Covid long : de premières recommandations de prise en charge

15/02/2021 Par Marielle Ammouche
Infectiologie
De premières recommandations, sous formes de « Réponses rapides » ont été rédigées par la Haute Autorité de Santé pour prendre en charge les patients souffrants de symptômes persistants après une infection Covid-19. Elles sont assorties de 10 fiches techniques qui précisent, pour chacun des 10 principaux symptômes persistants identifiés (fatigue, douleurs thoraciques, anosmie, déconditionnement physique, troubles somatiques fonctionnels…), les explorations cliniques et paracliniques à réaliser ainsi que les éléments de traitement.

Les symptômes du Covid sont multiples, très variables, et pour partie, encore mal connus et mal expliqués sur le plan physiopathologique. De nombreux patients présentent encore des symptômes des semaines voire des mois après le début de l‘infection : ce serait ainsi le cas de la moitié des personnes 4 semaines après le début de la maladie, et encore 10% à 6 mois. Ces symptômes sont difficilement acceptés par les patients car ils sont souvent fluctuants, et ils ne les comprennent pas, ce qui entraine une anxiété importante chez de nombreux patients. En outre, le médecin est souvent démuni face à ces tableaux prolongés de Covid.

C’est pourquoi, à la demande du ministère des Solidarités et de la Santé, et afin d’aider les professionnels de santé de premier recours, la Haute Autorité de Santé (HAS) a mis en place un groupe de travail constitué d’une quinzaine de professionnels de santé et diverses associations de malades, afin de définir la prise en charge optimale qui doit être proposée à ces patients, souvent inquiets. « On a souhaité réagir vite parce que la HAS s'est rendu compte que les patients étaient vraiment en errance diagnostique et que les médecins avaient besoin d'être outillés pour les prendre en charge », a expliqué lors d'une conférence de presse en ligne l'infectiologue Dominique Salmon, présidente du groupe de travail qui a élaboré ces conseils.  Il s'agit « surtout de femmes d'âge jeune (...) et souvent des allergiques », a-t-elle ajouté, sur la base des patients de la cohorte constituée à l'hôpital Hôtel-Dieu (AP-HP) à Paris, suggérant des hypothèses hormonales ou immunitaires pour expliquer ces syndromes persistants.   Une évolution généralement favorable La HAS souligne tout d’abord l’évolution favorable de la majorité de ces Covid longs : « l’état de santé s’améliore de façon progressive, en général en quelques mois ». La première étape de la prise en charge est une identification de ces patients présentant des symptômes prolongés de Covid. Elle repose sur 3 critères : une forme symptomatique de Covid-19 ; la présence, 4 semaines après le début de la maladie, d’un ou plusieurs symptômes initiaux ; l’absence d’un autre diagnostic qui pourrait expliquer ces signes. La première consultation porte sur le récit de l’épisode initial, et l’évaluation de l’état de santé actuel du patient. On recherchera, en outre, l’existence éventuelle de facteurs déclenchants du ou des symptôme(s) persistant(s). Leur impact sur la qualité de vie sera aussi analysé. L’objectif de cette consultation sera, en particulier, de différencier ces symptômes prolongés de l’infection avec une complication qui aurait pu passer inaperçue, ou encore la décompensation d’une morbidité sous-jacente.
  Faire preuve d’empathie Les patients décrivent des symptômes prolongés de nature et d’intensité variés. Il s’agit le plus fréquemment d’une fatigue majeure, d’un essoufflement, de douleurs notamment thoraciques à type d’oppressions, de palpitations, de troubles de la concentration et de la mémoire, de troubles de l’odorat et du goût, ou encore de symptômes cutanés… Ils sont souvent fluctuants dans le temps et entre les individus : ceci est à l‘origine « d’inquiétude et d’interrogations, tant du côté des patients que des cliniciens » souligne la HAS. Cette situation implique donc une part importante d’écoute et d’empathie envers les patients ; il s’agit en particulier de les rassurer, en leur rappelant le caractère temporaire et réversible de ces symptômes, et en leur expliquant qu’il existe des moyens thérapeutiques.   Une prise en charge médicamenteuse, rééducative et psychologique La prise en charge doit être globale et personnalisée. Elle peut faire appel à des traitements symptomatiques, du repos, une réadaptation respiratoire et/ou un réentraînement progressif à l’effort. Pour préciser les choses, la HAS a publié, en complément des « Réponses rapides », 10 fiches techniques précisant les explorations cliniques et paracliniques nécessaires et les éléments de traitement de premier recours pour les principaux symptômes ou atteintes d’organe identifiés : fatigue, dyspnée, douleurs thoraciques, troubles du goût et de l’odorat, douleur, manifestations neurologiques, déconditionnement physique, syndrome d’hyperventilation, troubles somatiques fonctionnels (cardiopulmonaires, gastro-intestinaux, musculosquelettiques ou généraux), et troubles du système nerveux autonomes  (vertiges, sueurs, troubles du rythme, nausées, frissons...). Par exemple, l’autorité sanitaire conseille une réadaptation douce en cas de fatigue prolongée ; de ne prescrire de corticothérapie inhalée, en cas de dyspnée, que s’il existe une maladie respiratoire sous-jacente ou une hyperréactivité bronchique. Et en cas d’anosmie-agueusie, elle préconise des lavages de nez, voire une rééducation olfactive. En cas d’altération physique marquée, un réentrainement à l’effort pourra être nécessaire, réalisé par un kinésithérapeute. De même, une prise en charge psychologique, fondée sur la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), voire psychiatrique, pourra être utile au cas par cas. La HAS souligne, par ailleurs, l’importance de l’implication des patients souffrant de tels symptômes prolongés. Pour les aider, il sera important de leur fournir toute l’information nécessaire pour s’investir dans leur rééducation ou leur réadaptation à l’effort : listes de contacts, sources de conseils fiables (groupes de soutien, associations de patients), sources d’information validées sur la Covid-19, services sociaux... Une bonne hygiène de vie avec pratique d’une activité physique quotidienne, sera aussi conseillée pour tous les patients. En revanche, les régimes alimentaires exclusifs, les vitamines et suppléments en vente libre, sont inutiles, « potentiellement nocifs en automédication », et non recommandés. De même que les approches de médecine alternative (acupuncture, auriculothérapie, ostéopathie...), qui n’ont pas été évaluées dans ce contexte. Enfin, certaines situations peuvent être jugées complexes d’emblée (symptômes sévères, ou qui ne pas s’améliorent pas malgré la mise en place de mesure adaptées). Dans ce cas, la HAS recommande d’orienter les patients vers des organisations territoriales pluridisciplinaires et pluriprofessionnelles en relation avec des médecins expérimentés dans la prise en charge des patients ayant des symptômes prolongés de la Covid-19. Pour mieux connaitres ces symptômes persistants de Covid, il est nécessaire de mener des travaux de recherche complémentaires. La HAS rappelle qu’une action nationale coordonnée de recherche a été créée, de façon à mieux connaitre l’épidémiologie des symptômes prolongés, leurs mécanismes physiopathologiques, leur impact sur la qualité de vie, et les possibilités thérapeutiques.  

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