Cancers : des voies de recherche multiples grâce à l’immunothérapie

27/12/2020 Par Corinne Tutin
Cancérologie
La recherche porte sur le développement de nouveaux inhibiteurs du point de contrôle immunitaire et la vaccino-immunothérapie, notamment avec le vaccin anti-rougeoleux.
 

Si l’on s’intéresse depuis longtemps au rôle de l’immunité en oncologie, l’immunothérapie anticancéreuse a fait d’importants progrès depuis 10 ans avec la découverte des inhibiteurs des points de contrôle du système immunitaire (ou du checkpoint), qui limitent la durée et l’intensité de la réaction immune. L’arrivée d’anticorps ciblant des récepteurs inhibiteurs présents à la surface des lymphocytes T (CTLA-4, PD1) ou leurs ligands (PDL1) a ainsi débouché sur de nettes améliorations thérapeutiques dans le mélanome, le cancer bronchique, le cancer du rein. Une nouvelle classe d’anticorps thérapeutiques, dénommés ICT01, ciblant un autre inhibiteur du point de contrôle, la butyrophiline 3A, a récemment été découverte par le Pr Daniel Olive à l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille, puis développée par la société de biotechnologie marseillaise ImCheck Therapeutics (1). La butyrophiline 3A ou BTN3A est surexprimée dans plusieurs tumeurs solides et hématologiques. En modulant simultanément l’immunité innée et adaptative, les anticorps ICT01 pourraient permettre d’obtenir des bénéfices cliniques supérieurs à ceux de la première génération d’inhibiteurs du point de contrôle immunitaire et permettre de surmonter des résistances à ces agents. Un essai clinique, mené dans plusieurs pays européens dont la France, a été mis en place qui va tester les anticorps ICT01 en monothérapie ou en association au pembrolizumab, un anti-PD1, dans plusieurs variétés de tumeurs solides et hématologiques avancées ayant résisté aux traitements habituels.

  Des vaccins contre le mélanome, le mésothéliome, ou le myélome Un autre axe de développement de l’immunothérapie repose sur l’utilisation de vaccins (vaccino-immunothérapie). Depuis, longtemps, le BCG constitue un traitement des cancers vésicaux. Actuellement, ce sont toutefois plutôt les vaccins viraux qui intéressent les chercheurs. On sait en effet que certains virus dits oncolytiques peuvent induire la mort spécifique des cellules cancéreuses en épargnant les cellules saines. Ce qui va dans le sens d’observations anciennes, qui avait fait état de régressions tumorales après une infection virale. Depuis 2015, un traitement d’immunothérapie oncolytique reposant sur un herpes virus génétiquement modifié, Talimogene laherparepvec, est approuvé dans le mélanome métastatique. Dernièrement, des études entreprises par l’équipe de Marc Grégoire à l’Institut de recherche thérapeutique de l’Université de Nantes ont révélé que le virus atténué du vaccin anti-rougeoleux détruit in vitro 40 à 60 % des cellules du mésothéliome pleural. Une des explications résiderait dans le fait que...

les cellules du cancer de la plèvre surexpriment une protéine dite CD46, faiblement exprimée par les cellules saines. Le virus de la rougeole se fixe sur le récepteur CD46, puis pénètre dans les cellules et s’y multiplie, ce qui induit alors leur mort par apoptose. D’autres travaux de la même équipe ont néanmoins révélé que certaines lignées de mésothéliomes ont une production d’interféron altérée à la suite de délétions du matériel génétique, ce qui réduirait les défenses des cellules tumorales contre l’infection virale (2).  L’équipe nantaise espère pouvoir utiliser prochainement ce vaccin chez des patients atteints de mésothéliome mais aussi de cancer bronchique et de mélanome. Dans le monde, des résultats positifs ont déjà été relevés après utilisation du vaccin anti-rougeoleux. Une régression spectaculaire d’un myélome avancé a, par exemple, été observée après administration systémique de ce vaccin et 19 essais cliniques sont en cours dans des tumeurs variées dont le myélome et le carcinome ovarien (3). Une des difficultés rencontrées est que la plupart des adultes sont déjà immunisés contre la rougeole et possèdent des anticorps neutralisants, qui pourraient empêcher le virus vaccinal de pénétrer jusqu’à la tumeur (4). Cependant, un essai dans le cancer ovarien a débouché, malgré cela, sur des résultats encourageants et, de toute façon, des solutions sont envisageables pour surmonter cet obstacle comme, par exemple, modifier les glycoprotéines d’enveloppe du virus vaccinal.

Des travaux récents suggèrent que la combinaison du vaccin anti-rougeoleux avec l’utilisation d’inhibiteurs du point de contrôle immunitaire (anti PDL1 ou anti CTLA-4) pourrait augmenter l’efficacité de cette immuno-vaccinothérapie. L’association avec la chimiothérapie ou la radiothérapie s’est également révélée synergique dans certaines tumeurs (pancréatique, mammaire, cérébrale).   Sources :
1) Communiqué de presse de l’IPC du 7 septembre 2020. Site d’ImCheckTherapeutics, www.imchecktherapeutics.com
2) Delaunay T et al., J. Thorac Oncol, 2020 May ; 15 (5) : 827-842.
3) Mühlebach MD. Curr Opin Virol 2020 Apr ; 41 : 85-97.
4) Leber MF, et al. Cytokine Growth Factor Rev. 2020 Jul 3:S1359-6101(20)30149-0.

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