Toux chronique : des recommandations pour l’adulte et l’enfant

16/10/2019 Par Corinne Tutin
Pneumologie
L’ERS vient d’élaborer des recommandations pour le diagnostic et le traitement de la toux chronique chez l’adulte et chez l’enfant. Le texte insiste sur l’importance de ne pas pratiquer systématiquement un scanner ou de prescrire d’emblée des IPP.

« La toux chronique touche un adulte sur dix, inquiète beaucoup les patients et peut avoir un impact social important », a rapporté le Pr Alyn Hugh Morice (Université de Hull, Royaume-Uni), premier auteur du texte de recommandations de l’ERS*. De fait, une toux chronique peut être cause de dysphonie, vomissements, troubles du sommeil, fatigue mais aussi être source d’isolement social, notamment en présence d’une incontinence urinaire d’effort. Or, cette dernière association n’est pas rare, les deux tiers des patients adultes étant des femmes, et le pic de prévalence étant observé au cours de la 5e ou de la 6e décennie de vie. Des étiologies multiples Ces toux chroniques, qui sont définies chez l’adulte par une durée de plus de 8 semaines, mettent le plus souvent en jeu une hypersensibilité du réflexe vagal normal de toux avec une réponse déclenchée pour des stimuli mécanique, chimique, thermique de moindre intensité. Leurs phénotypes sont variés : toux liée à un asthme ou une bronchite éosinophile, à un reflux gastro-œsophagien, syndrome de toux des voies aériennes supérieures, toux réfractaire chronique résistant aux traitements conventionnels, toux associée à une maladie respiratoire (cancer, pneumopathie interstitielle…), toux des fumeurs, toux iatrogène « souvent sous-diagnostiquée » alors que 15 % des patients sous inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) présentent ce symptôme en raison d’une altération du réflexe de toux. Les fumeurs doivent également être informés que le sevrage tabagique peut s’accompagner dans le mois suivant celui-ci d’une augmentation paradoxale de la toux.  Chez l’enfant, les toux chroniques sont définies par...

une durée de plus de 8 semaines et impliquent souvent une bronchite bactérienne persistante, ou une dilatation des bronches ou une trachéomalacie, en cas de toux productive. En cas de toux sèche, il s’agit souvent d’asthme ou de séquelles d’infection respiratoire, ou d’exposition au tabac, aux polluants. Mais, certaines toux de l’enfant correspondent à des tics, ont une origine psychogène. La fréquence de ces toux chroniques infantiles varie d’un pays à l’autre : 1 % en Inde, 9 % en Europe de l’Est, 5 à 12 % en Chine voire plus dans les zones très polluées. L’examen clinique et l’interrogatoire sont essentiels pour orienter le diagnostic, éliminer une infection, une prise d’IEC, déterminer s’il existe des antécédents familiaux « ce qui est le cas une fois sur dix chez l’adulte ». Il faudra préciser les caractéristiques de la toux, éventuellement grâce à des autoquestionnaires, et la quantifier. « On peut le faire simplement en demandant au patient adulte de noter sa toux de 1 à 10 », a précisé le Pr Morice. La radiographie thoracique et la spirométrie sont des examens de 1e intention, « mais non le scanner thoracique, en raison de ses risques d’irradiation (notamment chez les femmes) ». Les autres examens (tests d’hyperréactivité bronchique, compte des éosinophiles, mesure de la fraction expirée du monoxyde d’azote ou FeNO qui reflète le niveau d’inflammation bronchique, manométrie œsophagienne, rhinoscopie, laryngoscopie…) seront demandés en fonction de l’histoire clinique (suspicion d’asthme, de reflux, de rhinosinusite…). Chez l’enfant, les investigations sont en général plus poussées que chez l’adulte pour trouver une cause avec un recours plus systématique à la radiographie thoracique (après l’âge de 5 ans) et à la spirométrie, voire en cas de toux productive à la réalisation d’examens microbiologiques à partir des expectorations. Corticothérapie et antileucotriènes Chez l’adulte, le traitement initial repose sur l’élimination des facteurs de risque (tabagisme, IEC..), et la corticothérapie orale ou inhalée (combinée éventuellement à un bronchodilatateur de longue durée d’action en cas d’obstruction bronchique) ainsi que sur les anti-leucotriènes, notamment lorsque le compte éosinophilique et le FeNO sont élevés. Ces médicaments, en général efficaces dans l’asthme, pourront être utilisés « pour réaliser un test thérapeutique de 2 à 4 semaines », a expliqué le Pr Woo-Jung Song (Centre médical Asan, Séoul, Corée du Sud). Les inhibiteurs de pompe à protons (IPP) ne doivent, en revanche, être proposés que si des symptômes liés à l’acidité gastrique sont présents, « car ils ne traitent ni le reflux ni la toux ». Si la toux persiste, on pourra... prescrire des macrolides pendant un mois en raison de leur activité prokinétique, ou des médicaments dotés d’activité neuromodulatrice comme la morphine à libération prolongée à faible dose (5 à 10 mg deux fois/j), la gabapentine ou la prégabaline, malgré leurs effets secondaires. Une autre possibilité est de proposer au patient d’adopter une technique de contrôle de la toux. Cette méthode non pharmacologique, qui repose sur des séances d’exercices de suppression de la toux, de respiration, sur la voix, des conseils pour réduire l’irritation laryngée « a démontré son efficacité dans des études randomisées, mais est complexe à réaliser et nécessite des praticiens qualifiés, pas disponibles partout », a admis le Pr Song. Des médicaments agissant contre la substance P ou bloquant, comme le gefapixant, les récepteurs purinergiques P2X3, pourraient compléter prochainement l’arsenal thérapeutique chez l’adulte. Une stratégie thérapeutique particulière chez l’enfant Chez l’enfant avec une toux productive, et une radiographie et une spirométrie normale, sans signes d’alarme, il est conseillé de mettre en place à titre d’essai un traitement antibiotique. Néanmoins, même si des études ont montré un effet positif sur la toux de l’association amoxicilline-acide clavulanique « on ne sait quel antibiotique privilégier, et à quelle dose et combien de temps le donner », a reconnu le Pr Song. « En cas de toux sèche, on commencera par contrôler les possibles irritants, rechercher des allergènes, éliminer une infection antérieure et on suivra les enfants 4 semaines. Ce n’est qu’en cas de persistance des symptômes qu’on mettra en place une corticothérapie inhalée pour une durée de 4 à 8 semaines », a ajouté le Pr Michael Shields (Université de Belfast). « En cas d’échec de cette corticothérapie, d’autres investigations devront être effectuées pour rechercher une maladie sous-jacente ». *Morice AH, et al. ERS guidelines on the diagnosis and treatment of chronic cough in adults and children. Eur Respir J 2019; in press

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