La Nash, facteur aggravant du Covid… et inversement

24/03/2021 Par Brigitte Blond
Infectiologie
En ce temps de pandémie, les hépatologues ont le sentiment que les patients ayant une maladie hépatique ont été oubliés. Ceux-ci sont pourtant plus susceptibles de formes graves de Covid en raison de leurs comorbidités. Par ailleurs, et ce quelle que soit la cause de l’atteinte hépatique, l’épidémie a bouleversé la prise en charge des patients. État des lieux dans le cadre de la 14è édition du Congrès Paris Hepatology Conference*.

  Alors que l’on vient de fêter les 40 ans de la vaccination contre le virus de l’hépatite B, les premiers états généraux de l’hépatite B ont élaboré 40 propositions pour que les personnes infectées par le VHB puissent être effectivement prises en charge : sur les 135 000 personnes concernées, à peine la moitié sont dépistées et 27 000 bénéficient d’une ALD… « Si la première attente des malades est le dépistage, - à l’initiative du médecin de famille actuellement, et demain par des Test Rapide d'Orientation Diagnostique (Trod) VHB - , ils demandent à être informés pour prendre en mains leur destin hépatique », rapporte le Dr Pascal Melin, hépatologue au Centre hospitalier de Saint-Dizier et fondateur de SOS Hépatites. La grande majorité espèrent de leur médecin traitant, qui doit donc être formé, les clés pour un foie en meilleure santé.   Covid et Nash : liaisons dangereuses « S’agissant plus spécifiquement des liens entre Covid et maladies du foie, les stéatopathie non alcoolique (non alcoholic fatty liver disease ou NAFLD, ou « foie gras »), les cirrhoses liées à l’alcool et le cancer du foie sont les plus mortifères », observe le Dr Melin. Le taux de mortalité d’une cirrhose, plus volontiers décompensée en cas de Covid, est alors multiplié par 2 à 5. L’association âge/obésité/hypertension artérielle reste le « tiercé perdant » pour le pronostic de cette infection, à l’image d’une stéatohépatite non alcoolique (Non-Alcoholic SteatoHepatitis, Nash) ; ce qui pose la question de la définition de la fragilité et donc de l’accès préférentiel à la vaccination. « Les patients Nash, insiste le Pr Laurent Castera, hépatologue à l’hôpital Beaujon (Clichy), ont trois fois plus de risque de faire une forme sévère de Covid.

Autre conséquence de la crise sanitaire, le dépistage des infections à VHC a chuté plus qu’attendu et les patients cirrhotiques qui normalement auraient dû se soumettre à un dépistage du cancer du foie par une échographie tous les 6 mois ont pâti des confinements et déprogrammations… ce qui pourrait se traduire par 10 000 décès supplémentaires en Europe occidentale, liés à ces pertes de chance en 2020.   Dépistage perfectible En France, 10 millions d’adultes ont une NAFLD, un million une Nash, 100 000 une cirrhose et 3 000 développent un cancer chaque année. Ces patients, le plus souvent asymptomatiques, sont peu souvent explorés, à peine 10 % d’entre eux. Ils doivent pourtant être repérés et un dépistage proposé sur certains facteurs de risque...

 le diabète de type 2, l’obésité, l’HTA et/ou la dyslipidémie, et l’âge au-delà de 40 ans, augmentant le risque. En outre, les patients Nash meurent davantage de complications cardiovasculaires (autour de 40 %) que de complications hépatiques (8 à 9 %). Il convient ensuite d’identifier les formes sévères de fibrose (F3-4) sur le Fib-4 (âge/plaquettes/transaminases) qui, si ce score est inférieur à 1,3, est rassurant. A plus de 1,3 (20 à 30 % des patients), un fibroscan - qui teste l’élasticité du foie - est indiqué, avant, éventuellement, une biopsie. Le risque de mortalité liée au foie est multiplié par 11 au stade F4 : les fibroses les plus sévères sont des marqueurs de complications hépatiques, mais aussi cardiovasculaires. Une perte de plus de 10 % du poids du corps permet une résolution de la Nash pour plus de 90 % des patients, ainsi qu’une amélioration de la fibrose, mais seulement 10 % de ces patients atteignent l’objectif, durablement. « Sept molécules sont aujourd’hui en cours d’évaluation, en phase 3, dont le sémaglutide (un agoniste du récepteur GLP-1) ou l’acide obéticholique », signale le Pr Castera.   Alerte sur les hépatites virales en Afrique Enfin, si beaucoup reste à faire en France, la situation en Afrique est particulièrement préoccupante pour le dépistage et les traitements des hépatites virales. Le VHB y est hautement endémique, la prévalence de l’infection atteignant 10 % de la population dans certains pays d’Afrique de l’Ouest (Niger ou Tchad). Les données sont plus parcellaires pour le VHC, mais la prévalence de l’infection est par exemple de 8 % au Burundi ou 5,6 % au Cameroun. « Seule une très faible minorité a accès au dépistage (le coût des tests est un premier obstacle), et donc au traitement, qui concerne à peine 1,5 % des patients », estime le Pr Roger Sombié, gastro-entérologue au CHU Yalgado Ouédraogo (Burkina Faso). Au moins 250 000 personnes en Afrique meurent chaque année des complications d’une hépatite B ou C. Pour l’hépatite B, le ténofovir uniquement est accessible, à un prix certes raisonnable, mais distribué en quantités limitées (en priorité pour les patients VIH), dans des centrales d’achat parfois très loin du domicile, ce qui empêche la bonne observance pour ce traitement qui devrait être pris à vie une fois que l’indication est posée, au risque sinon d’une rechute sévère, voire du décès. La politique vaccinale, et notamment la prévention de la transmission mère-enfant qui se fait lors de l’accouchement dès les premières heures, est largement perfectible. Quant aux anti-VHC, ils sont chers et la gestion des stocks aléatoire.   *du 8 au 10 mars 2021. 

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