"Mon frère était mort pendu depuis la veille": récits d'humiliations d'étudiants en santé

01/03/2017 Par Catherine le Borgne
Témoignage

Pour finaliser son ouvrage "Omerta à l'hôpital" (Ed. Michalon)*, levant le voile sur les violences verbales, sexistes ou psychologiques que subissent à l'hôpital les futurs médecins, infirmiers, kinés, pharmaciens ou aides- soignantes, le Dr Valérie Auslender, médecin généraliste salariée à Science Po, a recueilli plus d'une centaine de récits poignants de victimes qui ne supportent plus de se taire, et veulent témoigner du calvaire qu'ils ont vécu. Voici quelques-uns de ces témoignages, informant sur un phénomène caché mais réel et ancien. Et qui doit cesser.

A lire également: l'auteur interrogée par Egora.fr explique le but poursuivi par "Omerta à l'hôpital", livre qui donne aussi la parole à des experts, stupéfaits à la découverte de ce drame occulté.    

"Il était mort, pendu depuis la veille, à moitié dénudé et portant des vêtements qui ne lui appartenaient pas"

Etudiant en médecine  Pour lui et les autres, qui ne deviendront jamais adultes - (…) Il y a précisément douze ans, quand la série de quatre suicides – dont celui de mon frère – s’est produite en moins d’un an et dans la même faculté, il n’y a eu aucun relais des médias. Et je ne pense pas que ce soit un fait isolé. Il ne faut simplement pas en parler. (….)Les circonstances de ce suicide sont troubles, nous n’avons jamais su exactement ce qui s’est réellement passé. L’affaire a été classée ­rapidement. Mon frère, M., avait une personnalité plutôt introvertie, était quelqu’un qui étudiait la médecine par choix, il avait investi une ­énergie importante pour passer le concours d’entrée et il était arrivé quasiment à la fin de son externat. Il préparait le concours de l’internat sérieusement (…) Je m’inquiétais pour mon frère depuis le début de ses études. Il ne s’exprimait pas beaucoup sur sa vie de "carabin"  mais il y avait quand même, au travers des anecdotes qu’il voulait bien partager, quelque chose qui ressortait régulièrement : des soirées très ­arrosées, sachant qu’il n’était pas habitué aux sorties et à l’alcool en grande quantité. Il voulait s’intégrer, alors certains en ont profité. Il a été humilié régulièrement pendant ces soirées sous fond "d’humour carabin". Celui sur lequel seuls les médecins et futurs médecins ont un droit de jugement apparemment quand on essaie d’en discuter avec eux. Des humiliations à caractère sexuel, des jeux dans lesquels on le faisait boire et on lui faisait faire n’importe quoi pour "faire rire le groupe". Je ne me souviens plus précisément ce qu’il racontait mais déjà à ce moment-là, l’entendre en parler et l’imaginer le vivre me déchirait les tripes. À la fin de l’année 2002, il y a eu deux suicides : deux amis proches dont un qui avait quitté brutalement ses études peu avant. M. était une personnalité fragile. Il s’était renfermé de plus en plus ces dernières années. Nous n’avons pas réussi à le faire parler sur ces deux décès brutaux et rapprochés. Mon frère est passé à l’acte au mois de février qui a suivi. Les circonstances de sa mort sont plus que confuses. Cela s’est passé pendant un week-end. Il a quitté la maison familiale le samedi matin pour rejoindre son studio à côté de la fac. Il avait une soirée étudiante ce soir-là. Nous n’avions pas de nouvelle de lui tous les jours donc nous ne nous sommes pas inquiétés de ne pas en avoir le dimanche suivant. Le lundi matin, c’est une étudiante d’une autre promo – c’est important pour la suite de l’histoire – qui, s’inquiétant de son absence sur son lieu de stage, a demandé l’ouverture de la porte de chez lui car il ne répondait pas. Il était mort, pendu depuis la veille, à moitié dénudé et portant des vêtements qui ne lui appartenaient pas. Sa veste ainsi que ses papiers se trouvaient en possession d’un de ses " amis" de promo. Nous avons essayé de savoir ce qui s’était passé pendant cette soirée. Tous les retours que nous avons eus n’ont fait qu’ajouter de l’horreur à la situation. Les étudiants proches de M. ont expliqué, tout naturellement, qu’"il ne tenait pas l’alcool", qu’il avait "été malade" et avait "vomi" donc ils l’avaient "changé". Il leur a dit plusieurs fois qu’"il voulait se tuer" mais comme il le disait tout le temps, ça ne changeait pas de l’habitude. Ils l’ont ramené chez lui. Ils ne se sont visiblement pas inquiétés de son sort le lendemain. Certains d’entre eux sont venus à l’enterrement. J’ai gardé en souvenir ces étudiants qui souriaient, qui étaient là certes, mais bizarrement peu concernés. L’un d’entre eux a dit à mon plus jeune frère que "de toute façon c’était son souhait, il fallait le ­respecter". Il n’y a donc pas eu d’enquête. Cela me laisse un sentiment d’injustice. Je reste persuadée qu’il s’est passé quelque chose dans cette promotion et que le silence a réussi à triompher. Quelques mois plus tard, nous avons appris le décès d’une autre étudiante de la promotion qui avait, elle aussi, arrêté ses études dans l’année (...)"     "Je me suis cachée plusieurs fois dans les toilettes pour pleurer"

