"Notre pratique se transforme" : les enjeux de l'actualisation du référentiel métier des médecins généralistes
Une cinquantaine de médecins étaient réunis ce samedi 23 mars pour échanger sur le projet d’actualisation du référentiel métier du généraliste, prévue pour 2025, lors de la dernière journée du congrès du Collège de médecine générale. Vaste chantier qui vise à redéfinir les missions des médecins généralistes, alors que les évolutions de la profession engendrent crise d’identité et nouveaux défis pour répondre aux besoins de santé.
“Humanité”, “diversifiée”, “empathie”, “proximité”... C’est par un nuage de mots que commence l’un des derniers ateliers du 17e congrès du Collège de médecine générale (CMG), entamé deux jours plus tôt. Une cinquantaine de généralistes, réunis ce 23 mars au matin entre les murs sombres, un poil austères, d’une salle du Palais des Congrès de Paris, les ont sélectionnés pour représenter les valeurs de leur métier. “Ce nuage montre que certaines valeurs et le souci d’une coordination plurigénérationnelle rassemblent tout le monde, convient le Pr Paul Frappé, président du CMG. En revanche, il ne permet pas de représenter toute la diversité de notre discipline : il n’y a pas de patient standard, comme il n’y a pas de médecin standard.” Et c’est en quelque sorte ce défi qui les a tous rassemblés un samedi matin : l’actualisation de leur référentiel métier, prévue pour 2025. Un grand chantier, tout juste entamé, visant à clarifier les missions et compétences des généralistes. Et, en creux, à redonner “du sens” au métier – un peu plus d’attractivité, aussi. Il faut dire que le dernier référentiel remonte à 2009 – élaboré à l’époque par le CNGE (Collège national des généralistes enseignants). Une actualisation s’impose donc.
Et pour cause : avec l’extension des compétences d’autres professionnels comme les pharmaciens, infirmières, sages-femmes, les généralistes sentent leurs missions grignotées. L’émergence d’une pratique médicale de plus en plus groupée, de centres de soins non programmés, de la téléconsultation voire de l’utilisation croissante de l’IA bouleverse également la profession. “Notre pratique se transforme, très rapidement : l’idée est d’intégrer ces nouvelles données sociologiques”, souligne le Dr Guillaume Coindard, médecin et sociologue. Dans le même temps, le vieillissement de la population assorti d’une augmentation des maladies chroniques engendrent des besoins grandissants.
Le médecin généraliste vu par ChatGPT
“Ce projet n’a de sens que s’il est porté par l'ensemble des forces vives de la profession, et donc des composantes du CMG”, insiste le Dr Jacques Battistoni, médecin généraliste vers Caen et anvien président du syndicat MG France. Ce qui implique de rassembler les avis. Alors après les premières prises de paroles des intervenants du CMG, les oreilles se tendent vers le public. Une quinzaine de médecins défilent devant le micro installé au milieu de l’assemblée. Tous généralistes, mais d’horizons différents : de Paris à Mende (Lozère), de professionnel quasi retraité à des jeunes encore non installés – voire en cours d’internat.
Les interrogations, remarques, partages d’expériences fusent. Chat GPT s’immisce même dans le débat : un jeune interne, admettant ne pas se reconnaître dans la qualification de “généraliste” ou “médecin traitant”, l’a sollicité. L’IA suggère “médecin de proximité” – la proposition fait sourire. L’anecdote illustre surtout l’une des dimensions centrales de l’échange : l’identité des médecins généralistes. D’abord au sein même de leurs rangs, à l’heure des plateformes de téléconsultation et centres de soins non programmés. “On appelle médecins généralistes ceux qui sont traitants, suivent des patients dans la durée, et en même temps tous les autres. Ça me met mal à l’aise. Il y a une perte de sens”, souffle une participante. Le référentiel pourra permettre de clarifier ce point, souligne-t-on. “Il est là pour valoriser ce qu’on veut mettre en avant dans notre métier : il y a beaucoup de discussions sur le terme de “traitant”, il faudra aussi s’intéresser à la partie “non traitante”", convient plus tard le président du CMG.
D’autant que les réflexions autour de la conception de ce nouveau référentiel comportent une autre question, bien vaste : comment répondre à des besoins de santé en hausse, avec une démographie médicale en baisse ? “Ce que nous savons - et ce qui est souvent oublié - c’est que malgré les difficultés démographiques, l’activité des médecins généralistes reste très soutenue”, insiste Jacques Battistoni. L’un des travaux pour l’élaboration du référentiel sera d’ailleurs de rassembler précisément les données de cette activité. Une autre tâche sera de “lister” les “services” que les généralistes rendent sur leur territoire. L’idée en fait d’ailleurs tiquer plus d’un dans le public : “Je ne rends pas un service, je soigne!” lance un médecin lillois. D'autres arguent que leur activité quotidienne dépasse le cadre d’une simple liste de tâches à cocher.
"Les généralistes n’ont pas le monopole du premier recours"
“Notre écosystème évolue, de nouvelles identités professionnelles émergent : il est important pour nous de définir qui fait quoi, comment travailler ensemble, pour que ce soit plus clair. Pour nous-mêmes et les autres”, résume la Dre Racha Onaisi, autre intervenante du CGM. Car les réflexions s’attachent aussi à définir le généraliste par rapport aux autres soignants. “Il y a un manque de cadres qui a pu crisper, en particulier avec la loi Rist”, admet le Dr Yoan Saynac, modérateur de l’atelier. Les généralistes n’ont pas le monopole du premier recours, nous devons réfléchir à une organisation pour fonctionner les uns avec les autres.” Autant de questions et réflexions soulevées que les professionnels chargés de l’élaboration du référentiel assurent boucler rapidement. “Ça fait des années qu’on en parle, qu’on ne le fait pas, alors on va le faire vite”, affirme Jacques Battistoni. Il promet un “A3 recto/verso” pour “l’année prochaine”. Et ce, après tout un travail de recherches documentaires, concertations entre généralistes, autres professionnels et associations de patients.
“Nous devons faire comprendre à nos tutelles qu’investir sur la médecine générale c’est gagner de l’argent ! insiste depuis le public l'actuelle présidente de MG France, la Dre Agnès Giannotti. Il nous faut un argumentaire en main pour nous aider à construire un système avec les autres professionnels de santé, mais à l’opposé d’une dérégulation qui n’offre que des réponses de courte durée et de mauvaise qualité.” Rendez-vous est donné dans un an, avec la présentation des résultats, pour savoir si toutes les attentes seront comblées.
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