"Les médecins ne sont pas responsables des choix du passé" : le plaidoyer de François Braun à la tribune de l'Assemblée

13/06/2023 Par Aveline Marques
L'examen de la proposition de loi Valletoux a débuté lundi à l'Assemblée nationale, et doit se poursuivre jusqu'à vendredi. Sans surprise, la question de la régulation de l'installation des médecins libéraux, qui va faire l'objet d'un amendement, a été abordée dès la discussion générale. Face au groupe des transpartisans, menés par Guillaume Garot, les ministres François Braun et Agnès Firmin Le Bodo ont mis en garde contre des "fausses solutions" aux déserts médicaux. 

 

Cette semaine, les médecins libéraux vont avoir les oreilles qui sifflent.  Alors que les députés examinent la proposition de loi visant à "améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels de santé", dite Valletoux, la question de la liberté d'installation promet d'être vivement débattue. Sans attendre l'examen de l'amendement transpartisan porté par Guillaume Garot (PS) visant à limiter l'installation des médecins et dentistes en dehors des zones sous-dotées, le Gouvernement et les députés ont abordé le sujet d'entrée de jeu, lundi, dès les discours introductifs. 

 

"Zéro fois zéro faut toujours zéro" 

Prenant la parole après le rapporteur de la proposition de loi, Frédéric Valletoux (Horizons), le ministre de la Santé François Braun a mis en garde les députés contre un "remède attractif à court terme – et politiquement porteur", mais qui, en créant des "rigidités et des contraintes serait totalement contreproductif et ne ferait que détourner plus encore de l’exercice de la médecine, et en particulier de la médecine générale". "La régulation des médecins constitue typiquement une fausse bonne solution, qui peut paraître miraculeuse en théorie mais qui, dans la pratique, n’apportera pas de réponses pour nos concitoyens", a renchéri la ministre déléguée aux Professionnels de santé, Agnès Firmin Le Bodo. "Réguler le manque ne résoudra malheureusement pas nos problèmes. On m’a toujours appris que zéro fois zéro fait toujours zéro, et c’est bien la situation à laquelle nous sommes confrontés. Il n’existe pas de territoires où il y aurait trop de médecins : ce n’est pas vrai ! Et vous qui êtes sur le terrain, au plus proche de vos administrés, vous le savez." 

 

Pas plus de "400 ou 500" médecins et dentistes concernés… 

Un argumentaire qui ne suffira pas à convaincre les 200 députés partisans de serrer la vis aux médecins libéraux. "Il ne s’agit nullement d’imposer une mesure de coercition absolue, mais simplement, dans les zones qui connaissent encore une certaine surdensité médicale de faire en sorte qu’un nouveau praticien ne puisse installer sa plaque que si un autre retire la sienne, a défendu Philippe Vigier (Modem). D’abord – et ceux qui défendent les professions libérales devraient être sensibles à cet argument –, le médecin ainsi remplacé aurait au moins l’assurance de revendre sa clientèle, ce qui n’est pas le cas actuellement. Ensuite, la densité médicale n’en serait pas affectée, puisque, par définition, le nombre de professionnels resterait stable." Et le député de reconnaître que la disposition "concernerait au maximum 400 ou 500 professionnels, qui devraient alors simplement s’installer 10 ou 20 kilomètres plus loin : ceux qui connaissent les réalités géographiques à l’œuvre savent très bien qu’une telle mesure ne jouerait qu’à la marge"… 

 

"J'ai du respect pour les médecins généralistes et pour les médecins libéraux de France" 

Pertinente ou non, la mesure créé des tensions, a mis en garde François Braun. "Ces débats heurtent nos médecins. La semaine dernière encore, à Mauguio, dans l’Hérault, j’ai pu échanger avec des médecins généralistes de terrain qui m’ont dit leur désarroi devant les débats nationaux, a alerté le ministre de la Santé. Ils s’impliquent pourtant sans compter au service de leurs patients. Ils sont les premiers meurtris quand ils doivent refuser un patient. Ils ne sont pas responsables des choix du passé, tout comme les jeunes étudiants, et n’ont pas vocation à résoudre toutes les carences causées par d’autres", a-t-il plaidé. "J’ai du respect pour les médecins généralistes et pour les médecins libéraux de France. Je connais les difficultés et les frustrations qu’ils vivent au quotidien, mais aussi le lien privilégié qu’ils ont avec leurs patients. Les médecins généralistes assurent plus de 230 millions de consultations prises en charge par la sécurité sociale. Ne privons pas les Français de l’accès à des soins remboursés dont ils ont besoin." 

 

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