Permanence des soins obligatoire : "Liberticide" ou nécessaire, la PPL Valletoux divise les médecins

23/05/2023 Par Aveline Marques
Ça vous a fait réagir
Visant à rendre "effective la participation obligatoire à la permanence des soins pour tous" et à rattacher systématiquement les professionnels de santé aux CPTS, la proposition de loi portée par le député Horizon Frédéric Valletoux, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, a porté un nouveau coup à une profession déjà meurtrie par l'échec des négociations conventionnelles. Mais si la majorité des médecins libéraux expriment leur rejet de toute contrainte et appellent d'urgence à un "choc d'attractivité" pour l'exercice, des voix s'élèvent pour réclamer une meilleure répartition des obligations. Egora ouvre le débat.
 

"Aujourd'hui, dans un contexte de tensions démographiques très fortes et de difficultés d’accès aux soins, c’est compliqué que tout le monde ne soit pas embarqué dans les mêmes obligations. Les libéraux qui sont sur le front de la permanence de soins me le disent", argumente Frédéric Valletoux, dans une interview accordée à Egora. Le député Horizon défend cette semaine à l'Assemblée nationale sa proposition de loi controversée visant notamment à "rendre effective la participation obligatoire à la permanence des soins pour tous". Une mesure emblématique qui divise la communauté médicale elle-même : au nom de la solidarité nationale et confraternelle, faut-il accepter une contrainte supplémentaire qui risque de mettre en péril l'attractivité de la médecine libérale ? Lecteurs d'Egora, vous avez été nombreux à réagir. Voici une sélection de vos commentaires.  

"Le jour où ça passe, je baptiserai ce no man's land 'Désert Valletoux'"

Par Palpou 

"Non. À un moment je crois qu'il faut nous classer, nous médecins libéraux, 'espèce en voie de disparition', et interdire définitivement au Gouvernement et aux imbéciles de tirer davantage sur l'ambulance. Descendez de la Tour d'ivoire et venez mettre les pieds en désert médical de la Diagonale du vide, qui dessine depuis 30 ans la France d'aujourd'hui. Un désert incompris qui s'étend géographiquement, et qui s'étend maintenant professionnellement aussi aux orthophonistes, kinés, pharmaciens, et infirmières... Je participe à une CPTS et aux gardes. Bon, déjà, la CPTS n'est pas toujours brillante et essaie de réinventer l'eau chaude, qui existait déjà avant mais que les confrères ont arrêté.. par manque d'eau justement : toutes les idées reposent sur le fait qu'il faut plus de médecins...
Ensuite : je refuse que le dispositif s'étende, ou contraigne. Ça doit rester du volontariat.
C'est bien simple, le jour où ça passe obligatoire, j'ai les 3 derniers confrères des cantons alentours qui mettront leur deuxième pied dans la retraite. Plutôt que dans une tombe, et ils ont raison (une quatrième a fait un AVC la semaine dernière..). Mais 8000 patients sur le carreau. Sachant qu'à 60 km, un autre jeune trentenaire camarade de promo compte déjà déplaquer pour aller travailler aux urgences, par excès de paperasse, et qu'un cinquantenaire à 40 km va faire pareil d'ici la fin d'année faute de revalorisation suffisante, gagnant moins que sa femme hospitalière à 80%. Le jour où ça passe : je tiendrais personnellement à baptiser ce no man's land le 'Désert Valletoux'. "  

"La permanence des soins devrait être obligatoire pour tous"

Par Frédérique_B_2   

"La permanence des soins devraient être obligatoire pour tous. Je suis pédiatre et beaucoup de jeunes pédiatres s’installent à 30 ans en cabinet 4 jours par semaine de 9h à 18h alors que des plus âgés font des gardes travaillent la nuit, le week end et les jours fériés. Nous avons des difficultés à boucler les listes de garde (je suis dans le privé) et nous sommes menacés de réquisition quand il y a des trous dans la liste de garde. On nous demande de faire plus de garde à 50 ans et plus pour la permanence des soins alors que jamais on ne va chercher les installés qui ne participent pas et qui ont 20 ans de moins ! Si chacun participait à la permanence des soins dans notre spécialité cela soulagerait toutes les listes de garde, que ce soit néonatalogie ou urgences pédiatriques du privé et du public. Seuls seraient exemptés les praticiens avec problèmes de santé ou de plus de 55 ou 60 ans. Là-dessus je suis d’accord avec lui, désolée."

