
"Conditions indignes" de prise en charge : un hôpital mis en cause après la mort d'un détenu
L'hôpital de Troyes (Aube) est mis en cause dans la mort d'un détenu pris en charge par l'établissement en 2019.

Ce mercredi, le rapporteur public du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que le décès en février 2019 de Zakaria Touré, détenu de 21ans, était imputable aux "conditions indignes" de sa prise en charge par l’hôpital de Troyes.
Le 19 février 2019, ce jeune homme incarcéré à la maison d’arrêt de Troyes convulse dans sa cellule pendant son sommeil. Il est admis aux urgences de l'hôpital de Troyes à 10h44, encore parfaitement conscient.
Forme-t-on trop de médecins ?

Fabien Bray
Oui
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Quelques heures plus tard, le jeune homme développe une nouvelle crise. Malgré l'administration d'un cocktail de tranquillisants, l'agitation du détenu ne se calme pas. L'hôpital décide de faire appel aux forces de l’ordre. Les policiers vont alors lui administrer plusieurs décharges de taser. 40 minutes plus tard, le jeune détenu fait un arrêt cardiaque. Transféré en réanimation, Zakaria décède deux jours plus tard.
"Il a été traité comme un détenu et non comme un patient, dénonce Me Henri de Beauregard, l’avocat de la famille, cité par Le Parisien. Les soignants étaient convaincus qu’il simulait et ne l’ont pas traité comme il le fallait."
Sur le plan pénal, l’enquête a abouti à un non-lieu, contre lequel les proches du défunt ont fait appel. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Reims doit se prononcer.
Sur le plan administratif, l'hôpital est mis en cause. Dans son dernier rapport remis, le médecin désigné par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne se montre particulièrement sévère avec l’établissement. "De graves manquements ont été relevés et sont imputables au service d’accueil des urgences du CHG de Troyes", indique-t-il, listant une "prise en charge inadaptée de l’état d’agitation qui témoignait d’un état de souffrance cérébrale après deux crises convulsives". Le médecin fustige notamment le recours au taser. "Les décharges électriques administrées (…) ne constituent en aucun cas une thérapeutique, même si elles ont eu pour effet de 'paralyser' Monsieur Zakaria Touré ('sédation électrique')", écrit-il, dénonçant la passivité des soignants face à cette méthode. "Ces décharges électriques par taser ont été à l’origine d’une souffrance physique supplémentaire, inacceptable au sein d’un hôpital et dans un contexte de souffrance cérébrale", pointe-t-il.
Selon l'expert, une anesthésie générale avec intubation aurait dû être pratiquée, afin de réaliser un scanner cérébral. Il estime que le décès du jeune homme était "totalement évitable".
"Vous tiendrez compte de la soudaineté et de la brutalité de ce décès, ainsi que des conditions indignes dans lesquelles il est intervenu", a-t-il intimé devant le tribunal, en demandant de verser plusieurs dizaines de milliers d’euros à ses proches. La décision sera rendue d’ici trois semaines.
[avec leparisien.fr]
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