Crise des urgences : la Cour des comptes remet l'obligation de la permanence des soins sur le tapis
Sollicitée par la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale afin de réaliser une enquête sur les services des urgences hospitalières, la Cour des comptes vient de rendre son rapport. Et les Sages ne mâchent pas leurs mots. Ils estiment que les services d'urgences restent "engorgés", victimes "des dysfonctionnements du système de santé". La Cour liste plusieurs recommandations pour sortir de la crise.
Alors que les 694 structures d'urgences ont enregistré 20,9 millions de passages en 2022 en France, un chiffre en hausse constante depuis 1996 (hors Covid-19), la Cour des comptes constate une "dégradation du service rendu" ces dernières années, dont un "allongement de la durée moyenne" des passages, facteur de surmortalité.
"Les urgences à l’hôpital sont mises en difficulté par un afflux croissant de patients lié au manque de médecins de ville et au vieillissement de la population. De nombreuses mesures ont été prises par les pouvoirs publics depuis 2022 pour faire face à cet engorgement, tant à l’entrée des urgences qu’à la sortie mais elles sont loin d’avoir produit tous leurs effets et certaines doivent être complétées", constatent les Sages dans leur rapport, rendu mardi 19 novembre.
"Les urgences demeurent l'exutoire de tous les dysfonctionnements du système de santé"
Plusieurs phénomènes se conjuguent : les médecins se raréfient en ville, particulièrement les nuits et week-ends, poussant vers l'hôpital des malades qui ne relèvent pas de l'urgence ; la population vieillit, nécessitant plus de soins ; et le manque de lits "d'aval" pour hospitaliser les malades ralentit les "sorties", note la Cour.
Si elle constate que "de nombreux axes d'amélioration ont été impulsés" par des réformes depuis 2018, elle relève toutefois que "les urgences demeurent l'exutoire de tous les dysfonctionnements du système de santé".
Parmi les pistes d'amélioration, la Cour suggère de mieux coordonner et encadrer les équipes intervenant à la demande du SAS et celles engagées dans la permanence des soins de ville les soirs et week-ends (PDSA). Les Sages regrettent que certaines mesures, comme les délégations de tâches vers des soignants paramédicaux, se heurtent à des "résistances au changement" et procédures complexes qui les "neutralisent".
Le territoire reste mal couvert par la PDSA, observent les magistrats, posant "la question du rétablissement de la participation obligatoire" des médecins libéraux, "couplée avec des mesures d'équilibrage territorial" des installations de praticiens. Ils préconisent que les centres de soins non programmés privés soient soumis à un "régime d'autorisation spécifique".
Mutualisation des équipes d'urgentistes, améliorer les données de santé...
"Des progrès sont aussi possibles et nécessaires dans l’anticipation des besoins en médecins urgentistes et dans le suivi de l’effectif de cette spécialité", constate la Cour qui préconise de "mutualiser les équipes d’urgentistes à l’échelle de plusieurs établissements".
Le rapport plaide également pour "systématiser les filières d'hospitalisation directe" pour les personnes âgées, sans passage aux urgences, "généraliser les équipes territoriales d'urgence" (mutualisation des urgentistes sur un bassin de population), et travailler sur la "gestion des lits d'aval" à l'échelle d'un territoire, pour réorienter rapidement les patients qui nécessitent une hospitalisation.
La Cour recommande aussi de regrouper et améliorer les données liées aux urgences, pour suivre l'activité et la facturation, et rendre publiques des informations en temps réel sur les services ouverts et temps d'attente.
Le coût total des urgences pour 2023 a été estimé à 5 597 millions d’euros, dont 5 312 millions d’euros à la charge de l'Assurance maladie, représentant 5,17% des dépenses hospitalières prévues par l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam).
[Avec AFP]
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