"Ils auront terrassé la mutinerie des médecins"

Par Bozboz 

"Pour provoquer un choc d’attractivité , nous réclamions un véritable choc de revalorisation, une reconnaissance de notre diversité d’exercice, la nécessité de valoriser chaque médecin, l’arrêt d’un comportement arrogant, méprisant, aliénant … Qu’obtenons-nous, en réponse ?
Rien hier, même pas trois fois rien aujourd’hui, et encore moins que moins que rien demain avec ce texte de loi honteux, s’accordant à merveille avec le ton donné, impulsé depuis des années et encore plus lors des dernières négociations-diktat conventionnelles. Notre refus collectif de signer le moindre accord, les démissions en nombre croissant à l’hôpital , le développement constant de l’intérim, le flot continu des départs de médecins en ville, les mouvements de déconventionnent naissants, les installations en berne, etc., sont vécus en haut lieu comme une véritable mutinerie d’une profession décrite, présentée sur tous les médias comme corporatiste, vénale, irresponsable, refusant de monter au front en temps de crise ! Il faut donc réprimer cette mutinerie corporatiste, l’écraser. Ce texte législatif n’a d’autre but que de donner au pouvoir les moyens de nous mettre au pas !
Nous voulions ce choc de revalorisation, base nécessaire indispensable mais bien sûr non-suffisante (devant s’accorder avec un véritable projet pour la santé de nos compatriotes ) pour initier ce choc d’attractivité autant à l’hôpital qu’en ville, dans nos Ehpad qu’en médecine scolaire… , nous le voulions, et nous n’aurons pour toute réponse que cette fin de non-recevoir, ces mises en demeure, ces injonctions à adhérer, ces interdictions, ces entraves, et in fine l’expulsion de tous les récalcitrants ! Résistons face à un texte à la con, résistons! Mais le monde l’est tellement lui-même que ce projet de loi s’inscrit parfaitement dans l’air du temps… et donc il a de bonnes chances...

d’être adopté sous les applaudissements d’une assemblée unanime.., nous crierons merde, ils crieront victoire, "ils auront terrassé la mutinerie des médecins"…, et écrasé comme une merde les restes de notre médecine à la française …, au nom du progrès !"  

"J'ai vu cet abandon de la permanence des soins…"

Par Dorhhge 

"M. Valletoux est un ardent détracteur, voire ennemi de la médecine libérale et sa PPL est liberticide, à combattre fermement. La seule chose intéressante est le rétablissement d'une permanence des soins par les médecins libéraux. Cette dernière, autrefois la règle pour tous les MG installés et même les M. spécialistes, était un devoir professionnel et satisfaisait tous les praticiens - qui étaient donc solidaires - à condition que tous y participent. On en excluait les praticiens âgés (de plus de 60 ans me semble-t-il). Cela permettait une bonne couverture des soins hors horaires de travail. Comme les médecins étaient nombreux, la "garde" ne revenait pas trop souvent. Et cela surtout permettait aux Services d'Urgences d'assurer les vraies urgences et non la masse de bobologie ou de "petite" urgence gérable en cabinet. J'ai été membre du conseil de l'Ordre de mon département pendant trois mandats et ai vu cet abandon de la permanence des soins, demandé par certains syndicats et que j'ai personnellement toujours combattu car je savais que cela allait submerger les urgences hospitalières et créer un vrai problème d'accès aux soins....patatras, c'est ce qui s'est produit et personne n'a voulu faire machine arrière, ni les représentants médicaux, ni les politiques, ni les ARS....Triste histoire dont je crains qu'elle ne soit pas réversible. A suivre!!! Qui aura le courage de redresser la barre??..."  

"Le médecin libéral est devenu une sorte de fonctionnaire spécial"

Par Arnaud_G_4

"Contraindre, financés par la solidarité nationale... Voilà ce qu'est devenu un beau métier : une sorte de fonctionnaire spécial. On lui rappelle qu'il vit par l'argent de l'État, une sorte de mendiant subventionné, un RSA-iste diplômé et bien payé, avec les contraintes du libéral, pas de 32-35-40 heures, toutes les charges fiscales et administratives d'un artisan plus des obligations de papier à n'en plus finir.
Quand va finir cette mascarade ?"    

"Courage, les politiciens : nationalisez la santé comme l'ont fait les Anglais… et acceptez les lourds inconvénients du système"

Par amoraillon 

"Et toujours le même dilemme des politiques depuis 30 ans : comment faire un système de santé de type britannique mais sans le nationaliser. Car qui peut travailler plus que 35 h dans la santé?  seulement les libéraux. Donc courage, les politiciens ! Nationalisez la santé comme l'ont fait les Anglais et acceptez les lourds inconvénients du système. Si vous voulez garder la médecine libérale, alors acceptez le secteur 2 pour tous. Il vous resterait alors à définir la population à soins gratuits, ce qui est déjà largement fait. Le secteur 2 ne coûte rien à l'Etat, finance quasi totalement sa retraite et a le gros avantage de mieux rémunérer les médecins, de redonner du respect et de l'estime au médecin (tout le monde sait que les guérisseurs sont admirés parce que soins non remboursés). Mais on entend toujours les bottes et les fouets sous influence nupésienne, et on peut sans se tromper prévoir l'effondrement général du système de santé actuel au profit du monde des conspirationnistes, gourous, antivax, spécialistes du bien-être et autres doulas supervisés par l'autre monde des grands experts à honoraires libres...."

 
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