Crédit : Louise Claereboudt
"Dans la vie, je suis médecin et cuisinier" : rencontre avec le chef nîmois Danielson Rakotoarivony
Il y a un peu plus d'un an, le Dr Danielson Rakotoarivony, médecin nutritionniste, a réalisé l'un de ses nombreux rêves : ouvrir son propre restaurant à Nîmes, dans le Gard. Un sacré défi pour le trentenaire d'origine malgache qui compte bien continuer à porter la blouse blanche en plus du tablier. Nous l'avons rencontré dans son établissement bistronomique, où il allie avec passion ses deux cultures.
Crédit : Louise Claereboudt
C'est avant tout "pour faire plaisir à ses parents" que Danielson Rakotoarivony s'est lancé dans les études de médecine après son baccalauréat. Peu avant sa naissance, en 1992, son père et sa mère avaient quitté Madagascar pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants et leur permettre de faire des études. "Là-bas, il n'y avait aucun débouché." Dès son plus jeune âge, Danielson se passionne pour la cuisine, bercé par sa double culture, française et malgache. Il est bien plus intéressé par le processus de création que par le fait d'étudier. "Mais mes parents m'ont dit : 'On n'est pas venus en France pour que tu fasses des omelettes'", se souvient le trentenaire, installé à une table de son restaurant nîmois "Les Magnolias", en riant.
Alors même qu'il n'en a pas vraiment envie, il s'exécute et s'inscrit en médecine, cette noble voie qu'avait lui-même empruntée son père à Madagascar. "Quand il est arrivé en France ça a été compliqué, il fallait avoir l'équivalence. La médecine est un métier très difficile, mais ça l'était d'autant plus pour mon père. Il faisait des heures et des heures pour avoir un salaire pas forcément représentatif du travail qui était effectué. Mais c'était la règle, il ne s'en plaignait pas." Danielson intègre la faculté de médecine de Montpellier, où il a grandi. "Tous les ans je me disais : 'C'est bon tu leur as fait plaisir, tu peux arrêter'. Le truc c'est qu'on est tellement embarqué dans les études, qu'on ne peut pas arrêter !"
Il n'en oublie pas pour autant son envie de devenir cuisinier. D'ailleurs, dès qu'il le peut, il se met aux fourneaux, pour le plus grand bonheur de ses camarades. "Ils avaient tous envie d'être en stage avec moi pour que je leur fasse des gâteaux", s'esclaffe-t-il. En parallèle de son cursus, Danielson entame donc des formations dans les métiers de bouche : CAP cuisine, CAP boulangerie, CAP pâtisserie… Le marmiton veut toucher à tout. "Je faisais des formations en ligne, parfois en présentiel, des stages dans des restaurants étoilés. Je posais des congés pour faire ci ou ça", se rappelle-t-il. Mais ses plans changent un peu. Car ce qu'il n'avait pas prévu, c'est qu'il se prendrait aussi de passion pour la médecine. "J'ai adoré ce métier, cette relation médecin-patient, je la trouve passionnante, singulière." Plus question de laisser tomber la blouse blanche.
Alors qu'il entame son internat de médecine générale, Danielson se trouve en "obésité morbide". "Je suis monté à 160 kilos, confie-t-il. J'étais amoureux de façon pathologique de la nourriture." Malgré son jeune âge, sa santé périclite. "Tous les voyants étaient au rouge. J'ai voulu être pris en charge pour ça." L'étudiant se rapproche du Pr Avignon, chef du service endocrinologie au CHU de Montpellier. "Et comme j'aime bien approfondir les sujets, en même temps, j'ai fait son DU de nutrition sur la prise en charge de l'obésité", explique Danielson. Grâce à cette prise en charge, il parvient à perdre "une quarantaine de kilos" et saisit "l'importance de la nutrition". Il décide de faire un DESC de nutrition "pour [se] spécialiser" et "aider d'autres patients qui avaient la même problématique que [lui]".
Après un assistanat, il devient praticien hospitalier contractuel au CHU de Montpellier, dans le service du Pr Avignon à l'hôpital Lapeyronie. Il participe notamment à l'étude sur l'accès précoce du Wegovy. Il finit par quitter le CHU fin 2022 parce qu'il a pour projet d'ouvrir son restaurant. "J'aurais pu continuer en tant que PHC, mais j'envisageais d'être PH. Or, quand on est PH on fait partie de la fonction publique et on n'a pas le droit de faire partie de la fonction publique et d'être commerçant. Si je suis chef cuisiner il n'y a pas de souci, mais comme je voulais être aussi restaurateur…", explique Danielson.