"Je me suis cachée plusieurs fois dans les toilettes pour pleurer"

Etudiante en médecine J'espère ne jamais devenir comme eux - Je suis actuellement en quatrième année de médecine. Lors de mon premier stage de chirurgie, nous arrivons le premier jour mais la régie de l’hôpital était fermée. Il nous était donc impossible d’avoir une blouse. Nous avons donc pris une blouse de papier et on m’a dit d’aller en consultation. J’arrive en bas et je tombe sur une femme chirurgien qui me dit avec un ton assez méchant : "Tu te crois où, là ?" Un peu étonnée, je lui explique l’histoire de la régie et de la blouse, etc. Et puis encore : "Tu te crois où, là ? On est pas je ne sais pas où, là !" Puis, elle continue à me dire avec les yeux écarquillés : "Tu te crois où, là". Ne voyant pas de solution, je tourne les talons pour remonter dans le service mais elle me dit : "Tu vas où, là ?" Je réponds : "J’ai cru que vous m’aviez renvoyée donc je m’apprêtais à remonter dans le service." Elle répond : "Mais si ça t’intéresse pas, tu peux t’en aller, moi j'ai pas besoin de toi, tu sais." Encore plus étonnée par sa froideur, je la suis et elle me trouve une blouse d’infirmière. Pendant que je m’habillais, elle me répétait sans cesse : "Mais tu sais, tu peux partir, moi je m’en fous, j'ai pas besoin de toi, je peux me débrouiller sans toi." Je commençais à avoir les larmes qui me montaient aux yeux. (…) Quelques semaines plus tard, nous étions au bloc et elle venait de sortir une nouvelle boîte à instruments qui était posée sur le patient. Elle la soulève, me la donne pour que je la range sur la table mais il n’y avait plus de place car il y avait déjà des instruments partout. Comme j’étais occupée à faire un truc urgent, j’ai reposé la boîte sur le patient en attendant. Elle prend la boîte, la lance sur la table brutalement en renversant tous les outils – en plus, c’est dangereux, y’a des scalpels qui ont volé – et elle gueule : "Putain ! La prochaine fois que je te dis d’poser un truc, tu l’poses !!! J’ai pas qu’ça à faire moi !" Une fois à la visite, une de mes co-stagiaires était avec elle. Elle ouvre les dossiers pour vérifier nos observations. Elle lui dit : "Apyrétique… ça veut dire quoi ça apyrétique ?" Ma co-stagiaire répond : "Bah, ça veut dire qu’il a pas de fièvre".. Elle lui dit : "Ah oui ? T’es sûre ? Tu viens de m’apprendre un truc là… Heureusement que t’es là ! ça veut rien dire ça ! De toute façon, vous comprenez rien à ce que vous marquez dans les dossiers. Et puis, tu prends tes notes sur la feuille de staff ?! C’est stupide ça ! Je me demande pourquoi vous faites toujours cette chose stupide." Il y avait aussi notre chef de clinique, pas franchement sympa non plus. Une fois au bloc opératoire, elle ouvre un dossier d’un patient et je m’approche pour lire avec elle – mais j’étais pas du tout collée à elle non plus – elle dit : "Par contre là, j’ai besoin d’air…", en agitant sa main avec mépris. Une autre fois à la visite, je sors d’une chambre et tout le monde était agglutiné autour du chariot. J’avance un peu pour ne pas gêner et elle me dit : "Tu sais, normalement, c’est pas les chefs qui poussent les chariots." Ça m’a abasourdie de méchanceté et je lui ai répondu : "C’est toi qui l’as poussé le chariot." Je me suis cachée plusieurs fois dans les toilettes pour pleurer. La première fournée d’internes qu’on a eu ne nous disait jamais bonjour et ne nous regardait jamais dans les yeux. On n’avait pas l’impression d’exister à leurs yeux. On était bons qu’à bosser comme des petites fourmis. Une bonne journée, c’était une journée où on ne s’était pas fait gueuler dessus. Une de mes amies qui est passée dans ce stage m’a raconté qu’elle était sortie du bloc un jour en disant" Bon courage" et qu’elle lui avait répondu : "Par contre moi, je suis pas la femme de chambre, tu me dis pas bon courage." Elle ne nous disait jamais bonjour et ne nous regardait jamais dans les yeux. Elle nous a accueillis le premier jour en nous disant : "En chirurgie, faut montrer que vous êtes motivés, sinon on vous apprendra rien." Une fois, dans un couloir je l’ai entendu dire à une interne : "On s’est tellement fait taper dessus que maintenant on est durs."     "T’as intérêt à changer d’attitude, gamine !"

