Chercheur pendant dix ans, il devient médecin généraliste : "Ce sont deux disciplines très complémentaires"
Après une thèse sur la résistance des traitements contre le paludisme et dix années de recherche universitaire sur l’infertilité masculine, le Dr Patrice Njomnang Soh a fait le grand saut. En 2022, il ajoute une nouvelle corde à son arc et obtient son doctorat de médecine. Un an et demi après s’être installé dans le cabinet Mexico à Saint-Gaudens (Haute-Garonne), le médecin de 49 ans revient sur ce changement de vie.
Étudiant, le Dr Patrice Njomnang Soh ne se rêvait non pas médecin, mais chercheur. Pendant ses études, dans les années 2000, le scientifique choisi de se spécialiser dans les maladies tropicales et plus particulièrement le paludisme. "C’est une cause majeure de mortalité par maladie dans le monde", affirme-t-il. "J’avais aussi l’envie d’apporter ma modeste pierre, parce que dans les années 1990, et surtout au début des années 2000, on a vu un pic de mortalité du paludisme", se souvient-il. Quelques chercheurs travaillaient déjà sur cette parasitose. "Grâce aux données d’études, on savait pertinemment que traiter le paludisme avec un médicament pour lequel les parasites [sont] résistants aggrave [le taux de] mortalité."
Les "ravages" du paludisme
Si le paludisme a particulièrement marqué Patrice Njomnang Soh, c’est parce que lors d’un voyage en Afrique, il a lui-même fait "le constat terrible des ravages de cette maladie qui n’intéressait pas grand monde". En mai 1998, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lance l’initiative "Faire reculer le paludisme" en partenariat avec la Banque mondiale et l’Unicef*, pour "réduire la morbidité et la mortalité liées au paludisme en atteignant une couverture universelle et en renforçant les systèmes de santé".
En 2003, le Conseil indien pour la recherche médicale (ICMR), la Fondation Oswaldo Cruz du Brésil, l’Institut de recherche médicale du Kenya (KEMRI), le ministère de la Santé de Malaisie, et l’Institut Pasteur en France s’associent à Médecins sans frontières pour créer l'initiative Médicaments contre les maladies négligées (DNDi)**. L’objectif était "d’apporter un traitement efficace et adapté aux populations, et de promouvoir la prévention avec beaucoup d’éducation thérapeutique, plutôt que le tout curatif", précise Patrice Njomnang Soh.
Il faudra attendre dix ans après cette initiative pour voir la mortalité du paludisme diminuer. Intéressé par ce projet qui lui "tenait à cœur", le doctorant de l’époque décide de consacrer sa thèse "sur l’épidémiologie de cette résistance [aux médicaments contre le paludisme, NDLR] et sur la recherche de nouveaux traitements", confie-t-il.
"La médecine pouvait être un très bon complément"
En 2007, une fois son doctorat en poche, le Dr Patrice Njomnang Soh change de sujet d’étude. Il est recruté comme ingénieur de recherche au département d’urologie-andrologie du CHU de Toulouse. Il passera dix années de sa vie à travailler principalement sur les thématiques liées à l’infertilité. "C’est là que j’ai décidé de me tourner vers la médecine grâce à une passerelle", se rappelle-t-il. Il s’est aperçu que "la médecine pouvait être un très bon complément, autant dans la compréhension, que dans l’anatomie ou dans la physiopathologie et c’est aussi ça qui est intéressant dans la prise en charge globale du patient", explique-t-il.
Si travailler dans la recherche était son premier objectif, il a très vite compris que son souhait était plutôt de "mêler la médecine, c’est-à-dire la connaissance de la pathologie et de la physiologie humaine, avec les innovations, que ce soit en termes de diagnostic ou de thérapeutiques", reconnaît-il. Associer médecine et recherche quotidiennement au sein de son travail "permet de bien comprendre les problématiques. La médecine et la recherche sont complémentaires", répète-t-il.
Après un concours réussi, il obtient son doctorat en 2022 et devient alors officiellement médecin généraliste. "Avec [cette spécialité], on est au carrefour des prises en charge parce que [le patient] passe [d’abord] par nous et évolue ensuite vers les autres spécialités. Donc ça permet d’avoir une vision plus globalisante de la prise en charge médicale, que ce soit dans la prévention ou dans la prise en charge curative", indique le Dr Patrice Njomnang Soh.
"Complètement surbooké"
En mai 2023, le médecin généraliste s’installe dans le cabinet Mexico de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), à une heure de Toulouse, dans une ville "qu’il connaît bien" et sur "un territoire qui a besoin de médecins". "Mais, peut-être pas autant que dans d’autres territoires en France", tient à relativiser celui qui a déjà remplacé en Corrèze. "On n’est pas dans les mêmes difficultés, là-bas c’était vraiment terrifiant", se souvient-il.
À Saint-Gaudens, "entre 25 et 30% de patients sans médecin traitant", assure le généraliste. Un an et demi après son installation, le médecin de 49 ans se sent "complètement surbooké". Avec ses plus de 50 heures hebdomadaires, il confie avoir déjà vu près de 1 700 patients. "J’en vois tellement que je ne peux même plus me permettre de dire que j’ouvre ma patientèle à tout le monde. C’est dire à quel point je suis sous l’eau", reconnaît-il. Même s’il veut toujours rester optimiste, le médecin appréhende aussi le futur de son cabinet composé de sept autres généralistes, dont l’un d’eux devrait partir "dans les cinq années à venir".
Toujours un pied dans la recherche
D’autant que le Dr Patrice Njomnang Soh n’a pas complètement abandonné la recherche. Les 10 et 11 décembre derniers, il se trouvait à Yaoundé, au Cameroun, pour les Journées internationales de microbiologie. "J’ai présenté l’évolution des niveaux de résistance du paludisme et surtout le danger de l’absence d’innovation thérapeutique, parce que jusqu’à aujourd’hui, on utilise toujours les mêmes stratégies thérapeutiques inspirées par le projet de DNDi. On voit qu’il y a quand même une tendance à la baisse de l’efficacité de ces traitements. Ça fait peur parce que dans les cinq ou dix ans à venir, on pourrait voir repartir à la hausse les taux de mortalité."
Aujourd’hui, le Dr Patrice Njomnang Soh explique qu'il "travaille toujours en suivant l’évolution de l’état de l’art [l'état des connaissances d'un domaine à un moment donné, NDLR] et c’est ça qui est sympathique et intéressant dans le métier de médecin". "Toutes les stratégies de recherche ne sont pas forcément intéressantes, mais lorsqu’on identifie des protocoles qui ont une cohérence et qui donnent une clairvoyance soit dans le diagnostic soit dans la thérapeutique, ça permet [aux médecins de] s’adapter", précise-t-il.
En plus de son engagement, le médecin est aussi enseignant chargé de cours à la faculté de médecine de Toulouse, dans le département urologie-andrologie, où il avait été recruté après son premier doctorat. "J’ai la chance de pouvoir donner des cours en ligne depuis ma maison", explique-t-il. Ce qui lui permet ainsi de s’organiser entre cours à la faculté et consultations au cabinet.
Malgré son emploi du temps plus que chargé, le médecin n’imagine pas abandonner son cabinet, ses patients et ses sept confrères. "L’idée, c’est bien sûr de rester, sauf si les habitants ne veulent plus de moi", dit-il en riant.
*Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef).
**Drugs for Neglected Diseases (DNDi).
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