Alors que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin envisage de "supprimer" l’AME, pour la "transformer en aide médicale d'urgence", à la faveur de son projet de loi immigration qui sera débattu à partir du 6 novembre au Sénat, un nouveau rapport de l’ONG Médecins du monde contredit certaines idées reçues à propos du dispositif.
Sur le terrain, "parmi les personnes éligibles à l'aide médicale d'État, près de 87% n'ont pas de droits ouverts en France, preuve s'il en est de la complexité de son obtention", écrit l'ONG dans son rapport annuel consacré à ce dispositif, qui compte 400.000 bénéficiaires, pour un coût d'environ 1,2 milliard d'euros. Pour arriver à ce constat de non recours massif, Médecins du monde s'est appuyé sur l'échantillon de 17.093 personnes accueillies en 2022 dans ses quatorze centres de soins et d'orientation, fréquentés à 98% par des immigrés.
La "réalité est loin des discours hystériques et manipulateurs autour de ce dispositif de santé publique", estime le Dr Jean-François Corty, vice-président de MdM, en référence aux propos de la droite et de l'extrême droite qui réclament chaque année une restriction drastique du dispositif. "50% des personnes accusent un retard de recours aux soins" et "80% ont des vraies maladies qui nécessitent une prise en charge rapide", explique-t-il. “Le dispositif AME n'est pas abusif, il répond à des standards de prévention nécessaires et utiles."
Le "non recours" décrit par l'ONG est surtout le fait de la "méconnaissance du dispositif" de la part d'étrangers "qu'on accuse pourtant de vouloir en profiter", commente pour sa part Nadège Drouot, coordinatrice pour la région Lorraine.
“Réinterroger le dispositif”
Cela peut même concerner "des personnes en France depuis des années, soit parce qu'elles n'ont jamais été malades, soit parce qu'elles se sont débrouillées par automédication", selon elle. Au final, même quand elles connaissent l'AME, "plus de 20% des personnes renoncent aux droits en raison de la complexité administrative pour y accéder", rapporte la responsable. "D'un point de vue sanitaire, dire qu'il faut supprimer l'AME au profit d'un dispositif d'urgence, ça n'a pas de sens", reprend le Dr Corty. C'est pourtant la position du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. La proposition ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi gouvernemental : elle a été ajoutée par amendement par la commission des Lois du Sénat, contrôlée par la droite.
La Première ministre Élisabeth Borne juge désormais "légitime de réinterroger" le dispositif. Elle a diligenté une mission en ce sens, confiée à deux personnalités politiques, Patrick Stéfanini, marqué à droite et Claude Evin, marqué à gauche. Ils devront rendre un pré-rapport le 2 novembre. Soit quatre jours avant l'ouverture du débat parlementaire.
[avec AFP]
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