"Je suis d'astreinte 24h/24" : diplômé à 68 ans et installé sur une île, ce généraliste savoure "enfin" son "bonheur"

06/02/2024 Par Sandy Bonin
Témoignage
Il y a des personnages qui marquent et dont on a envie de suivre le parcours. C'est le cas du Dr Bernard Pino. Ce "jeune" diplômé en médecine générale âgé de 68 ans vient de s'installer sur l'île de Sein (Finistère). En poste un mois sur deux, il est le seul médecin de l'île, en alternance avec une consœur. D'astreinte 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, il occupe la fonction de généraliste, urgentiste, infirmier et pharmacien. Une vie dont le sexagénaire a toujours rêvé et qu'il savoure à chaque instant. Nous l'avions suivi en juin 2022 alors qu'il était encore interne. 

 

"J'ai gravi l'Everest, je suis arrivé au sommet, j'ai planté mon drapeau. Je me sens hyper bien." Après un parcours long et semé d'embûches, le Dr Bernard Pino a soutenu sa thèse sur "les vieux internes" en septembre dernier. Carabin dans les années 1970, Bernard Pino avait dû tout arrêter pour des raisons financières. A 59 ans, l'ex-chef d'entreprise décide de suivre sa vocation et de reprendre ses études de médecine. Il contracte un prêt étudiant et se lance, soutenu par ses quatre enfants et sa femme, médecin scolaire. Un projet ambitieux qui s'est enfin concrétisé le 15 décembre 2023, lorsqu'il s'est installé en tant que médecin généraliste sur l'île de Sein dans le Finistère.

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Pour une première installation, le jeune médecin de 68 ans n'a pas fait dans la simplicité. Il a choisi une île de 300 habitants, reliée au continent par une seule traversée quotidienne. Le praticien occupe donc le poste de médecin généraliste, urgentiste, infirmier et pharmacien un mois sur deux en alternance avec la praticienne historique de l'île. "Elle ne voulait plus faire ça en permanence", explique le Dr Pino, qui a côtoyé la généraliste à plusieurs reprises pour des remplacements pendant sa formation.  

 

"Le bateau arrive à 10h30, je l'attends avec ma petite charrette"

Tous les deux mois, la vie du sexagénaire est donc "rythmée par le bateau", qui arrive tous les matins sur l'île... "quand il n'y a pas de tempête". "Il arrive à 10h30, je l'attends avec ma petite charrette pour récupérer les médicaments que j'ai commandés chez le grossiste", témoigne Bernard Pino. Régulièrement il y retrouve, au port, des patients venus pour lui demander un rendez-vous qu'il programme dans la journée.  

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"Quand je croise des patients dehors, les relations sont amicales, tout le monde se tutoie, mais une fois au cabinet, je me transforme en médecin et la relation change. Une fois l'ordonnance faite, on repasse directement à autre chose", décrit Bernard Pino qui se réjouit de cette proximité avec sa patientèle. "Ce contact avec les patients, c'est vraiment ce qui me rend heureux. Je pratique ma propre médecine avec ma touche d'humanité. Je respecte les gens et c'est réciproque. Quand je vais voir un patient, c'est comme si je montais sur scène. J'ai cet élan. J'accueille chaque patient comme s'il était le premier et que j'avais tout mon temps à lui accorder", confie le généraliste. 

Les mercredis, le bateau arrive à 10h30 pour repartir à 11h. "C'est le jour où je fais les prélèvements pour qu'ils partent sur le continent", explique le Dr Pino. "Les résultats sont disponibles dès le lendemain, comme partout. Et le mercredi après-midi, je prépare les piluliers", décrit le médecin multitâches. 

 

"J'ai déjà eu deux AVC et une occlusion intestinale"

Si l'été, Sein se remplit de touristes, la plupart du temps l'activité est assez calme. "Pour la période de Noel, j'ai fait 80 consultations en un mois. Il n'y avait plus personne sur l'île", plaisante Bernard Pino. Mais au-delà des consultations, le soignant est d'astreinte sept jours sur sept et 24 heures sur 24. "Mes revenus sont aussi assurés par les gardes entre 18 et 20h et entre minuit et 8h. Cela me rapporte en moyenne 150 euros de chiffre d'affaires par jour. Je gagne entre 3 000 et 4 000 euros par mois", calcule le généraliste.  

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En cas d'urgences médicales, le médecin intervient immédiatement auprès des patients et les évacue si nécéssaire par hélicoptère ou par la mer. "J'ai déjà eu deux AVC et une occlusion intestinale", rapporte le praticien, qui a donc fait appel aux équipages par hélicoptère pour évacuer les malades sur Quimper "en neuf minutes". "En cas de fracture par exemple, je pose une attelle et le patient prend le bateau pour aller aux urgences", explique Bernard Pino. Mais avec une seule traversée quotidienne, les îliens qui quittent Sein pour consulter sur le continent doivent y passer la nuit et ne peuvent revenir que le lendemain.  

Quand il n'est pas sur l'île, un mois sur deux, Bernard Pino poursuit son exercice de la médecine mais au sein des urgences de Pontivy, dans le Morbihan, pendant deux à trois semaines. "C'est à 150 kilomètres de chez moi. Je dors sur place comme pas mal de médecins des alentours", raconte le généraliste qui apprécie le rythme du service. "Il y a du monde, je cours de partout, mais ça me plait. L'équipe paramédicale est au top, elle fait un travail formidable", se réjouit Bernard Pino. 

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Le reste du temps, Bernard Pino, basé entre Pont l'Abbé et Guilvinec, profite de sa famille. "On part en Irlande dans 15 jours avec ma femme. Cette vie nous va bien", confie le médecin. "Je me sens hyper bien dans ma tête et dans mon corps, je suis heureux, et cela fait le bonheur de mon entourage qui sont ravis de me voir si épanoui." 

 

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15 commentaires
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Médecins (CNOM)
il y a 10 mois
Tiens, bizarre le Service Public n'est pas là... Brave Confrère, qui passe 1 mois sur 2 au service d'une population (7j/7 et 24h/24) à 68 ans ! Mais en exercice libéral... Pourquoi les collectivités t
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Anesthésie-réanimation
il y a 10 mois
2 commentaires. J’ai connu 2 (seulement) collègues qui ont eu une histoire similaire. Une avec un parcours d’urgentiste (SAMU, SMUR, Urgences) qui a « débuté » ses études à 45 ans sans re
Photo de profil de Chambon Dominique
2,4 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 9 mois
C’est tout à fait ce que j’ai vécu les 8 premières années de mon exercice, dans un village perché en Corrèze, isolé de tout. Et j’ai pris mon pied, sauf que j’étais plus jeune… Si je trouve l’adresse
 
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