Diabète : vers une prise en charge plus personnalisée

23/01/2019 Par Thierry Billoir
Diabétologie

BILAN ET PERSPECTIVES - Les modifications des stratégies thérapeutiques vont impacter la gestion globale des patients dans notre système de soins. Le Pr Charles Thivolet* exerce dans le service d’endocrinologie-diabétologie aux Hospices civils de Lyon (CH Lyon Sud), et est vice-président de la Société francophone de diabète (SFD). Il fait le point sur les évolutions récentes de la prise en charge du diabète.

Egora-Panorama du Médecin : quelles ont été les principales nouveautés thérapeutiques dans le diabète de type 2 en 2018 ? Pr Charles Thivolet : De grandes études concernant le diabète de type 2 (DT2) ont été publiées. Initialement demandées par la Food and drug administration (FDA) pour démontrer la sécurité cardiovasculaire des nouvelles thérapies (suite aux données de l’étude Accord), elles ont finalement dépassé cette mission première en mettant en évidence des bénéfices cardiovasculaires et rénaux des nouvelles stratégies thérapeutiques. Cela concerne d’un côté les agonistes du glucagon like peptide-1 (GLP-1), et de l’autre les inhibiteurs du sodium-glucose cotransporteur 2 (Sglt-2). Les bénéfices consistent à la fois en une réduction des événements cardiovasculaires et de l’insuffisance cardiaque, ainsi qu’un ralentissement de la progression de la maladie rénale. Désormais, on prend en compte le patient dans sa globalité ; on ne le résume plus à une glycémie. C’est la révolution conceptuelle 2018. Il faut cependant rester vigilant aux éventuels signaux d’alerte. Les agonistes du GLP-1 ont démontré leur sécurité concernant la pancréatite. Mais il reste des problèmes d’observance et d’effets secondaires (nausées, troubles digestifs, …). Pour les inhibiteurs du SGLT-2, qui ne sont pas encore disponibles en France, il faudra tenir compte du risque d’infection urinaire, de candidoses, et d’acidocétoses (car ces produits font monter le taux de glucagon). Il existe aussi une vigilance sur le risque d’amputations chez des sujets à risque. Ces données ont-elles entrainé des changements pour la pratique ? Les recommandations ADA/EASD, qui ont été publiées en octobre 2018 sous une forme pédagogique remarquable, permettent d’adapter la prise en charge en fonction du phénotype du patient (problèmes cardiovasculaires, surpoids, insuffisance rénale…), et même du coût des traitements. Ainsi, pour chaque situation, le texte propose des molécules en fonction des résultats des études cliniques. Ces recommandations, plus personnalisées, sont aussi plus pragmatiques et plus adaptées à la pratique clinique. La SFD prépare pour 2019 une actualisation de sa prise de position pour le traitement du diabète de type 2. Et concernant le diabète de type 1 (DT1) ? Il y a eu des remboursements concernant la prise en charge technologique de l’insulinothérapie. Si 2017 a été l’année du FreeStyle Libre, 2018 est celle du remboursement de deux solutions impliquant le contrôle continu de la glycémie, grâce à la Fédération Française des diabétiques (FFD) qui a été moteur pour faire en sorte que les patients puissent bénéficier de ces avancées. La première est le système MiniMed 640 G de Medtronic connecté avec le capteur Enlite. Ce capteur mesure le glucose interstitiel en continu et permet d’arrêter la pompe pour prévenir les hypoglycémies. L’autre système de mesure continue du glucose interstitiel remboursé est le Dexcom G4, n’est pas forcément connecté à une pompe et est disponible depuis avril 2018. Les patients qui ont des injections et qui sont plutôt instables, peuvent bénéficier de cette solution. Ses avantages par rapport au FreeStyle Libre, sont la possibilité de bénéficier d’une alerte, en particulier la nuit, et de la transmission automatique par bluetooth à un récepteur. Les deux situations pour lesquelles ces deux systèmes sont remboursés sont une HbA1c supérieure à 8% malgré le traitement et/ou un patient présentant des hypoglycémies sévères, dans le cadre d’une prescription faite par un spécialiste endocrinologue.   D’autres systèmes existent comme le capteur Eversense de chez Roche Diabetes Care, qui est implanté dans le bras pour une durée de six mois. Il communique avec un transmetteur, qui envoie les données par bluetooth à un récepteur (smartphone). Ce produit est actuellement en cours d’évaluation en France. Il n’est pas, pour le moment connecté à un système de délivrance de l’insuline. Pour tous ces systèmes, la nouveauté par rapport à la mesure de la glycémie capillaire, est la notion de tendance (flèches vers le haut ou le bas) qui permet d’anticiper les problèmes. Ou en est-on du "pancréas artificiel" ? Il s’agit plus précisément actuellement d’une boucle fermée hybride. Il y a eu, en 2018 les résultats de l’étude française Diabeloop, qui ont indiquent une amélioration de l’équilibre glycémique en réduisant la variabilité notamment la nuit. D’autres systèmes arrivent sur le marché en 2019. Medtronic va avoir une solution embarquée sur sa pompe 670G connectée à un nouveau capteur et qui va gérer non seulement les hypoglycémies, comme avec la 640G, mais aussi les hyperglycémies. Que ce soit avec le système Diabeloop ou avec la Medtronic 670G, ces systèmes sont dits hybrides, car ils nécessitent que le patient fournisse des informations (repas, activité physique, …) et fassent plusieurs calibrations quotidiennes avec une glycémie capillaire, pour être efficaces. Ils sont particulièrement utiles la nuit car ils permettent de réduire les hypoglycémies. Ils améliorent aussi l’équilibre général, et le temps dans la cible (0,7-1,80g/l) : ainsi, ce temps est de plus de 70% dans la boucle fermée, contre environ 50% avec la surveillance standard. Toutes ces innovations vont entrainer des transformations dans le système de prise en charge du diabéte de type 1, qu’il va falloir aborder désormais. Ce seront de grandes questions pour 2019 : comment « piloter » tous ces patients à distance ? faut-il mettre en place des délégations de taches avec des infirmières ? des plateformes dédiées pour le télésuivi ? comment associer tous les professionnels de santé dans cette révolution technologique ?…. *Le Pr Charles Thivolet déclare avoir des liens d’intérêt avec Abbott France, AstraZeneca , Janssen Cilag, Lilly France, Medtronic, MSD, Novo Nordisk, Roche Diabetes Care, et Sanofi-Aventis

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