Accouchement normal: halte à la surmédicalisation

06/03/2018 Par Marielle Ammouche
Gynécologie-Obstétrique

La Haute Autorité de Santé vient de publier ses premières recommandations concernant l’accouchement normal. Elles soulignent l’importance de prendre en compte les préférences des femmes.

Ces derniers mois, le paysage de la gynécologie-obstétrique a été marqué par la polémique sur les "violences obstétricales", amplifiée par les médias et les réseaux sociaux, et qui a fortement ébranlé la communauté des spécialistes de la naissance, et mis en lumière un défaut d’information des femmes ainsi qu’un manque de dialogue entre les équipes professionelles et les femmes. Pourtant, comme le rappellent les gynécologues, ainsi que la Haute Autorité de santé (HAS), sur les près de 800 000 naissances qui ont lieu en France chaque année, la grande majorité se déroulent sans complication, et dans un climat serein.

En parallèle, il apparait une tendance de plus en plus forte chez les femmes et les couples d'une prise en charge moins médicalisée de l’accouchement et plus respectueuse de la physiologie de la naissance, lorsque le risque obstétrical est faible. Car, force est de constater que pour réduire les risques pour la mère et l’enfant, le niveau de médicalisation et de technicisation de l’accouchement s’est largement accru. Cette demande d’accouchement plus "naturel" s’est traduite par la création de lieux spécifiques à l’accouchement physiologique tels que les maisons de naissance, ou les unités dites "physiologiques" (parfois appelées "espaces physiologiques" ou "salle nature", ou "unités sage-femme"). Les femmes peuvent avoir accès notamment à une liberté posturale, une surveillance du rythme cardiaque fœtal (RCF) en discontinu, ou encore une prise en charge non médicamenteuse de la douleur. Dans ce contexte, la HAS a décidé de publier ses premières recommandations sur l’"Accouchement normal : accompagnement de la physiologie et interventions médicales", à destination des maternités et des professionnels de santé. L’objectif est "de garantir la sécurité de la mère et de l’enfant tout en répondant à la demande des femmes de réduire au minimum nécessaire les interventions médicales", explique la HAS. Priorité est donc donnée au dialogue entre la femme, ou le couple, et les professionnels ; ces derniers s’attachant à écouter et répondre aux attentes et préférences des femmes, et à leur donner des informations "claires et loyales" concernant les différentes étapes de l’accouchement ainsi que l’ensemble des interventions médicales possibles ou nécessaires durant le travail et l’accouchement". Il s’agit de rendre la femme "actrice de son accouchement", résume la HAS. Limiter les touchers vaginaux Ces recommandations concernent toutes les femmes enceintes, en bonne santé, qui présentent un faible risque obstétrical. L’accouchement est dit normal lorsque "celui-ci débute de façon spontanée et ne s’accompagne que de faibles risques identifiés au début du travail". Sont donc exclues de cette définition les femmes présentant un utérus cicatriciel, une grossesse gémellaire, une suspicion de retard de croissance, un petit poids selon l’âge gestationnel, un diabète gestationnel, une présentation céphalique défléchie et par le siège, ou encore les accouchements prématurés. De même, le déclenchement du travail, l’utilisation d’instruments tels que les forceps ou la ventouse, ou encore la césarienne, font que l’accouchement n’est plus considéré comme normal. Cependant, un accouchement physiologique peut s’accompagner d’une amniotomie, d’une antibioprophylaxie, de l’administration prophylaxique d’oxytocine au 3e stade du travail, ou encore de la pose d’une voie veineuse.

De manière générale, tant que les risques obstétricaux – réévalués en continu – restent faibles, la HAS recommande de limiter les interventions techniques et médicamenteuses "au minimum nécessaire dans le respect du choix des femmes". Cette prise en charge comporte une surveillance continue du rythme cardiaque, et une prise en charge de la douleur qui peut être non médicamenteuses ou par analgésie loco-régionale (analgésie péridurale, rachianalgésie, péri-rachi combinée). Les experts de la HAS recommandent aussi de ne pas multiplier les touchers vaginaux, et de laisser la femme pousser de la manière qui lui semble la plus efficace.    Abandon de l’"expression abdominale" L’institution préconise en outre de ne pas recourir à l’expression abdominale pendant le travail ou l’expulsion. En effet, cette manipulation, qui consiste à appuyer sur le ventre de la maman, est souvent vécue de façon traumatisante. Et elle peut être à l’origine de complications "rares mais graves" précise la HAS, qui "justifient l’abandon de cette technique". En revanche, il est recommandé d’administrer systématiquement de l’oxytocine au moment de l’expulsion afin de prévenir les hémorragies du post-partum. Enfin, la pratique de l’épisiotomie ne doit pas être systématique "y compris chez la femme qui accouche pour la première fois : ce recours doit se fonder sur l’expertise clinique de l’accoucheur", précisent les experts.  Le texte de la HAS détaille, par ailleurs, les interventions qui peuvent être incluses dans la prise en charge des accouchements en unité physiologique ou en maison de naissance.

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