"T’as intérêt à changer d’attitude, gamine !"

Infirmière "Des obèses qui te cassent le dos, t'en auras !" -  (…) Je suis en première année, c’est mon premier stage, dans un hôpital public gériatrique, dans une unité de SSR d’oncologie. (…) Autant dire que je n’y connais rien même si j’ai reçu une formation pratique. Mon stage se déroule plutôt bien, j’apprends. J’ai en charge deux patients avec une perte totale d’autonomie. Comme c’est mon premier stage, je suis plus souvent avec les aides-soignants qu’avec les infirmières. À la quatrième semaine, je signale que la fin de mon stage approche et j’essaie de voir "quand et avec qui" je dois remplir ma feuille de fin de stage. Là, on me répond : " Ah mais il va falloir que tu fasses une MSP (mise en situation professionnelle)". Je n’avais jamais entendu parler de ça, je ne savais même pas ce que c’était. Je demande que l’on m’éclaire. L’infirmière et l’aide-soignante me disent : "Vous, les nouveaux étudiants, vous ne savez rien faire avec cette nouvelle formation. C’est vraiment de la merde ce qu’on vous apprend ! Vous ne faites même plus de MSP alors que c’est la base ! Avec nous, tu vas faire une MSP, et c’est comme ça. Tu vas faire la toilette de Madame X et l’aide-­soignante va t’encadrer. Et tu vas la faire seule. On va voir ce qu’on vous apprend à l’école" Elles poursuivent : "Madame X en question, c’est une femme de 120 kg, BPCO, 85 ans, avec une infection à ­Clostridium difficile. Toilette au lit car elle ne peut plus bouger." J’ai le trac (…) Je commence la toilette. L’aide-soignante est dans un coin de la pièce et me regarde faire, les bras croisés. Au moment où je dois lui laver le dos, je demande à l’aide-soignante si elle peut m’aider à retourner la patiente… de 120 kg ! Elle me répond : "Moi, je te regarde. Tu crois quoi ?! " Embarrassée, avec le trac, je rougis et la patiente et moi, nous nous regardons. Je lui demande d’agripper la barrière et de se tenir pour que je puisse lui laver le dos. L’aide-soignante s’approche de moi et approche son visage à 15 cm du mien : "Pourquoi tu deviens toute rouge, t’aimes pas ce que je te dis ? Ça t’emmerde de faire une toilette parce que t’es élève infirmière ? Des toilettes, t’en feras, crois-moi." (…) L’aide-­soignante, elle, me regarde devenir encore plus rouge : "Tu as quelque chose à me dire ? Pourquoi t’es toute rouge " J’ai la gorge serrée, je fais « non » de la tête et je dis : "J’essaie de ­m’appliquer…"  Je reconnais à peine ma voix tellement j’ai du mal à sortir un son. La patiente me dit : "Vous faites ça très bien". J’ai envie de pleurer. Je continue la toilette. L’aide-soignante ajoute devant la patiente : "Si un jour t’as le diplôme, tu verras, des obèses qui te cassent le dos, t’en auras." Je ne veux plus être dans la pièce. Je suis outrée et gênée que la patiente assiste à cela (…). Je sors en essayant de rester souriante pour la patiente. L’aide-soignante me suit en me poussant le dos. Dans le couloir, elle crie : " T’as intérêt à changer d’attitude, gamine !" (…). Et ça me fait penser à cette fois où je me présente à un médecin en service : "Bonjour, je suis Machin, je suis étudiante infirmière". Il est plongé dans ses dossiers et me répond : "C’est très bien… Est-ce que vous sucez ?"     "S’il meurt, ça sera de ta faute !"

