qui innerve l’articulation du genou. La commande et le réglage des stimulations électriques se faisaient, selon le libre arbitre des patients, grâce à une application installée sur leur smartphone. L’autre groupe de 55 patients recevait des opioïdes faibles : tramadol immédiat ou à libération prolongée, dihydrocodéine, paracétamol associé à la codéine, au tramadol ou à la poudre d’opium, à doses adaptées et modifiables. « Les caractéristiques des malades : douleur avec un score autour de 6 sur l’échelle de douleur allant de 0 à 10, score de gêne fonctionnelle autour de 32 sur l’échelle Womac fonction correspondent à celles rencontrées habituellement dans les essais sur la gonarthrose », a expliqué le Dr Emmanuel Maheu, rhumatologue libéral et praticien attaché à l’hôpital Saint-Antoine de Paris, et premier auteur de cette étude.
Après 3 mois de traitement, la Tens a démontré sa non infériorité sur le traitement médical aussi bien en analyse en intention de traiter qu’en analyse per-protocole (différence entre groupes inférieure au seuil de 0,825 point préfixé, comme borne de non-infériorité sur une échelle numérique de douleur 0-10 ; un point sur une EN représente la différence de douleur cliniquement perceptible pour le patient) ). La borne inférieure de l’intervalle de confiance de la différence intergroupe étant inférieure à 0,825, la non infériorité a pu être affirmée. « L’analyse de supériorité (initialement prévue) et autorisée secondairement a même montré que l’amélioration antalgique sous ActiTENS était cliniquement et statistiquement supérieure avec le dispositif de stimulation : diminution de 2 points environ sur l’échelle de douleur contre moins d’un point sous opioïdes », s’est félicité le Dr Maheu. Sous Tens, le score Womac global (38,4 contre 42,9, p = 0,01), et les scores Womac de raideur articulaire et fonctionnel étaient significativement meilleurs à 3 mois que sous traitement par opioïdes faibles. Le pourcentage de patients considérés comme répondeurs (plus de 30 % de réduction de la douleur) était aussi nettement plus élevé dans le groupe ActiTENS : 56,4 % contre 18,2 % sous opioïdes faibles ; les pourcentages de patients améliorés de 50% ou plus de leur douleur étaient respectivement 34,5% vs 9.1%, p = 0,0012. « A ces résultats encourageants sur le plan de l’efficacité, s’ajoutent de très bons résultats en termes de tolérance avec un rapport bénéfices-risques en faveur de l’électrostimulation transcutanée », a insisté le Dr Maheu. Seulement, 7 patients ont en effet développé des effets indésirables après stimulation, tous locaux, tels que sensations désagréables à type de brûlures, paresthésies, alors que 36 malades ont eu des effets secondaires, de nature systémique, sous traitement opioïde (effets classiques à type de vertiges, nausées, constipation, confusion… p < 0,0001).  Dans le groupe Tens, 39 des 55 patients (70,9 %) ont désiré poursuivre la stimulation au-delà des 3 mois pour 3 mois supplémentaires et un seul malade a arrêté la TENS entre 3 et 6 mois. Pour le Dr Maheu, « ce dispositif de Tens portable (ActiTENS), qui est facile à utiliser même chez les sujets âgés, pourrait donc représenter une de la gonarthrose ». « Elle pourrait éviter d’avoir à recourir à des médicaments aux effets potentiellement iatrogènes, comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les opioïdes faibles, qui sont souvent difficiles à manier chez les patients les plus âgés ». 

Positionnement standardisé des 4 électrodes d’ActiTENS dans l’essai clinique

  *Le Dr Maheu déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour l’entreprise  Sublimed.
** Sublimed est la société fabricant et commercialisant l’actiTENS, TENS portable. Elle est basée à Moirans (38)

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