Prudence avec les IPP

18/10/2019 Par Marielle Ammouche
Médicaments
[JOURNEES NATIONALES DE MEDECINE GENERALE 2019] Si les complications sont rares, certaines situations doivent attirer la vigilance, notamment en cas de traitement au long cours.

  Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) constituent l’une des classes thérapeutiques les plus prescrites en France. Et contrairement à l’idée communément répandue, ils ne sont pas dénués d’effets secondaires. Or actuellement, on considère qu’il existe 53 à 70% de prescriptions inappropriées : « 60% des prescriptions en ville sont hors AMM. Et seules 16 à 40% de celles effectuées à l’hôpital seraient conformes », affirme le Dr Gille Macaigne (Centre hospitalier de Marne la Vallée, 77). « Le bon usage est le principal rempart à l’iatrogénie : évaluer la balance bénéfice/risque, respecter les indications, prescrire à la dose minimale efficace, reconsidérer le traitement à chaque consultation ; prévenir, détecter précocement et corriger les effets indésirables potentiels », résume-t-il. Les complications des IPP sont principalement infectieuses, osseuses, nutritionnelles, et rénales. Cependant, « le niveau de preuve de leur association aux IPP est souvent faible à très faible », assure le Dr Macaigne. De par leur action sur l’acidité gastrique, les IPP exposent au risque d’infections digestives (clostridium difficile, salmonella, …), via une altération de la flore intestinale. Des infections pulmonaires ont aussi été décrites. Certaines études ont par ailleurs mis en évidence un rôle des IPP sur la survenue de fractures osseuses. Cependant, les données sont divergentes sur ce sujet : le surrisque pourrait être lié à la présence de population à risque d’ostéoporose, ainsi qu’à la durée et à la dose du traitement. Les IPP peuvent aussi entrainer un risque de carence en vitamine B12, liée à l’hypochlorhydrie induite, en particulier en cas de traitement au long cours et d’infection à hélicobacter pylori (Hp), ainsi qu’un déficit en magnésium survenant volontiers chez des sujets âgés prenant d’autres thérapeutiques hypomagnésiantes (digoxine, diurétique). Des néphrites interstitielles aiguës ont été mises en évidence. Il s’agit d’une complication rare, mais probablement sous-estimée, jugent les spécialistes. Elle surviendrait préférentiellement chez les sujets âgés et polymédiqués. Cependant « il n’y a actuellement pas de recommandation sur l’indication et les modalités d’une surveillance régulière de la fonction rénale », précise le Dr Macaigne. Enfin, ont été observées des colites microscopiques à l’origine de diarrhée chronique, ainsi qu’une augmentation du risque d’adénocarcinome (mais ce risque disparaît en l’absence d’infection à HP), et des encéphalites hépatiques chez le cirrhotique. En tout état de cause, la durée et le risque d’interactions médicamenteuses doivent être prise en compte. Il s’agit en particulier d’être vigilant avec le clopidogrel (un délai de 12 heures devant être respecté entre les deux prises). Et en cas de traitement long, il faudra aussi prévenir le risque de sevrage lié au rebond acide. En pratique, on baisse graduellement sur quelques semaines chez les sujets traités plus de 2 mois. Le Dr Macaigne conclut qu’« à la vue des résultats actuels de la littérature, il n’est pas légitime d’envisager l’arrêt d’un traitement indiqué et utile ». Certaines mesures préventives peuvent être cependant proposées comme : limiter les prescriptions d’IPP chez les sujets à risque d’infections entériques ; contrôler tous les ans la magnésémie et plus particulièrement chez les sujets âgés de plus de 65 ans et/ou sous traitement hypomagnésémiant ; doser la vitamine B12 en cas de prise au long cours d’IPP au moindre doute de carence ; éradiquer l’HP chez tout sujet infecté nécessitant un traitement par IPP au long cours, idéalement avant le développement de la gastrite atrophique.

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