"S’il meurt, ça sera de ta faute !"

Etudiante en médecine Les violences, ça fait partie du pack "études de médecine" - (…) On m'a déjà interdit de prendre une pause pour manger après être restée debout au bloc opératoire de 9 h 30 à 17 h 30 sans interruption. Je me souviens avoir retenu des larmes de désespoir. Avoir été submergée de solitude. Comme de nombreuses autres fois où ma vessie menaçait de me lâcher après des heures d’opération, mais où l’idée même de demander d’aller aux toilettes était totalement ­inenvisageable et où il devenait ­terriblement angoissant de se sentir si vulnérable. C’est dans ce contexte, entourée de sang et parfois devant un patient entre la vie et la mort qu’il est le plus difficile, selon moi, de gérer les remarques cassantes qui nous sont destinées, comme pour tester notre résistance : "Non mais pas comme ça l’aiguille ! Non mais c’est pas possible l’Externe ! S’il meurt, ça sera de ta faute !" Difficile de témoigner de l’ambiance totalement oppressante dans laquelle on se retrouve si seul parfois. Puis les années passent. On s’habitue. On s’habitue aux phrases haineuses de certaines infirmières et sages-femmes, aux remarques sexistes et totalement déplacées de certains chefs : "La touffe, oui toi ! Pour toi, l’évaluation de stage, ça sera… Une toilette intime… De moi ! Haha". On fait ses armes, le métier rentre. Et on oublie. On avance.     "J’entendais l’équipe soignante rire aux éclats"

"J’entendais l’équipe soignante rire aux éclats"

Sage-femme Me faire aussi petite qu'une souris - Je suis diplômée sage-femme depuis le mois de juin 2015. Je suis partie faire mes études en Belgique durant quatre ans. Je me souviens d’un stage en maternité, service que l’on penserait "tout rose" et agréable. Dès le premier jour, je ne me suis pas sentie à l’aise. (…) Quelques jours plus tard, un professeur est venu m’évaluer. Lors de mon entretien de fin de journée, elle m’a dit :" J’ai quelque chose de délicat à te dire, mais il ne faut pas que tu le prennes mal. L’équipe m’a dit que tu sentais mauvais des bras. C’est peut-être le stress mais à l’avenir, fais attention !" À ce moment-là, j’aurais aimé me faire aussi petite qu’une souris. J’avais tellement honte et j’entendais l’équipe soignante rire aux éclats. Aux vestiaires, j’ai demandé à une très bonne amie de me dire si c’était réellement le cas. Elle m’a répondu que ce n’était absolument pas le cas. En enlevant mes affaires, j’ai senti mes aisselles. Aucune odeur désagréable, ni sur mes vêtements, ni sous mes bras. En rentrant chez moi, je me suis effondrée. Je ne voulais plus y revenir. Je souhaitais tout abandonner et repartir en France. Je me rendais malade pour chaque stage : je vomissais, je ne fermais pas l’œil de la nuit. J’ai commencé à faire de l’eczéma aux aisselles. J’ai appris par la suite qu’une collègue avait eu une réflexion du même genre mais cette fois-ci, elle avait soi-disant mauvaise haleine ! (…)     "Tu es tellement conne, débile, sale"

"Tu es tellement conne, débile, sale"

