Lyme : moins de 10 % des patients présumés ont réellement la maladie
La maladie de Lyme continue à faire l’objet de nombreux débats. « Depuis une dizaine d’années, des associations de patients, rejoints par quelques médecins et chercheurs et des activistes remettent en cause les connaissances acquises sur la borréliose de Lyme (BL) » écrit ainsi le Pr Jean-Claude Désenclos (Santé publique France), dans l’éditorial du dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH du 7 mai 2019). Les controverses portent en particulier sur l’existence d’une maladie chronique. Et la publication de recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en juin dernier, loin de calmer le débat, n’a fait qu’amplifier les oppositions du fait de la reconnaissance du « syndrome persistant après une possible piqûre de tique (SPPT) », mais aussi de « la non-prise en compte des tests actuels pour son diagnostic, la permissivité que ces recommandations offriraient en matière de traitement antibiotique du SPPT » rappelle le Pr Désenclos. En outre la méthodologie de leur élaboration a été critiquée « jugée éloignée de celle en vigueur pour élaborer des recommandations fondées sur les preuves et les données actualisées de la science ». Un nouveau texte est en cours de préparation par la Société de pathologie infectieuse de langue française, sur demande de la direction générale de la Santé, en lien avec d’autres sociétés savantes Mais les inquiétudes persistent : « dans l’état actuel du débat sur la BL et la forme de certaines actions récentes d’activistes, ne pourrait-on pas aussi redouter de voir entrer dans des recommandations des pratiques non-argumentées par la science et de principe inefficaces et hasardeuses pour les malades ? » s’interroge le Pr Desenclos.
La question est d’autant plus d’actualité que, le BEH publie aujourd’hui les données d’une étude française menée par l’équipe du Pr Eric Caumes, déjà publiée en septembre 2018 dans Clinical Infectous Diseases, qui apporte des précisions quantitatives sur les diagnostiques de maladies de Lyme. Son objectif était, en effet, d’en savoir plus sur la proportion réelle de patients présentant une maladie de Lyme. Pour cela, les auteurs ont suivi 301 patients ayant consulté pour une suspicion de maladie de Lyme au sein du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière entre janvier 2014 et décembre 2017... Dans la grande majorité des cas, les patients étaient considérés comme atteints de la maladie de Lyme s’ils réunissaient quatre critères : une exposition à une tique, des signes cliniques caractéristiques de la pathologie, des tests sérologiques positifs et une guérison après l’administration d’un traitement antibiotique adapté. Ils étaient considérés comme étant possiblement atteints de la maladie de Lyme s’ils validaient trois critères sur quatre. Un érythème migrant était cependant suffisant à lui seul pour confirmer le diagnostic. En outre, dans une approche plus globale, dite « holistique » , qui tient compte de différentes variables du patient (âge, sexe, historique de sa maladie, signes cliniques et symptômes, dossier médical, traitements antibiotiques reçus, résultats des tests, incluant les tests sérologiques pour la maladie de Lyme, et autres examens prescrits), un traitement d’épreuve anti maladie de Lyme était systématiquement administré quand il existait un doute diagnostique et que le patient n’avait pas encore eu de traitement présumé efficace. 91 % des patients avaient été exposés à une piqure de tique et 54 % avaient été effectivement piqués. Les patients présentaient une médiane de 3 symptômes (1-12) avec une durée médiane des symptômes de 16 mois (1-68). Les résultats ont montré qu’une maladie de Lyme a été confirmée chez environ un patient sur 10 (9,6 %) et jugée possible pour 2,9 %. Une autre maladie a finalement été diagnostiquée chez 80 % des patients. Il s’agissait principalement de problèmes psychologiques (31,2 %), de maladies rhumatologiques ou musculaires (19 %), de maladies neurologiques (15,2 %) ou d’autres maladies (33,7 %) dont un nombre non négligeable de syndrome d’apnée du sommeil. Ces patients étaient « significativement plus jeunes, avaient plus de symptômes (fonctionnels), moins de signes physiques (objectifs), une plus longue durée d’évolution et moins souvent des sérologies positives pour la maladie de Lyme », précise l’AP-HP.
De plus, l’étude met en avant un nombre important de traitements anti-infectieux inadaptés. Ainsi, dès la première consultation, plus de la moitié des patients (50,1 %) avaient déjà reçu des antibiotiques voire d’autres anti-infectieux (antiparasitaires, antifungiques, antiviraux) pour rien durant une durée médiane de 34 jours (les extrêmes allant de 28 jours à 730 jours). "A l’heure de l’émergence de l’ultra-résistance aux antibiotiques partout dans le monde y compris pour traiter des infections courantes, une telle pression médicamenteuse est peu admissible car elle n’a aucune justification, l’ensemble des études ayant cherché à évaluer correctement l’intérêt d’une antibiothérapie prolongée dans la maladie de Lyme n’ayant montré aucun bénéfice pour les malades", conclut l’AP-HP.
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