Dépassements d'honoraires : les Spécialistes-CSMF veulent "recalibrer" l'Optam, devenu "obsolète"
"Six millions de Français se retrouvent sans médecin traitant", a déploré le Dr Bruno Perrouty, président des Spécialistes-CSMF, ce mardi lors d'une conférence de presse dédiée à l'accès aux soins. Le neurologue ne rejette pas la faute sur les médecins libéraux, mais plutôt sur les politiciens. Il critique un "numerus clausus inadapté", "un déficit de la Sécu" accentué parce que "ce sont les gens de Bercy qui font le budget de la Sécurité sociale, pas ceux de l’avenue du Ségur. Ils ne connaissent pas le coût des prises en charges des maladies chroniques", a-t-il expliqué. Pour résoudre cet état de crise de l’accès aux soins, les Spécialistes-CSMF proposent trois mesures indispensables.
Une nouvelle hiérarchisation des consultations
Selon la confédération, il faut mettre en place quatre niveaux de consultations pour aller vers un paiement plus simplifié de l’acte médical. La première consultation commencerait à partir de 30 euros. Il s’agit des consultations de base et des suivis dits "simples". Le deuxième niveau de consultation s'établirait à 60 euros : il concernerait une expertise médicale et aurait lieu entre deux et trois fois par an pour le patient, de manière assez espacée. Ce laps de temps permettra aux spécialistes de voir davantage de patients et ainsi d’augmenter leur file active. Les consultations complexes seraient elles valorisées à 75 euros. Enfin, les consultations très complexes (comme les consultations d'annonce) seraient valorisées à 105 euros.
Objectif : mieux valoriser les actes médicaux pour permettre aux médecins de voir davantage de patients et ainsi de mieux répondre à la demande de soins. Les Spécialistes-CSMF souhaitent pouvoir coter la majoration des consultations d’urgence (MCU) de 15 euros dans un délai de cinq jours au lieu des 48 heures actuelles. "Cette majoration d’urgence est aujourd’hui un échec complet”, constate le Dr Bruno Perrouty. Il propose une "majoration des soins non programmés pour les spécialistes". Cela permettrait aux médecins de bloquer des créneaux disponibles après l’appel d’un médecin traitant, du 15, du SAS ou des services d’urgence. Les spécialistes-CSMF voient aussi un intérêt à "coter dans la même séance une consultation clinique et certains actes techniques définis dans une liste limitative". L’objectif serait de permettre aux patients de réaliser tous leurs soins en une seule et même consultation. Cela leur éviterait de revenir pour un second rendez-vous et libérerait une place pour un autre patient, tout en revalorisant les actes cliniques, "qui sont en bas de l’échelle de revenus des médecins".
Le Dr Bruno Perrouty demande par ailleurs de "recalibrer l'Optam" parce que les contraintes tarifaires ne sont plus tenables. "L'Optam est maintenant obsolète”, regrette-t-il. "On demande que l'Optam favorise un espace de liberté tarifaire à tous et pas seulement aux chefs de service comme c’est le cas actuellement", poursuit-il. Il souhaite aussi que les complémentaires santé couvrent mieux les dépassements d’honoraires.
Accélérer le déploiement des équipes de soins spécialisés
"Les équipes de soins spécialisés [ESS] doivent répondre aux soins non programmés et coordonner la prise en charge pour une ou des spécialités dans un territoire", explique le Dr Perrouty. Cette initiative permettait de développer le parcours de soins pour certaines pathologies et de coordonner les organisations territoriales. "Il faut favoriser et accélérer le déploiement des ESS", ajoute-t-il. Cette proposition a déjà été discutée avec la Cnam en novembre 2020 et validée par plusieurs groupes de travail, assure le neurologue. Pour passer dans le droit commun, la Cnam doit maintenant attendre les résultats des expérimentations.
"Mettre en place une ESS, c’est simple et on l’a déjà fait", raconte fièrement le Dr Patrick Assyag, secrétaire général du syndicat. Le cardiologue a créé une ESS de cardiologie en Île-de-France pour répondre à la problématique des patients. "On a proposé ce projet à l’ARS en expliquant que c’était un vrai besoin pour les patients", poursuit-il. Si le médecin traitant estime en consultation que son patient nécessite d’être vu par un spécialiste, il se rend sur une application et appelle un coordinateur. "Un confrère du groupe reçoit l’appel, nous avons fait le choix de prendre un médecin pour réguler ces appels”, explique le Dr Assyag. Ce coordinateur s’occupe de trouver un spécialiste du groupe en capacité de recevoir le patient, il le prévient et programme le rendez-vous. "Gagner du temps médical, c’est gagner du temps administratif", rappelle le praticien. "Cela permet de fluidifier l’accès aux soins sur un territoire donné", ajoute-t-il. "On a seulement 0.5% de nos patients, sur un total de 1.000 qui adhèrent à ce groupe, qui ont dû aller au service des urgences, on a évité de les saturer davantage.”
La délégation de tâches avec les IPA
Le ministère propose de faciliter l’embauche d’un assistant médical. Les Spécialistes-CSMF y sont favorables pour leur permettre de libérer du temps médical et donc de pouvoir augmenter leur file active. "On se rend compte que la délégation de tâches avec les IPA est bénéfique pour les médecins. Elles ont un langage plus accessible, elles font de l’éducation thérapeutique, elles ont plus de temps avec les patients", reconnaît le neurologue. Mais il prévient : "C’est une collaboration, pas un transfert de compétences. Les IPA ne doivent pas faire de diagnostic par exemple." La Cnam aide financièrement les médecins pour embaucher des assistants médicaux. Le Dr Perrouty demande de simplifier les conditions d’éligibilité et de permettre un arrêt du contrat sans pénalités. "Il faut que cette aide dépende de la file active du médecin”, poursuit-il. Autre point à améliorer selon le syndicat : la formation. "400 heures de formation pour une personne qui vient d’avoir son bac c’est très bien, mais pour une personne qui a déjà une expérience, ce n’est pas acceptable”, admet le président des Spécialistes-CSMF.
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