Aide-soignante Et si on lavait les patients à l'eau de Cologne ? - J’ai 27 ans. Les faits remontent à dix ans quand j’ai commencé ma formation au métier de soignant. (…) Je suis arrivée dans une maison de retraite où j’ai subi des violences verbales et physiques. Je commençais à 6 h le matin. Les toilettes des patients devaient être faites entre 6 h 15 à 8 h 30. J’avais en charge vingt patients autonomes ou alités. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de ne pas finir à l’heure. Là, on m’insultait d’"incapable", de "mauvaise soignante" et on me disait qu’il était "intolérable de ne pas finir dans les temps". (…) Démunie et sans personne pour me soutenir, j’ai fini plusieurs fois en pleurs pendant le soin d’un patient ou dans les toilettes. J’ai pu être témoin de maltraitances faites aux patients. J’ai pu voir des soignants qui lavaient les patients à l’eau de Cologne en utilisant directement le produit dans la bassine. Quand j’ai dénoncé ce procédé, on m’a insultée de "fouine", de "connasse" et de "menteuse". Pourtant, nombreuses sont celles qui le faisaient et le font encore ! Quand je faisais le ménage des chambres, mes collègues passaient derrière moi et salissaient les chambres que je venais de nettoyer. C’était très humiliant. Elles renversaient du café, étalaient du beurre sur le sol ou récupéraient des protections hygiéniques sales et les mettaient dans la salle de bains. On me traitait de "porc", de "dégueulasse". Jusqu’à me dire une fois : "J’ose même pas imaginer dans quel état est ton appartement si tu fais le ménage aussi salement ici que chez toi !"(…) Aucune oreille attentive. Même mon centre de formation était démuni et ne me croyait pas. Un jour, pendant que je préparais la salle pour le repas, une aide-soignante est venue et m’a dit : "De toute façon, tu es tellement conne, débile, sale et tu n’as aucune conscience professionnelle que tu ne seras jamais aide-soignante !" À la suite de cela, j’ai fait une dépression pendant quatre mois. (…)   "Si t’es pas capable de supporter un décès, t’es pas faite pour ce métier !"

"Si t’es pas capable de supporter un décès, t’es pas faite pour ce métier !"

Aide-soignante La pire des violences, c'est l'ignorance - "J’ai bientôt 21 ans. J’ai vécu une très mauvaise expérience lors d’un stage que j’ai effectué pendant ma formation d’aide-soignante dans un service de pneumologie. Stage ponctué d’une mise en situation professionnelle (MSP) (…). Les premiers jours, tout s’est très bien passé. Mais j’ai vite déchanté. Un patient me demande de mettre ses bandes de contention. Je ne savais pas le faire puisque les aides-soignants n’ont normalement pas le droit de le faire. Je demande alors à une infirmière ce que je dois faire. Il faut savoir qu’à l’époque, je manquais énormément de confiance en moi. Voici le dialogue : Moi :" Excusez-moi, Madame X me demande de mettre ses bandes de contention, alors je suis venue vous voir." Elle : " Tu sais les mettre ?" Moi : "Non, enfin, je croyais qu’on ne devait pas le faire." Elle : "Je sais très bien ce que tu as le droit de faire ou non ! Je te demande si tu sais les mettre !" À partir de ce moment-là, elle m’a carrément ignorée, voire méprisée. Quand je lui parlais des problèmes des patients, elle ne me parlait plus, ignorant ma présence et jetait les documents que je mettais de côté pour ma MSP. (…) Ma grand-mère était décédée dans la matinée. Le lendemain, je suis retournée en stage, en deuil. J’ai prévenu le cadre du service que je ne serais pas présente en stage le jour de l’enterrement de ma grand-mère. Je suis allée en stage sauf le jour de l’enterrement. Le lendemain de l’enterrement, j’ai craqué dans le service. J’ai bien évidemment eu le droit au fameux : "Laisse tes soucis au vestiaire" ou "Si t’es pas capable de supporter un décès, t’es pas faite pour ce métier !" (…) Pendant longtemps, je pensais ne servir à rien et j’étais complètement paumée au point de penser au suicide. Ce n’était pas tellement dans les paroles, mais dans les actions, qu’elles étaient les plus violentes : l’ignorance, le fait de se taire quand je rentrais dans une pièce, etc. Elles m’ont même dit que je n’étais pas faite pour ce métier. Le fait aussi qu’on me dise : "Ta grand-mère, on en a rien à foutre ! T’es ici pour bosser, pas pour parler de tes soucis !"   *En librairie le 2 mars 2017.

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