Vers une nouvelle fermeture des labos à Noël : le torchon brûle entre les biologistes et la Cnam
Après un premier mouvement de grève mi-septembre, les biologistes médicaux s’apprêtent à fermer une nouvelle fois leurs laboratoires entre le 23 et le 31 décembre. Les syndicats dénoncent unanimement la baisse "drastique" de leurs tarifs, décidée, selon eux, "sans concertation" par la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) à la fin de l’été.
Les syndicats des biologistes médicaux avaient prévenu : si aucun accord n’était trouvé avec l’Assurance maladie, ils poursuivraient leur action. Ils s’apprêtent à mettre leur menace à exécution. Après avoir fermé leurs laboratoires entre le 20 et 23 septembre derniers, une nouvelle grève "se prépare", confirme à Egora le Dr François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDBIO). Pour l’heure, les syndicats n'ont pas encore officiellement communiqué sur ce mouvement, mais les laboratoires baisseront bien le rideau entre le 23 et le 31 décembre prochains. Le cabinet de Geneviève Darrieussecq, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, a été prévenu ainsi que la Cnam, précisent plusieurs sources syndicales.
Les syndicats ont entamé un bras-de-fer avec la Caisse nationale de l’Assurance maladie cet été, dénonçant "la réduction drastique des cotations des actes de biologie médicale, équivalente à une recherche d’économies de 360 millions d’euros en année pleine". Cette baisse a été "imposée" par la Cnam, "sans concertation", au "motif que la croissance annuelle du nombre d’examens de biologie est supérieure aux estimations ayant servi de base à la définition de l’enveloppe allouée à la biologie", écrit l'intersyndicale* dans une note explicative intitulée "Alerte des biologistes médicaux pour la survie des laboratoires de proximité : explications", diffusée lundi 28 octobre.
"On a épuisé l'enveloppe"
En juillet 2023, un protocole d’accord triennal 2024-2026 avait été signé par les sept syndicats de biologistes et la Cnam. Mais ce dernier reposait sur des "données erronées" pour les dépenses 2023 et les prévisions de croissance 2024, selon les syndicats. Ce protocole, fixant l’enveloppe dédiée au secteur, "convenait en effet d’une croissance de 2,5%". Or, elle a par la suite été "réévaluée à près de 6%" sans que les représentants de la profession ne soient associés aux discussions, fustigent-ils, accusant la Cnam d’avoir "agi unilatéralement".
Résultat des comptes : "On a épuisé l’enveloppe", signale le Dr Jean-Claude Azoulay, président du Syndicat national des médecins biologistes (SNMB), joint par Egora. "A partir du 23 décembre, il n’y aura plus de moyens [pour] nos actes", ajoute-t-il, inquiet pour l’avenir du secteur. "La décision de la Cnam menace la capacité des laboratoires à assurer, avec la même qualité, le volume important d’examens réalisés (sans qu’ils puissent contrôler le nombre de prescriptions et donc le volume total d’actes !)", écrit l'intersyndicale, dans sa note explicative.
Les conséquences pourraient être gravissimes, ajoute-t-elle. Cette décision "risque d’entraîner la disparition de l’offre indispensable au fonctionnement du système de soin", préviennent les syndicats. Et d’ajouter : "Jusqu’à 69% des 3800 sites de prélèvement français pourraient être impactes dans leur fonctionnement par une baisse des tarifs : 2600 sites pourraient fermer ou réduire leurs horaires".
"Absence totale de dialogue"
Malgré la mobilisation massive de mi-septembre ("95% des laboratoires" avaient fermé), les syndicats, qui souhaitaient revenir à la table des négociations avec l’Assurance maladie, "peinent à se faire entendre". Ils déplorent "l’absence totale de dialogue depuis l’annonce de la Cnam" et "l’impossibilité d’ouvrir un canal d’échange fiable et transparent avec les pouvoirs publics". Ils s’inquiètent en outre d’un article au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 qui "accorde un droit unilatéral à l’Assurance maladie de décider des baisses tarifaires en cas de non-respect des objectifs quantitatifs ou de la trajectoire de l’accord de maîtrise des dépenses", synonyme de "remise en cause du dialogue conventionnel".
Pour ces raisons, une nouvelle "cessation d’activité" a été décidée du 23 au 31 décembre, explique Jean-Claude Azoulay.
Une décision que dénonce "vigoureusement" la Cnam dans un communiqué de presse diffusé ce mardi 29 octobre. Ce nouvel appel à la grève "pénaliserait à nouveau les patients dans leur nécessaire accès aux soins", écrit-elle. En outre, il "s’appuie sur une présentation tronquée de la situation et des contrevérités manifestes", pointe la Caisse, assurant qu’il "n’existe pas d’enveloppe qui limiterait les dépenses de biologie médicale en France", et que "tous les examens et analyses réalisés par les assurés seront pris en charge dans les conditions habituelles par l’Assurance maladie tout au long de l’année 2024 et au-delà".
Pour la Caisse, "aucun élément ne justifie une fermeture des laboratoires qui pourront naturellement continuer à pratiquer des examens et prélèvements après le 23 décembre". Elle affirme par ailleurs qu’elle "n’attend aucun effort supplémentaire par rapport aux éléments prévus dans le protocole pluriannuel 2024-2026" et "demande simplement le respect des termes de ce protocole par un secteur qui continue de présenter des niveaux de rentabilité très élevés". Elle en appelle enfin à la "déontologie" des médecins et pharmaciens biologistes, déplorant la "communication outrancière" de l’intersyndicale qui "ne contribue qu’à inquiéter les patients voire à freiner la réalisation d’examens nécessaires pour leur bonne prise en charge médicale".
Pour Jean-Claude Azoulay, président du SNMB, la Cnam "joue avec les mots". Si elle assure prendre en charge les examens et analyses, elle le fera "en nous ponctionnant", assure le syndicaliste. Cela se traduira en effet par "des baisses de tarifs l’année suivante". Or, "on a déjà rendu plusieurs milliards d’euros à l’Assurance maladie en dix ans", rappelle-t-il. Et de conclure : "Je veux bien qu’on participe à l’effort [de maîtrise des dépenses de santé] mais il faut un peu de cohérence…"
Une pétition a également été lancée par l’intersyndicale.
*Syndicat national des médecins biologistes (SNMB), Syndicat Les Biologistes médicaux (Les BIOMED), Syndicat des Biologistes (SDBIO), Syndicat des Laboratoires de biologie clinique (SLBC).
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus