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"On est déjà exploités pendant l'internat" : les lecteurs d'Egora opposés à un "service national" obligatoire pour les jeunes médecins

Il y a quelques semaines, la ministre de la Santé se disait favorable à l'instauration d'un "service national" obligatoire dans une zone en difficulté pour les jeunes médecins. Une proposition contraignante qui déplaît largement aux lecteurs d'Egora. En effet, 85% d'entre eux y sont opposés

27/11/2024 Par Chloé Subileau
Vie étudiante
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Alors que les débats autour du projet de loi de financement de la Sécurité social (PLFSS) pour 2025 ont relancé la menace de la régulation à l'installation des médecins, la ministre de la Santé et de l'Accès aux soins s'est dit mi-novembre favorable à l'instauration d'un "service national" obligatoire à l'issue de l'internat. "Moi, je trouve que [c'est] intéressant, par exemple, de demander à des jeunes médecins […], pendant un an ou deux, de travailler dans des zones en difficulté", a déclaré Geneviève Darrieussecq, interrogée sur France Info.

Début octobre, le Premier ministre, Michel Barnier, avait déjà affirmé lors de son discours de politique générale vouloir mettre en place un programme "Hippocrate" permettant aux internes d'exercer dans les territoires les moins dotés.

Quelques jours plus tard, la Conférence nationale des doyens de médecine évoquait, à son tour, la possibilité d'instaurer "un service médical à la Nation". Ce dispositif, à destination des jeunes médecins, était présenté comme "une façon de rendre à la Nation ce qu'on leur a donné, à savoir, se former. C'est une façon de rentrer dans la mission de médecine tout rendant service à la Nation", détaillait le Pr Benoît Verber, président de la Conférence.

Des propositions balayées par les associations et syndicats étudiants, qui voient dans ces mesures un sacrifice supplémentaire.

Interrogés sur la question "Est-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour les jeunes médecins", les lecteurs d'Egora* s'y sont montrés opposés à 85%."On est déjà exploité[s] plusieurs années pendant l'internat non ?", a lancé l'un d'eux.  "Ça suffit !!!", s'est emporté un autre. Pour Julie P., généraliste, "les internes sont [déjà] les petites mains de l’hôpital [pendant] suffisamment d’années !" "Encore une année de plus ?, s'est-elle agacée, sur Egora. C’est donc les jeunes médecins qui doivent payer les erreurs de nos politiques pendant les dernières décennies ? Quelle aberration…"

 

"Comment voulez-vous attirer des jeunes vers le beau métier de médecin généraliste avec de telles obligations ? Quand on pense aux inepties des années numerus clausus... Finalement autant obliger les patients à ne plus résider en zone sous dotée...", a écrit Bernard G., médecin.

"Toute obligatoire peut être contournée, détournée"

"Nos jeunes internes sont déjà là pour assurer en grande partie le fonctionnement des services hospitaliers ! A trente ans en moyenne, ils et elles ont le droit de penser à leur vie de famille, ce qui sous-entend que leur conjoint a aussi le droit de choisir son endroit d’affectation professionnelle. Cela veut dire qu’en dehors de célibataires endurcis et réfractaires à la vie de couple, vous ne forcerez pas de jeunes médecins à s’installer dans le fin fond de nos départements sous-développés", a ajouté Arnauld S.

André J. anesthésiste-réanimateur, a mis en évidence une autre limite à ce service sanitaire :  "Toute obligation peut être contournée, détournée et aboutit à une faible efficacité ..." "Les études de médecine sont suffisamment longues, avec leurs activités obligatoires dans les hôpitaux, le travail universitaire supplémentaire pour les élites futurs professeurs ou chercheurs, les préparations aux concours. La vie privée en pâtit déjà assez avec les inconnus de la carrière future, du lieu d'exercice, des revenus maigres avant la vraie fin des études souvent après trente ans", a détaillé le praticien, estimant qu'en ajoutant une telle contrainte, "certaines vocations n'y résister[ont] pas".

Quelques lecteurs se sont toutefois montrés plus ouverts à cette proposition. L'un d'entre eux s'y est notamment dit favorable à ce service national, mais seulement "si nécessaire, pour un temps limité qui permet la pratique et l'acclimatation du jeune praticien et rend service à ses concitoyens", a indiqué Alain D., médecin. "Faire une cartographie des lieux d’installation équitable sur tout le territoire me semble juste. Les études ont été financées par le contribuable et dans beaucoup de secteur, les postes sont attribués en fonction des manques", a également avancé une lectrice, Violette S.

"Si ce service sanitaire supplémentaire est instauré, il faudra le rémunérer à sa juste valeur"

Pour Michael F., médecin, ce service sanitaire "pourrait être utile à notre pays", seulement un tel dispositif "existe déjà lorsqu'on impose aux étudiants médecins à faire tourner les établissements de santé". "Si ce service sanitaire supplémentaire est instauré, il faudra le rémunérer à sa juste valeur", a prévenu le praticien.

Enfin, "si cette instauration de service sanitaire est proposée c’est qu’aucune mesure tangible d’amélioration de la couverture de médecins des zones sous denses n’est proposée par les médecins : est-ce que ce service sanitaire est très différent de l’année de docteur junior proposée par la loi Valletoux ?", a lancé Laure A., sur Egora. "Ce qu’il faut comprendre c’est qu’on ne peut pas laisser des populations entières sans prise en charge par des médecins ! Soit les médecins généralistes et spécialistes eux-mêmes déjà installés s’organisent et optent pour un temps médical partagé avec des zones sous-dotées, soit on demandera aux jeunes médecins de travailler transitoirement dans un territoire où ils ne veulent pas vivre", a insisté la médecin.

*499 votes.

Suivrez-vous le mot d'ordre de "Médecins pour demain" en portant un brassard noir en décembre ?

Pierre Berton

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Pour ce que ça va changer... Ah, en passant, l'idée germe de connecter-raccorder les fichiers numériques de médecine du travail ... Lire plus

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