"Je vais devenir le premier médecin nutritionniste chef étoilé au monde"
Début 2023, il met un peu en "standby" son activité médicale – ne faisant que des remplacements en médecine thermale pour laquelle il a aussi un diplôme –, et commence à chercher un établissement à reprendre à Montpellier, où il vit avec sa femme et ses deux enfants en bas âge, ou dans les remparts d'Aigues-Mortes. Sans succès. Il s'intéresse finalement à Nîmes, qu'il connaît déjà pour y avoir fait un stage lorsqu'il était carabin et qu'il apprécie pour son histoire et sa culture. Il tombe sur le restaurant "Les Magnolias", situé sur la charmante place des Esclafidous, et rencontre les propriétaires, un couple qui souhaite prendre sa retraite. "Pour être sûr de mon choix, j'ai cuisiné avec eux. Et ça m'a bien plu", lance le cuistot, les yeux pétillants à travers ses grosses lunettes noires.
Dès lors, il entreprend de moderniser le restaurant, "assez classique". Danielson veut en faire un établissement bistronomique : une cuisine "fait maison", raffinée avec une ambiance bistro. Et y mêler la cuisine française avec "une petite touche de soleil de Madagascar", en utilisant par exemple du poivre de Madagascar, des baies roses, du combava (agrume), de la vanille de Madagascar, du gingembre... Il accueille ses premiers clients – parmi lesquels des patients – en septembre 2023, dans son restaurant ouvert du mercredi au dimanche. Une fois le rush des premières semaines passées, le chef prend un poste à la clinique Somnum à Nîmes en 2024 en tant que médecin du sommeil, une autre corde à son arc. Lui-même souffre encore d'apnée du sommeil. "On en revient toujours au même : quand je m'intéresse à un sujet, ça finit toujours par un diplôme", rit-il.
Le trentenaire jongle avec ses deux casquettes, exerçant la médecine les lundi ou mardi quand le restaurant est fermé, voire les autres jours, entre le service du midi et celui du soir. "Ce sont deux métiers qui sont très prenants, je travaille 7 jours sur 7", confie Danielson, qui a réussi à "trouver une équilibre" depuis quelques mois, notamment grâce à son chef exécutif, Stevril, "un véritable bras droit". Il ambitionne même d'avoir, un jour qui sait, une étoile au guide Michelin. "Je me suis dit : 'Je vais devenir le premier médecin nutritionniste chef étoilé au monde'." "C'est un titre que j'ai inventé, qui n'existe pas encore", plaisante le cuistot, qui adore dîner à la table des plus grands avec son épouse, médecin également. Danielson a conscience toutefois qu'"on n'arrive pas comme ça dans le milieu de la gastronomie. C'est un milieu très fermé, il faut faire ses preuves." Mais ça ne lui fait pas peur.
"J'ai décidé d'investir sur moi"
Le Montpelliérain nourrit d'autres projets, aussi bien en médecine qu'en cuisine. A la fin de l'année, il va mettre fin à son contrat dans la clinique du sommeil pour revenir à son cœur de métier : la nutrition. A plus long terme, il aimerait également ouvrir d'autres établissements, qui seraient à l'exact opposé de "l'hyper-industrialisation de l'alimentation" qu'il observe actuellement. Une ou plusieurs boulangeries, voire des pâtisseries, énumère Danielson, qui fourmille d'idées. "Aujourd'hui, il existe beaucoup de chaînes où le travail du pain se perd et surtout les qualités nutritionnelles du pain se perdent ou sont nulles…", déplore le chef, qui tient à mettre en avant aux "Magnolias" des fournisseurs qui "sont dans la même démarche [que lui]".
Le nutritionniste voit encore plus grand. En nous faisant visiter la cuisine de son restaurant – petite mais fonctionnelle – il nous fait part de son "grand projet". Celui un jour de sortir de terre "une clinique de l'obésité en milieu thermal, proposant une offre de gastronomie premium". Toutes ses passions et ses compétences réunies. "C'est un projet qui demande des sommes colossales, il me faut des investisseurs, et moi j'ai décidé d'investir sur moi", affirme le trentenaire, misant sur son côté "atypique". Le mur est haut. "J'y vais par étape, c'est un projet de vie, il n'y a pas de deadline, explique posément Danielson. Il faut laisser le temps au temps. Disons que c'est mon phare, je sais où je vais."
"Les Magnolias", ce n'est donc "pas la finalité" mais "le début du parcours" pour le chef Danielson, qui fait preuve d'un éternel optimisme. "C'est ça qui me fait plaisir, le chemin. Je vous ai expliqué la finalité, mais je fais de mon mieux, si ça se trouve tout ce que je suis en train de vous raconter ne va pas se réaliser, sourit-il. Ce n'est pas grave, je profite du moment présent." Ce qui compte aussi c'est que ses parents "sont fiers de [lui]". "Ils sont fiers que je n'ai pas lâché", poursuit le jeune homme. "Leur but n'était pas foncièrement que je sois médecin, mais qu'on puisse avoir une vie décente. L'objectif est rempli."
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